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Le racisme anti-blanc : une expression présente de la domination euro-centrée

posté le 11/02/17 Mots-clés  répression / contrôle social  antifa 

Le racisme antiblanc est centré sur l’homme blanc dans un système social construit à l’échelle de la racialisation, et dans lequel l’homme est dépourvu de sa dimension universelle quand il est noir. Pour se vivre, les noirs n’ont d’autres choix que ceux de se blanchir ou de se retrouver dans une communauté de destin au sein de laquelle leur ostracisme fait le lien social.

Avertissement au lecteur

Aucune discrimination ne saurait être lue ici comme imputée à l’usage de catégories ethniques. Je confirme par cet article que la couleur des hommes n’est pas pertinente pour saisir le genre humain.

De plus je ne manque pas de proposer un autre paradigme qui abandonne les catégories ethniques actuelles inscrites dans un ordre de la nature, et suggère d’autres catégories fondées sur un ordre de la culture. Ces catégories ethniques sont à saisir comme étant des formations sociales. Je me saisis de ces catégories ethniques seulement pour mon travail d’analyste d’une société dans laquelle les expressions racialisées sévissent toujours, pour problématiser la question post-coloniale au cœur de laquelle joue la négrophobie ; en tous autres cas, elle ne saurait affecter ma perception de l’homme.
En parlant d’homme noir et d’homme blanc, je désigne ceux qui se vivent et/ou sont perçus comme tels, en dehors donc de toute évaluation personnelle de la couleur.

En parlant de blanchitude, je désigne un cadre de pensée qui contient les valeurs de civilisation du monde blanc telles qu’elles s’expriment. Ces valeurs convergent vers la la domination eurocentrée, sa stabilisation et sa récupération en tous lieux ; à ces fins elles tiennent la préexcellence blanche pour postulat. Cette notion sera plus développée dans l’article.
En parlant de blanchité, je désigne le groupe de personnes qui adhèrent à la blanchitude.
En parlant de suprémacisme, je désigne la suprématie blanche érigée en système de la violence négrophobe.
Encore une fois, je me situe en dehors de toute évaluation de la couleur puisque bien que la blanchitude soit composée quasi totalement par des blancs, quelques noirs savent y adhérer. D’autre part quelques blancs (auxquels j’appartiens) pourfendent la blanchitude, défendent la négritude et se désolidarisent intégralement de la blanchité.

L’intention de ce travail rejoint Albert Camus : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur de ce monde. »

Article

Bien que la Cour d’Appel de Paris ait confirmé que l’expression « Français blancs dits de souche » ne « recouvre aucune réalité légale, historique, biologique ou sociologique »(1), le racisme antiblanc cherche à s’imposer comme un concept. Nous nous attachons ici à déconstruire cette production idéelle qui ne répond à aucun critère scientifique, et qui surgie des profondeurs de la régression anthropologique, se manifeste comme une production idéologique loin d’être adventice.

La notion de racisme antiblanc désormais déployée de la doxa jusqu’aux militants de gauche, réinscrit les différences entre les hommes dans la couleur de la peau en les désinscrivant de la couleur des idées. Elle déplace les repères de la conscience à ces autres repères que deviennent, par le regard porté sur le corps, les marqueurs ethnicisés. Elle renouvelle par là une fondation du sujet sur ses caractères biologiques comme elle renouvelle sa perception sociale au sein des schèmes morphogenètiques de la personne.

Dans leurs affirmations diverses et variées d’un racisme anti-blanc, certaines voix de la gauche politique tutoient désormais sans ambages le revival du néocolonialisme. Les propos de militants antiracistes aujourd’hui gagnés par l’affirmation du racisme anti-blanc, dans laquelle la LICRA (2), le MRAP(3) et SOS Racisme(4) se sont notamment illustrés, rejoignant là notre présente ministre N.Vallaud-Belkacem (5), commandent l’urgence d’éclaircissements face à cette véritable imposture intellectuelle, pour pallier les nouvelles conquêtes du racisme structurel en France.

