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Dans « Marianne » : amalgames partout, honnêteté nulle part

posté le 18/02/17 Mots-clés  répression / contrôle social  antifa  Peuples natifs 

Islamo-gauchistes, terroristo-caïds-de-banlieue, islamo-nitzschéistes, islamo-ninjas, cosmopolito-cinéphiles : l’invasion est totale, cette semaine, dans Marianne. Beaucoup de défense de la police et de la République après les mobilisations pour Théo. Mais toujours rien sur l’attentat de Québec.

Pas plus que dans le numéro précédent, l’hebdomadaire ne parle des six morts et des blessé-es de l’attentat à la mosquée de Québec, le dimanche 29 janvier. La province canadienne est bien mentionnée page 51, mais c’est dans un article où Jack Dion s’indigne que le slogan de Paris pour la candidature aux Jeux Olympiques soit en anglais : « En apprenant la nouvelle, les défenseurs de la francophonie qui se battent sur tous les continents, à commencer par nos cousins du Québec, ont dû avoir un choc. » Certaines vies sont moins dignes de faire l’objet d’un article dans Marianne. Si le terroriste, influencé notamment par Marine Le Pen, avait envoyé un communiqué en anglais, peut-être que Jack Dion se serait indigné de ce qui s’est passé dans cette mosquée un dimanche de janvier.

Page 32

Frédéric Ploquin signe un article sur les tortures policières infligées à Théo. Le titre, « La bavure qui secoue Aulnay-sous-Bois », inscrit les faits dans la logique du dérapage et non dans celle du racisme systémique. L’article insiste sur l’innocence du jeune homme (« Un garçon sans histoire », « peu intéressé par l’économie souterraine ») comme si un coupable aurait mérité d’être violé par la police. On nous explique que « c’est même par hasard qu’il se retrouve mêlé à un contrôle de police qui se passe mal », alors que c’est parce qu’il s’est interposé pour empêcher une violence policière.
Du viol lui-même, Ploquin ne dit rien : « Que s’est-il passé ? Les experts trancheront. » La parole de Théo est donc indigne d’être reproduite : qu’un journaliste confronte des versions est une chose, qu’il passe sous silence celle du premier concerné en est une autre. Mais de fait, ce n’est pas le sort de Théo qui intéresse Ploquin, ni que cette agression s’inscrive dans une logique de racisme structurel. Ce qui inquiète Marianne, ce sont les soulèvements qui ont suivi : « Quelques caïds n’ayant rien à perdre appellent déjà à l’émeute », nous explique, sans source, sans preuve, Frédéric Ploquin. Ce qui l’inquiète encore plus, c’est le sort des pauvres policiers : « Personne n’empêchera qu’un jour, au détour d’une patrouille, un policier soit malmené à cause de la faute de ce collègue passablement immature et vicieux ». Et après avoir rappelé à plusieurs reprises l’inexpérience et la jeunesse des agresseurs, Ploquin entend dresser « le bilan du quinquennat de François Hollande : rien n’a été fait pour modifier cette mauvaise habitude qui veut que la République envoie en première ligne, dans les quartiers franciliens les plus durs, des policiers sans expérience, ne connaissant rien, pour la plupart, à ces territoires. » Comme s’il fallait être près de la retraite pour savoir que le viol est un crime, même quand la victime est noire et habite la banlieue. Et comme si la situation des personnes de banlieue sans cesse confrontée à la violence policière n’était rien face au mal-être des forces de l’ordre.

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Interviewé par Martine Gozlan, le codirecteur de l’Observatoire des radicalisations explique : « Le salafisme quiétiste est une thèse trompeuse. Les salafistes, c’est un peu Adolf Hitler avant 1934 ! Oui, je suis pour une politique de déchéance de la nationalité. »

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Guy Konopnicki signe une tribune intitulée « L’obscurantisme au nom de la diversité ». Même s’il ne charge pas que les musulman-es, le centre de son attention, comme le prouve la caricature, est encore et encore le voile. Konopnicki ne se contente pas d’entretenir la confusion entre laïcité, athéisme et neutralité. Il confond aussi laïcisation, processus lié aux lois et règlements, avec la sécularisation, résultat de processus sociaux qui ne se limitent pas aux conséquences d’une loi : « L’enfant d’immigrés que je suis ne remerciera jamais assez la France laïque de l’avoir émancipé des interdits ancestraux. J’ai la liberté de porter ma culture juive sans être confiné à une origine qui m’interdirait le jambon de Paris-beurre, la choucroute de Strasbourg et les huîtres de Marennes. » Mais il aurait eu la même liberté dans des pays ne disposant pas des mêmes lois laïques qu’en France !
Il rajoute : « La liberté des femmes voilées devient le programme commun d’Emmanuel Macron et de Benoît Hamon. Ils ne songent jamais à la liberté des jeunes femmes qui rêvent de jeter aux orties ce voile imposé par leurs familles soumises à la pression des imams, quand ce n’est pas celle des caïds de quartier. » Tiens, encore les caïds de quartier. Marianne les connait donc très bien. Que sait Konopnicki des envies des femmes de banlieue, quand le magazine où il officie ne cesse de leur nier leur parole ?

