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Les gros arrangements avec l’histoire de Meyer Habib

posté le 10/01/18 par François Munier Mots-clés  répression / contrôle social  antifa 

Lettre ouverte à Meyer Habib,

Monsieur le député,

En préalable, je vous rappelle que vous êtes aussi mon député. Car, même si les députés français sont élus au scrutin de circonscription, ils représentent tous l’ensemble du peuple français, et pas seulement les électeurs de leur circonscription, et encore moins les seuls électeurs d’un seul pays de cette circonscription.

Vous êtes donc parfaitement habilité à intervenir à propos des fermetures de maternités en milieu rural, les retards de TER, etc.. Mais je ne crois pas que ce soit votre préoccupation première.

Au micro de Guillaume Meurice, vous avez employé, à propos de Jérusalem, « capitale éternelle d’Israël », les termes :

- logique historique

- vérité historique

- la Bible, c’est une preuve historique, c’est le plus vieux livre du monde

- Jésus était né à Jérusalem il y a 2018 ans.

- l’ONU aurait voté que le « mur occidental » s’appelait Al Buraq et était une mosquée.

J’avoue que j’ai toujours eu un peu peur avec les références aux précédents historiques. La région où j’habite a fait partie de l’Empire romain pendant 5 siècles, puis du Saint Empire romain germanique pendant près de huit siècles.

J’espère que les gouvernements italien et allemand n’en profiteront pas pour :

- se proclamer les héritiers exclusifs de ces deux empires

- revendiquer la Lorraine et éventuellement y installer des colons après m’en avoir expulsé.

Et il y a pourtant une vérité historique incontestable concernant ces deux empires.

Peut-on en dire autant de la Bible1 ? Est-ce le plus vieux livre du monde ?

Selon la tradition biblique, les plus anciens livres (la Torah) auraient été écrits par Moïse lui-même2. Des extrapolations et calculs faits d’après cette même tradition le font vivre vers le XIIIème siècle avant notre ère.

Mais il est plus probable que les récits bibliques, issus de traditions orales, aient été mis par écrit pour la première fois au VIIème siècle, sous Josias, roi de Juda.

L’épopée de Gilgamesh a été écrite sur les tablettes sumériennes datant de la fin du 3ème millénaire avant notre ère.

Donc plus de mille ans avant l’écriture de la Bible, on écrivait des livres, la Bible n’est donc pas le plus ancien livre du monde.

Et est-ce un livre historique ?

C’est vrai, que pendant longtemps, le récit biblique (avant l’exil à Babylone) n’était corroboré ou infirmé par aucun autre écrit, car on ne savait pas lire les écritures cunéiformes, les hiéroglyphes égyptiens. Et l’archéologie était balbutiante.

Mais il y avait déjà quelques épisodes difficiles à croire sans une foi en le Dieu tout puissant solidement chevillée au corps :

- des hommes qui vivent plusieurs siècles

- un déluge universel, où les eaux recouvrent les plus haut sommets de la terre, sans qu’on sache très bien d’où toute cette eau pouvait tomber.

- la navigation de Noé, pendant une année complète, dans un bateau de 150 mètres de long, pendant presque une année, avec des couples de toutes les espèces d’animaux, et du foin pour nourrir les éléphants, de la viande pour nourrir les tigres, etc. en empêchant le lion de manger la chèvre, etc.

- un chef de guerre qui obtient de Dieu qu’il arrête le soleil, considéré comme tournant autour de la Terre.

Des remarques du même genre, motivées par un rationalisme basique, pouvaient être faite faites à propos de l’histoire romaine (la louve et les jumeaux), grecque (la guerre de Troie)

Maintenant, astrophysiciens, géologues, paléontologistes, archéologues, historiens, savent, après des recherches et des travaux s’appuyant sur l’ensemble des connaissances scientifiques, y compris les « sciences dures », que l’univers, la Terre, la vie sur Terre, les premiers hommes, les premières sociétés humaines organisées sont beaucoup vieilles que ce que raconte le récit biblique, qui fait tout commencer il y a un peu moins de 5 800 ans.

Nous savons maintenant lire les textes égyptiens, mésopotamiens et force est de constater que, si à partir du Xème avant notre ère, ils corroborent partiellement puis de plus en plus le récit biblique, c’est loin d’être vrai à 100 % pour la suite.