Sans procéder à une histoire du racisme antiblanc, passons par quelques repères indispensables pour comprendre de quoi nous parlons. En 1983 Pascal Bruckner introduit le terme de « racisme anti-Blancs » dans son livre Le sanglot de l’homme blanc . Dans les années 2000, des mouvements d’extrême droite vont saisir la question du racisme antiblanc en clamant que « les Européens blancs » connaissent « une immigration invasion », que non seulement ils sont opprimés mais aussi sur-exposés par une justice qui ne prend pas en compte cette oppression. Le but du racisme antiblanc qui vise à protéger la blanchitude, est ici bien formulé : « Selon Stéphane François, politologue, « il s’agit, au nom de la résistance au racisme antiblanc de mener une lutte pour la défense de l’identité blanche. Il s’agit enfin de démontrer que toute société multiculturelle est vouée à l’échec » » (6). Puis le 15 mars 2015 l’article de Luc Bronner dans le quotidien Le Monde attribue les violences faites à des lycéens à un fait de racisme antiblanc : « Manifestations de lycéens : le spectre des violences anti-Blancs ». La LICRA approuvera ici cette reconnaissance du racisme antiblanc à l’instar du MRAP et de N.Vallaud-Belkacem en 2012, de SOS Racisme en 2009 pour d’autres faits.

Le racisme antiblanc occupe aujourd’hui les esprits plus que le racisme antinoir ou la négrophobie, dont les faits sont considérablement plus nombreux et excèdent en types d’agression du sujet les insultes épisodiques subies par les blancs. Une surenchère de ce phénomène le rendant paranoïde se développe tout azimut. P. Bruckner, qui la traduit par sa demande d’une reconnaissance de crime contre l’humanité, comme par sa vision d’une croisade antiblanc, n’en est qu’un échantillon : « le caractère macabre d’une croisade raciale contre l’homme blanc. Quand l’ONU inscrira-t-elle l’antioccidentalisme et le racisme anti-Blancs au rang des crimes contre l’humanité » (7)

Nous ne sommes plus qu’une poignée à montrer que les agressions sporadiques des blancs limitées à des injures sont incomparables au racisme structurel qui, à tous les niveaux des droits de l’homme et dans tous les domaines de la vie sociale, spolie, affaiblit, épuise, désintègre, ceux stigmatisés pour avoir la peau noire et en conséquence frappés de toutes les inégalités comme d’ostracisme.

Cette étude de l’INED, janvier 2016, le corrobore en même temps qu’elle corrobore la négrophobie comme facteur central dans le racisme. Elle confirme d’autre part que la population majoritaire, soit les blancs, « ne déclarent pas de discriminations associées aux expériences de racisme », que les réactions racistes sont limitées à des insultes, sont peu nombreuses, et ne se traduisent pas « par des préjudices matériels. ».

« Les enfants d’immigrés, maghrébins ou subsahariens, mais aussi les personnes nées en métropole de parents nés dans un DOM sont confrontés à l’hostilité raciste : de 54 % à 60 % d’entre eux. Et ce racisme se répète en de multiples lieux : d’abord les espaces publics, mais aussi l’école, les lieux de travail, les espaces de loisir. Ces propos, explicitement racistes, se cumulent avec des traitements défavorables, comme,dans le cadre du travail, se voir systématiquement confier les « tâches dont personne ne veut » ou les « horaires dont personne ne veut ». Un tel cumul et une telle répétition n’existent pas pour les personnes de la population majoritaire qui, de fait, sont nettement moins souvent confrontées à de telles expériences (15 % d’entre elles) et ne déclarent pas de discriminations associées aux expériences de racisme. Et il faut souligner que certains enquêtés de la population majoritaire ont considéré comme un comportement raciste à leur encontre le fait de se voir traiter de « sales racistes ». Ainsi le racisme explicite qui vise les enfants d’immigrés est un racisme qui les discrimine en réduisant leur accès à l’emploi et en dégradant leurs conditions de travail. Au contraire, le racisme qui vise la population majoritaire prend essentiellement la forme d’insultes proférées dans la rue ou les cours d’école et ne se traduit pas par des préjudices matériels. » (8) 2016,Cris Beauchemin, Christelle Hamel, Patrick Simon, Chercheurs à l’Institut National d’Etudes Démographiques .

Nous en concluons que le racisme antiblanc constitue un déni de la réalité du racisme chez les dominants. A l’heure où la blanchité connaît le ressentiment de ceux qu’elle domine, ou encore un retour de la violence racialisée en amont et faut-il le préciser sous des formes plus symboliques que réelles, elle crie au racisme couverte de l’absolution de ses propres brutalités. Dans ce système discriminatoire de la blanchité la violence qu’elle exerce est politiquement légitimée, ce qui n’est pas sans consumer la réalité de la souffrance psychique des dominés que le système s’emploie à faire disparaître sous l’outrage de l’insulte.

