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Ça bouge au Mali

posté le 12/01/18 Mots-clés  réflexion / analyse 

La contestation et de la corruption et de la mainmise de la France sur le pays, qui couvait depuis un moment, a éclaté depuis quelques mois avec des mouvements très importants.

- Il y a d’abord eu des scandales de corruption, et notamment en 2014 l’affaire de l’avion du Président, qui aurait détourné de l’argent destiné à l’achat d’armes pour s’offrir un jet. La corruption autour de la délivrance de la carte Nina, carte électorale mais également carte nécessaire pour obtenir des papiers d’identité, avait provoqué l’occupation du consulat du Mali fin 2016.

- Ça grogne aussi depuis longtemps contre la France, qui est accusée de collaborer avec les djihadistes. En effet, l’armée française interdit une partie du territoire (la zone autour de Kidal) à l’armée malienne et y contrôle les mouvements de personnes – y compris les officiels maliens, qui doivent avoir l’autorisation de la France pour s’y rendre. (Cette zone, située dans la région nord du Mali, est revendiquée par les Touareg sous le nom d’Azawad.) Par contre, l’armée française a négocié avec le MNLA (mouvement touareg) qui, au départ, s’était allié avec les djihadistes. Rappelons que c’est à Kidal que deux journalistes de RFI ont été assassinés dans des conditions qui restent très suspectes, le 2 novembre 2013.

- Il y avait eu ensuite l’affaire des laissez-passer, qui avait entraîné l’occupation de plusieurs consulats du Mali en France : un officiel européen s’était vanté d’avoir enfin pu conclure un accord avec les autorités maliennes pour l’admission d’expulsés avec des laissez-passer. Les autorités maliennes avaient dû démentir officiellement, et même renvoyer dans leur résidence d’origine des expulsés comme preuve à l’appui de leur démenti. Le mécontentement gronde aussi contre l’inertie du gouvernement en ce qui concerne le sort des Maliens en Libye, mais également les conditions d’expulsion d’Algérie, etc.

Les choses ont pris plus d’ampleur avec l’annonce d’un référendum.

En effet, le Président a voulu en organiser un le 9 juillet dernier pour modifier la Constitution sur plusieurs points : l’instauration d’un Sénat (il n’en est pas prévu dans la Constitution actuelle) dont un tiers des membres serait nommé par le Président, et surtout la possibilité de prolonger les mandats présidentiels au-delà de deux. Il faut savoir que c’est un acquis de la révolution qui a renversé la dictature de Moussa Traore en 1991. Les autorités prétendent que ce référendum est une nécessité à la demande de la France, à la suite des accords passés avec les Touareg (la nomination du Sénat garantirait la présence de Touareg dans les institutions). C’est un double déni de démocratie : suppression de garanties démocratiques, et le tout à la suite d’un accord passé sous la tutelle de la France à propos du Nord. De plus, cela signifie organiser un vote sur une partie seulement du territoire malien, puisqu’une partie des régions sont toujours soit sous occupation militaire française, soit sous la menace des rebelles. Le mouvement a réussi à repousser déjà deux fois le référendum, qui est de nouveau suspendu sine die.

Un leader a émergé, Ras Bath (1), qui est surnommé « le guide ». « Ras » parce qu’il se définit d’abord comme rasta, « Bath » pour Bathily, son nom ; il est fils de ministre. Il s’est attiré une grande admiration pour avoir osé dénoncer y compris la corruption de son père. Ses références sont Thomas Sankara, le Che, Mandela, Modibo Keïta, Martin Luther King, Malcolm X... Il se définit comme révolutionnaire. Son slogan : « Choquer pour éduquer ». Il dénonce les scandales de corruption, explique la mainmise de la France sur le pays, rejette la collusion d’une partie des imams avec le pouvoir, réclame le retour de la souveraineté malienne sur Kidal, etc. Très populaire d’abord chez les jeunes, notamment instruits, puis chez les immigré-e-s, une foule importante se déplace partout où il va. Il vient de faire une tournée des villes y compris moyennes du Mali (enfin, sauf dans la zone du Nord, bien sûr, quoiqu’il y ait aussi des soutiens). Le tribunal l’avait condamné à un an ferme pendant qu’il faisait une tournée auprès des émigrés en Europe. Il a annoncé qu’il était chez lui au Mali et qu’il reviendrait, ce qu’il a fait le 3 août dernier. Une foule immense l’attendait pour lui faire une haie afin d’empêcher son arrestation entre l’aéroport et le tribunal, soit sur une vingtaine de kilomètres. Et les autorités ont dû renoncer à sa condamnation.

- Lors de l’opposition au référendum, une plate-forme (Antè a Bana, ce qui veut dire approximativement « maintenant c’est fini » !) avait réuni l’ensemble des opposant-e-s, donc aussi les politicien-ne-s, dont beaucoup ont déjà été ministres dans leur vie.

Cette plate-forme a essayé de le récupérer sans succès. Par contre, il a soutenu la création de collectifs de défense de la République, qui se sont répandus un peu partout. Ces collectifs sont autonomes. Pour lui, plus il y a de collectifs, mieux c’est, et ils doivent s’organiser eux-mêmes. Une seule condition (l’adhésion est gratuite) : être opposé au système, et non pour telle personne ou tel candidat.

Ce sont ces collectifs qui sont en train d’organiser sa tournée dans tout le Mali. Bien sûr, certains sont manipulés par le pouvoir, et beaucoup de rumeurs sont répandues.

La situation est très instable. La population est exaspérée, le pouvoir fragile. Nul ne sait comment la France réagira. Exemple d’événement qui en a énervé plus d’un : on se souvient que, dès son élection, Macron s’est rendu au Mali. Il a été directement sur une base militaire française, sans demander aucune autorisation aux autorités maliennes, sans prévenir et sans passer par Bamako ni voir le Président...

Ces éléments sont incomplets, et peuvent vous paraître un peu flous. Mais s’il y a une répression importante avec l’appui militaire de la France, ce qui reste très possible, mieux vaut savoir avant un peu de quoi il s’agit.


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