Il n’y a jamais eu de déluge universel, tout au plus de très grandes inondations en Mésopotamie, que relate l’épopée de Gilgamesh.

Il n’y a aucune preuve extra-biblique de l’existence (ou de l’inexistence) des patriarches Abraham, Isaac, Jacob, Joseph.

Aucun texte égyptien ne fait mention des « dix plaies » qui auraient dû marquer les esprits. Ni d’un exode massif de milliers d’esclaves en révolte.

Selon la Bible, les Hébreux errant dans le désert pendant 40 ans auraient été plus de 600 000, sans compter les femmes et les enfants. Et tout cela sans laisser un seul tesson de poterie, une seule trace de campement ? Et en mangeant et en buvant quoi ?

Cette troupe immense, dirigée par Josué, aurait ensuite conquis le pays de Canaan, sous protectorat égyptien, sans que les gouverneurs égyptiens, chargés de surveiller les rois locaux, ne s’en émeuvent ? Alors que nous avons une partie de leur correspondance.

Savez-vous qu’à l’époque où la Bible place l’épisode (les trompettes, les murailles qui s’écroulent), la ville de Jéricho n’est pas fortifiée ?

Beaucoup, en extrapolant le récit biblique, ont fait de Moïse le contemporain du pharaon Ramsès II. A son époque, les empires égyptien et hittite s’affrontent. La bataille eut lieu à Qadesh, à la frontière syro-libanaise actuelle, à la limite de leurs zones d’influence respectives. La Bible, « livre historique », n’en fait nulle mention.

Il y a eu effectivement un (petit) royaume de Juda, un royaume d’Israël plus important (la dynastie d’Omri, attestée également par les sources assyriennes), mais ni les textes contemporains, ni les résultats des fouilles archéologiques sérieuses ne permettent de dire qu’il y ait eu un royaume uni (David et Salomon), ni un grand temple dédié au Dieu unique.

Même si cela était vrai, cela ne signifierait simplement qu’il y avait eu pendant quelques dizaines d’années, un royaume uni, profitant de l’affaiblissement temporaire des grands empires voisins.

C’est quand même peu pour une légitimité historique, reconnaissez-le !! Le roi du Maroc aurait beaucoup de raisons de revendiquer l’Andalousie.

Ma tradition familiale est chrétienne, j’ai donc noté également votre référence à Jésus. L’Évangile le fait naître à Bethléem, pas à Jérusalem. Certes, il n’y a que quelques kilomètres (et un mur) entre les deux, mais ce sont deux villes distinctes.

Vous dites il y a 5018 ans. L’existence de Jésus n’est plus contestée aujourd’hui par les historiens sérieux, mais si on cherche à « faire coller » le récit évangélique avec d’autres documents, il serait né avant la mort du roi Hérode le Grand, en 4 « avant Jésus-Christ ». Donc il y a plus de 5018 ans.

Ce n’est qu’un détail, mais cela montre également votre désinvolture avec l’histoire.

Quant à la « mosquée Al-Buraq », c’est du grand n’importe quoi. La résolution que vous contestée n’est pas de l’ONU, mais de l’UNESCO. J’ai trouvé le texte sur le site d’un journal israélien, je suppose non suspect à vos yeux.

Ce texte ne nie jamais l’existence d’un patrimoine religieux juif ou chrétien à Jérusalem, il reproche simplement au gouvernement israélien « puissance occupante » de mettre en péril le patrimoine arabe et musulman de la ville.

Deux fois, cette résolution emploie l’expression « Place Al-Buraq (« place du Mur occidental ») ». Elle ne parle jamais d’une « mosquée Al Buraq. » A moins que pour vous, mosquée et place ne soient deux synonymes ?

Alors, Monsieur Habib, certains se sont déjà posé la question de savoir si vous étiez un représentant du peuple français ou un représentant du Likoud israélien au Parlement français.

J’en ajoute une autre : « Où avez vous appris l’histoire ? »

Je vous prie de croire, Monsieur le député, en mon attachement sincère à la rigueur historique.

1 Dans la suite du texte, je réserverai le terme « Bible » à la Bible hébraïque, l’Ancien Testament des chrétiens ?

2 Qui a même raconté sa propre mort..(Deutéronome, ch. 34)


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