Le racisme antiblanc n’est qu’un épiphénomène qui le situe hors champ du racisme. Mais jusque chez les intellectuels, les gauchistes, les veilleurs de démocratie, les dominés sont toujours malséants et dangereux pour les dominants, qui en fonction de leur seule couleur, sont protégés par le système qui les place et les classe en situation de supériorité et de prépotence.

Le racisme antiblanc émane du système du privilège de la couleur. Partant de ce principe acquis par la sociologie selon lequel toute conceptualisation du racisme influe sur l’individu, les pratiques sociales et sur les politiques publiques, il réintroduit désormais le privilège de la couleur dans la complexion et le jeu du système social.

Dans ce phénomène de racisme antiblanc, la quête de pouvoir dévore le discernement de l’homme blanc face aux dispositions juridiques stipulant que les Français blancs de souche ne sont pas objectivement considérés comme un groupe social défini. Sur le plan juridique, la Cour d’Appel de Paris a confirmé que l’expression Français blancs dits de souche ne « recouvre aucune réalité légale, historique, biologique ou sociologique ». De plus, la justice a estimé que « la blancheur ou la "race blanche" » n’est « en aucune manière une composante juridique de la qualité des Français » et que « les Français blancs dits de souche ne constituent pas un "groupe de personnes" » au sens de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Cette décision comme la récente étude de l’INED invalident la notion de victime du racisme pour les blancs, majoritaires et non discriminés dans leur société. Dans l’article « Accuser de racisme pour masquer les privilèges », Juliette Sméralda indique bien :

« En fait de racisme, c’est en réalité une situation ressentie comme injuste qui est interrogée par eux… Deux critères servent en effet à tester l’intégration d’un groupe exogène dans une société : son accès à l’emploi et au logement : qui dira que les métropolitains sont discriminés à la Martinique ? » (9)

Cet article s’étançonne sur un postulat que le raidissement de la majorité Française face au multiculturalisme de notre société ne saura ni refroidir ni supprimer :

La couleur n’existe que dans le regard de l’observateur, elle n’existe pas dans l’être regardé.

Ce raidissement n’est pas étranger aux effets toxiques d’une société qui admet sa diversité aux conditions qu’elle se fédère à l’identité républicaine, d’une société qui refoule son multiculturalisme comme ses identités plurielles. Des conflits de légitimité ne surgissent pas seuls de ces oppositions culturelles. Ils régénèrent la suprématie blanche qui se réinvente par de nouveaux signes suprémacistes, tels ceux charriés par l’invention du racisme antiblanc et produits par les mêmes archaïsmes coloniaux.
Cette construction fumeuse et cafouilleuse que les esprits colonisés partagent avec les esprits colonisateurs est un non-sens absolu, comme si le racisme qui se définit par la discrimination de la couleur et de la race, pouvait frapper la quasi totalité d’une société. La composante historique déterminante du racisme est absente dans le racisme anti-blanc . Aussi cet essai conceptuel que l’inexistence des Français blancs comme groupe social ne peut transformer, est inconsistant.
Le racisme anti-blanc n’a pas de sens dans notre société où les blancs ne sont pas les victimes d’un racisme institutionnalisé et d’une discrimination sociale à dimension historique. Il confond ce qui relève des préjugés et des réductions simplistes avec le racisme qui se définit par des rapports de force et des inégalités entre groupes sociaux.
Le racisme anti-blanc émerge comme une réaction ethnocentrée dans laquelle le conflit de « race » prévaut sur le conflit de culture. Si les populations issues du Proche et Moyen-Orient (Françaises parfois depuis plusieurs générations mais toujours épinglées selon leur origine) sont autant visées que les populations noires (idem), ces dernières souffrent à un degré supérieur du colorisme, vecteur majeur d’ethnicité et d’altérisation, en étant indistinctement renvoyées à une origine Africaine dont l’intensification de la pigmentation épidermique suffit à directement évoquer l’intensification d’un fossé socio-culturel. Les populations issues du Proche et Moyen-Orient elles, souffrent à un degré supérieur d’un racisme fondé d’abord sur l’islamophobie, bien que l’essentialisation croissante des cultures ne permet pas toujours de distinguer strictement une cause. Puis plus leur teint est foncé, plus elles font l’objet de discriminations indexées sur le taux de mélanine comme valeur de référence.