Page 35

Yves Quiniou réussit à critiquer Michel Onfray en étant plus islamophobe que lui. Revenant sur l’interview que nous avions chroniquée (voir numéro 1034), Quiniou trouve que le philosophe « formule sur l’islam des jugements inacceptables, quoiqu’il s’en distancie. En quoi, lorsqu’on a en vue sa barbarie actuelle, peut-on le valoriser ? » L’islam est donc par essence une barbarie. « Considérer que l’islamisme témoigne d’une "ferveur" que nous n’aurions plus et même d’une "grande santé" (kalachnikovs à l’appui) montre à quel point sa réflexion est indéfendable, intellectuellement et moralement. »

Page 66

Agnès Catherine Poirier publie un article intitulé « Cinéma britannique, la tyrannie de la diversité » et qui est introduit ainsi : « Louable à son origine, le multiculturalisme est devenu un diktat qui régit le financement public des arts, et notamment du cinéma. Inquiétant. » La même idée est répétée un peu plus loin : « Du financement aux récompenses, la "diversité" est devenue le nouveau diktat. » L’article est illustré par une caricature raciste et transphobe, montrant un homme noire déguisé en reine d’Angleterre, sous le regard d’un producteur commentant : « Si avec ça on trouve pas un financement... »

Revenant sur diverses mesures d’incitation de promotion de « la diversité », tant dans les sujets des films que dans les personnes employées, Poirier s’alarme : « La tyrannie de la diversité est d’accepter les revendications séparatistes des uns et des autres en les faisant passer pour un simple respect des susceptibilités et des préférences individuelles. » Elle n’explique évidemment pas en quoi lutter contre l’exclusion au cinéma de groupes de personnes seraient « séparatiste ». Une expression comme « groupes sous-représentés » est décrite comme étant du « charabia », de la « novlangue digne d’Orwell ». Poirier conclut : « Un Claude Chabrol, un François Truffaut, un Eric Rohmer n’auraient pu exister dans un tel système de financement du cinéma. Au lieu d’encourager la diversité, cet égalitarisme acharné risque en fait d’étouffer la libre création. Ce serait un comble. » Alors même qu’ en 2017, Amandine Gay, femme noire, n’a pu trouver un diffuseur pour son film Ouvrir la voix qu’après un long combat et un appel à financement citoyen, invoquer le risque imaginaire qu’un peu d’égalité aurait fait courir à des réalisateurs hommes et blancs à leurs privilèges, c’est bien cautionner l’oppression qui invisibilise les femmes et les personnes racisées dans le cinéma et la culture.

Page 90

À propos de Théo, Caroline Fourest se livre à un de ses passe-temps favoris : le renvoi dos-à-dos des oppressé-es et des opprimeur-ses. « Nous n’avons pas encore atteint le niveau alarmant des États-Unis, mais le pourrissement est bien en route. Les autoritaires comme les victimaires nous y conduisent tout droit. Sortie de route à République. Direction : le Far West. » On croyait depuis la page 32 que le pourrissement venait des caïds de banlieue.

Si la polémiste reconnait une responsabilité aux « dépositaires de l’autorité publique », ce n’est que pour nier le caractère systémique des violences policières : « même épuisés et à bout de nerfs, les policiers ne doivent jamais se comporter comme des voyous. C’est l’impression détestable que donne l’arrestation de Téo. » Une « impression », vraiment ? L’exemple des États-Unis est invoqué, là encore en évitant de parler de racisme systémique, juste de bavures : « Aux États-Unis, les policiers dégainent et pensent après. D’où ces bavures à répétition : trois personnes abattues chaque jour, dont un tiers d’Afro-Américains. »

Et si « Black Lives Matter » est invoqué par elle, comme un slogan et non comme un collectif national de personnes noires, c’est avant tout pour stigmatiser les collectifs en France : « Nous n’en sommes pas là [à la situation étasunienne], mais certains collectifs victimaires le croient et le font croire. Au prix d’importer la même colère. On les connaît. Ils empoisonnent toutes les causes qu’ils embrassent, la lutte contre le racisme comme celle contre les violences policières. Quand ils ne se réjouissent pas de voir une voiture de la BAC attaquée au cocktail Molotov façon ninja, ils soufflent sur l’amalgame laïcité et islamophobie, avant d’enchaîner sur l’amalgame ’France = police = racisme’. » On devrait créer le délit de « soufflage d’amalgame ».

Dans le verbiage habituel de la polémiste, dans ses invectives envers les collectifs de familles de victimes, on remarquera cependant qu’elle utilise le mot « islamophobie » sans avoir mis de guillemets. Encore une victoire de l’islamo-éditorialisme.


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