En exprimant l’ethnicisme, le racisme anti-blanc alimente particulièrement la notion de race et avec, la pérennisation de l’homme noir comme mauvais objet, une position marquée par l’infériorité de nature et de culture, même si la valorisation de la diversité semble dire son contraire.
E. Saada, en nous ramenant à l’histoire de la catégorie race en France, fait valoir son intrication toujours actuelle entre nature et culture :

« Si le mot « race » était d’usage courant en France, il renvoyait, dans le discours politique, à la « race historique », c’est-à-dire à la continuité des générations enracinées sur un territoire . Sa signification s’infléchira en situation coloniale. Alors qu’en métropole, dans le second xixe siècle, le couple français/étranger est au cœur de la question sociale, aux colonies, le principal clivage passe entre « citoyens et assimilés » (en général, les « Européens ») et « indigènes et assimilés » – appellation qui concerne surtout les immigrants de pays limitrophes de la colonie considérée. Ce partage, cristallisé dans le droit, est racial en son fondement, mais la notion de race en jeu ici est complexe : articulée à celles de « milieu » et de « civilisation », elle mêle indissolublement culture et nature. » (10)

La société coloniale a produit le racisme en s’auto-légitimant au moyen de la science et du progrès. Ce même racisme habite aujourd’hui notre société sur les mêmes schèmes de pensées archaïques.
Mais la blanchité considérant qu’elle est chez elle, tout comme jusqu’aux années des indépendances, elle considérait qu’elle était chez elle quand bien même elle était chez les autres -colonisés-, elle semble n’avoir rien perdu de son introjection d’une mission civilisatrice, qui désormais a pris la forme d’une sommation à l’assimilation républicaine. Cette mission s’est juste déplacée d’un territoire à un autre (de l’Afrique à l’Hexagone, sa métropole, encore ainsi nommée dans les DOM !), et dans cette translation géopolitique, son travail civilisateur objective continûment sa légitimité, tandis qu’assimilation républicaine et blanchitude façonnent les cadres éthérisés dans lequel les noirs doivent se fondre. L’épiphénomène « racisme anti-blanc » traduit dans sa dimension réactionnaire une adhérence à l’entité blanche conçue comme suprématiste, c’est dire une conformité ethnocentrique, sachant que le radical ethnie désigne un groupe d’êtres d’origine ou de condition commune. Sa dominance ne souffre aucunement, ni une simple remise en question aussitôt vécue comme injure et assaut, ni une brimade aussitôt vécue comme un raid.

Donnons deux faits récents :
En 2015, un homme blanc venant de l’hexagone se baignait avec son chien sur la plage de Caritan en Martinique. Un Martiniquais l’interpelle et lui rappelle la présence d’un panneau d’interdiction de baignade des chiens. Sa réponse fut nette et lapidaire :"nos chiens sont plus propres que vos femmes !" Par ailleurs, la gendarmerie a refusé d’enregistrer le dépôt de plainte de la victime, ce qui constitue en soi une prévarication des agents de la loi. Ce fait fut amplement dénoncé par des associations auprès des autorités, et comme d’habitude celles ci restèrent muettes.
Cette situation illustre bien ce qu’est et comment s’exerce le racisme structurel. S’il émane d’un individu, en écho les institutions agissent dans une optique de conservation de l’ordre que la division raciale établit. Si les actes racistes sont imputables aux individus qui en sont les auteurs, ils sont aussi imputables à une société qui les autorise. Les faits de racisme anti-noir sont si nombreux, bien que tus par les médias mainstream, que chaque jour nous apporte quantité d’exemples. Voici quelques jours ce fut la Boutique Colorful Black à Paris qui se vit placardé une affiche rédigée par les habitants du quartier, pour demander leur expulsion en raison d’irrespect de ce quartier vu leur commerce de « cheveux en plastique »

https://blogs.mediapart.fr/cathy-liminana-dembele/blog
Boutique Colorful Black - 7 rue Poissonnière - 75002 PARIS – Janvier 2016

Le racisme antiblanc est centré sur l’homme blanc dans un système social construit à l’échelle de la racialisation, et dans lequel l’homme est dépourvu de sa dimension universelle quand il est noir. Pour se vivre, les noirs n’ont d’autres choix que ceux de se blanchir ou de se retrouver dans une communauté de destin au sein de laquelle leur ostracisme fait le lien social.
Ignorer ces formations sociales reviendrait à dénier les rapports de pouvoir qui modèlent les groupes sociaux. Tandis que la blanchité décrie le communautarisme, notre société post-coloniale a toujours installé les conditions propices à la formation fermée des communautés en vue de les rendre invisibles. La France a toujours procédé selon une logique culturaliste pour ranger les ethnies entre elles, ce qui n’a pas manqué de produire une ghettoïsation et d’empêcher la mixité culturelle. Comme un comble, elle conteste dans le même mouvement que ces populations cloisonnées s’ancrent dans leurs cultures respectives et ne s’assimilent pas. Une vraie psychose travaille dans cette injonction paradoxale (demeurer sagement cloisonné dans les structures de la ségrégation et s’assimiler), et rend les Français d’autres souches en permanence étrangers à eux même.

Eric et Didier Fassin recoupent les dimensions sociale et raciale et s’interrogent sur « comment articuler, plutôt que d’opposer, question sociale et question raciale ? » en constatant l’émergence d’une « question raciale » et plus seulement « raciste » ou « immigrée », qui croise la « question sociale » sans s’y réduire »(11).

Avant de plus creuser notre thématique, éclairons ce que blanchitude et blanchité signifient. Si l’on peut penser que ces termes ressortent aussi de l’ethnicisation, faut il préciser qu’ils se sont forgés comme réplique à la négritude. En nommant la négritude, est désigné un cadre de pensée et « ... l’ensemble des valeurs de civilisation du monde noir, telles qu’elles s’expriment dans la vie et l’œuvre des noirs », selon les mots de Léopold Sedar Senghor(12).

En nommant la blanchitude nous désignons un cadre de pensée qui contient les valeurs de civilisation du monde blanc telles qu’elles s’expriment, pour paraphraser Léopold Sedar Senghor. Ces valeurs convergent vers la stabilisation et la récupération en tous lieux de la domination eurocentrée ; à ces fins elles tiennent la préexcellence blanche pour postulat.
Au sommet des valeurs Françaises, l’Universalisme nous est toujours présenté comme une orientation vers l’égalité entre tous qui définirait une conception de l’Homme. Or, ce « modèle » égalitariste a prouvé depuis le 18ème s. qu’il sert la domination hégémonique d’une idéologie dans laquelle siège le monopole de la raison. Matrice des valeurs de la république considérées comme étant universelles, l’Universalisme n’est que la standardisation d’un modèle culturel érigé en dogme dans lequel les singularités n’ont aucune place. Le rationalisme Français s’est auto-dressé au rang d’Universel dans le dessein de détruire toutes les formes de pensées non occidentales. L’universalisme a servi en tous temps et en tous lieux dans le Monde la justification des conquêtes et de l’impérialisme, conduisant à l’application de la domination Française et au génocide colonial. Au pays des Lumières, la xénophobie a été institutionnalisée, depuis la fin du 19ème s., avec des dispositifs mis en œuvre dans les colonies, qui ont été transférés dans l’hexagone après les indépendances et la départementalisation des territoires d’Outre-mer.

Dans la blanchitude, les politiques de la colonisation et de la néo-colonisation trouvent toujours des justifications intellectuelles, comme est entretenue toute une politique négationniste en matière de mémoire collective du fait esclavagiste et colonial, dans le but d’entretenir l’inconscience collective.

Si la blanchité est composée très majoritairement par des blancs, des noirs ne manquent pas d’y adhérer. Comme jadis l’alliance avec le blanc était pourvoyeuse de gains (ainsi par ce phénomène de collaboration institué et instrumentalisé par les blancs, des noirs se firent suppôts du maître), ces blandices de l’alliance fonctionne encore dans notre société avec leur jeu de rétributions symboliques et matérielles. Fut-ce au prix de l’assimilation sociale grande dévoreuse de cultures vernaculaires, cela offre au dominé une sortie de sa condition, et une augmentation de sa subjectivation dans le champ des rapports sociaux. Faut il ajouter qu’en situation d’oppression l’individu se rapproche de l’oppresseur et non pas de l’opprimé, par effet de subjugation et d’emprise psychique.

Il s’agit pour nous de substituer sans relâche au rapport blanc/noir un autre rapport : le rapport colonisé/décolonisé, qui rompt avec la race et situe l’antagonisme là où il sévit, c’est à dire dans le champ de la culture et non pas dans celui de la nature.

Parler de rapport colonisé/décolonisé et non plus de rapport blanc/noir n’est pas une banale commutation qui ménagerait la forme. Cette substitution répond à l’impératif de requalifier ce rapport en assurant son pressant transfert de la nature (blanc/noir) à la culture (colonisé/décolonisé). Elle évince le contenu essentialiste lié à la couleur qui n’est ni conceptuel ni opérationnel pour analyser la réalité de l’homme, et réorganise des schèmes de pensées en les dégageant d’ethnicisation. Si cette requalification sait nous débarrasser des nuisances plombantes et des lésions du colorisme et du racisme, elle sait aussi dissoudre la division sociale franco-française entre blancs et non-blancs. Elle rompt des logiques sociales qui participent de l’accréditation des blancs et du discrédit des noirs.

Parler de rapport colonisé/décolonisé avère d’autre part le rapport de force inhérent à la formation des groupes sociaux, tel qu’il s’actualise dans la présente lutte des places dans le champ mémoriel.

Le racisme antiblanc procède d’un vrai délire obsidional tout comme l’argument du communautarisme, depuis plusieurs années déjà, qui progresse dans une phobie de l’étranger-phagocyte notamment quand il est « de couleur ».
Cette imposture du racisme anti-blanc s’allie avec la supériorité blanche, conditionnée par l’infériorisation des noirs et une paix sociale acquise par procédé de castration. Son projet tient en effet à ce que l’homme noir incorpore le racisme dont il est l’objet jusqu’à ce qu’il se résigne en taisant toute révolte, et dans ce souci de conservation de la blanchitude, passe une véritable attente implicite de la transsubstantation de l’homme noir.

En somme, l’homme noir est mis en demeure d’intérioriser son oppression et son infériorité pour se monter socialement et culturellement adapté. Le racisme antiblanc réactive de la sorte une violence coloniale comme à cette fin, il participe à l’élimination de tout appareil d’émancipation et d’égalité de l’homme noir.

Chez l’homme noir ainsi privé d’expression et de posture légitime, le procédé de castration symbolique se mettra en œuvre et n’omettra pas d’embrayer tout le comportement de soumission à l’autorité attendu là où l’espace vital accordé sera réduit au champ de la névrose ou de la schizophrénie.

Cette soumission à l’autorité ne tarde jamais à installer son mouvement chez l’homme noir qui est alors mis en demeure de prouver sa capacité à dépasser l’infériorité qui lui est prêtée. Il est alors touché au cœur même de sa subjectivité. Stanley Milgram a démontré que ce processus de soumission à l’autorité s’engrène notamment quand elle induit des actions qui posent des problèmes de conscience au sujet.

Le racisme antiblanc encourage toute une stratégie du renoncement chez l’homme noir propre à le rendre actif de sa désapropriation et de la perte de son Moi. Mais comme le sujet ne disparaît jamais complètement, la faille psychique l’attend fermement dans les lieux du symptôme. Ainsi le racisme antiblanc se présente comme un « effort pour rendre l’autre fou » pour reprendre la formulation d’Harold Searles, montrant ce procédé d’inversion de l’économie du sujet qui fait passer pour actif de la folie le sujet affecté, alors qu’il en est l’élément passif face à cet autre (personne ou entourage) qui en est le réel élément actif, soit le sujet affectant.

Dans un cadre où l’homme noir est toujours tenu à distance par la blanchité qui colle les peaux aux corps, le racisme antiblanc paraît ainsi comme étant encore bien plus que la transgression des normes définissant le racisme.
Étayé sur les confusions et la conversion de l’objet-racisme avec leur cortège d’injonctions paradoxales, il fait passer l’oppresseur pour l’oppressé et l’oppressé pour l’oppresseur dans un environnement qui cultive le déni de réalité.
Didier Fassin a bien constaté ce déni dont il donne une analyse exhaustive dès 2006 , et relève par exemple l’instrumentalisation de l’égalité des chances à cet effet.

« Ainsi, à peine reconnues officiellement, les discriminations raciales se voient-elles écartées de l’espace public : avec le discours sur l’égalité des chances, c’est la réalité des discriminations qui s’estompe ; avec l’institution de dispositifs indifférenciés, c’est leur caractère racial que l’on gomme (…) Ainsi est-on passé en une décennie d’un déni – la réalité était représentée mais non interprétée et les discriminations raciales demeuraient absentes du débat public – à une dénégation – la réalité est énoncée mais pour pouvoir être mieux écartée et les discriminations raciales désormais nommées font l’objet d’une euphémisation. (13)

Il démontre encore que plus les faits sont au centre du racisme, plus ils s’abîment dans le gouffre du déni par la majorité blanche.
« Pour les victimes de discriminations raciales, les enjeux de la mise à distance de ces faits sont bien différents. C’est parmi elles que l’on trouve les manifestations les plus pures du déni de réalité. On ne saurait s’en étonner si l’on considère que cette forme de rejet concerne les événements les plus douloureux, ceux qu’il serait le plus coûteux de reconnaître. » (14)

Dans sa phobie de l’étranger-phagocyte, la blanchité est confrontée à l’angoisse de perdre les avantages procurés par sa posture proactive en matière de souveraineté. C’est alors qu’en son sein des comportements réactionnels archaïques s’activent à partir de son mécanisme de défense névrotique qu’est le déni de réalité du racisme ordinaire et structurel.

La défense primaire

Le racisme antiblanc est un moyen simpliste pour ceux qui se revendiquent de la blanchité de se défendre a priori d’être racistes, en montrant qu’ils sont victimes de racisme. Ils se défendent d’être racistes alors qu’alléguer un racisme antiblanc revient à inférer que le vécu et la position sociale des noirs égalent ceux des blancs. Mais réfuter la discrimination des noirs est porteur de discrimination, en ce que cela équivaut à réfuter leur condition de victime de toutes leurs inégalités avec les blancs. Ce simplisme, grand fourvoyeur de vérité comme tous les simplismes, est redoutable pour constituer le socle sur lequel se façonne le racisme.

La conversion de l’objet

Le racisme anti-blanc qui trouve actuellement un bien-fondé dans le politiquement correct, est une expression qui, reprise ici de mon précédent article, « manifeste bien plus la pression sociale vécue par certains Français de souche face à une diversité française qu’ils ne supportent pas, que leur objective oppression sociale par cette diversité là. Ce système d’attaque/défense, inhérent au modèle de l’homme blanc conçu dans l’excellence, n’est pas sans traduire une inversion de la pensée en l’absence d’un réel racisme inversé ».

La projection

La projection consiste à attribuer à autrui ses propres motifs, idées ou émotions. Tout comme avec l’argument du communautarisme, le racisme antiblanc ne s’est pas élaboré sans que joue un mécanisme de projection qui fait attribuer aux noirs une centration sur leur condition sociale, alors que cette autocentration est bien à rapporter au culte de la souveraineté dans la blanchité.

Tandis que le racisme antiblanc est une fiction mise en œuvre par la blanchité dans un but d’auto-conservation, c’est à ceux qu’elle domine par la division raciale qu’elle attribue un comportement raciste. Mais celle ci régnant, point de propriétés communautaristes lui sont prêtées puisque ethnie dominante, elle ordonne à elle seule le monde.

L’hétéro-attribution

Depuis quelques temps dés que nous bousculons l’eurocentrisme ou la blanchitude, nous nous trouvons taxés d’être raciste antiblanc, dans une France où désormais l’identité républicaine se confond avec Être Charlie, et cela pour réprouver toute contestation de l’ascendance blanche. Et depuis bien plus longtemps, un prétendu « communautarisme » vaut d’argument multilatéral dans une forme dégénérée de causalité qui prétend être vraie quelles que soient les situations où se coudoient les paramètres eurocentristes.

Le communautarisme n’est jamais qu’une locution formée entre le galvaudage et la fiction, pour exprimer plus la résistance des populations « de couleur » à l’assimilation franco-française que cette réalité d’un fonctionnement afrocentré fermé sur sa communauté à laquelle on cherche à nous faire croire. Le communautarisme devenu éculé, la blanchitude se dote maintenant d’un nouveau cheval de bataille avec la production du prétendu racisme antiblanc.
Elle trouve là de quoi se rénover comme de quoi raviver sa rhétorique au sujet de l’identité blanche. Elle y trouve le moyen de réprimer la contestation qui s’élève contre la blanchitude, dans cette stratégie de renoncement propre à faire progresser la norme d’internalité de l’infériorité noire (que nous avons examiné plus haut), en créant de nouveaux clichés.

[…]


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