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"Manifeste des 300" : la lutte contre l’antisémitisme n’est pas soluble dans l’islamophobie

posté le 25/04/18 par Juives et juifs révolutionnaires Mots-clés  médias  histoire / archive  antifa  Peuples natifs 

"Manifeste des 300" : la lutte contre l’antisémitisme n’est pas soluble dans l’islamophobie

Un antisémitisme qui n’a rien de nouveau

L’une des caractéristiques historiques de l’antisémitisme est de fonctionner par vagues. Après des périodes où la situation des juives et des juifs semble progresser surgissent de violentes vagues de persécutions antisémites. Les périodes qui semblent être caractérisées par un « reflux » ont souvent amené une partie de la minorité juive à « baisser la garde », pensant avoir acquis une sécurité illusoire que les persécutions venaient balayer.

La situation actuelle n’échappe pas à la règle : après une période marqué par une progression de la situation de la minorité juive en diaspora, l’antisémitisme, à la faveur de la crise et de la montée général du racisme, a connu un nouveau regain. Certain-e-s au sein de notre minorité ont conclu dans la période qui précédait trop hativement (ou continuent de conlure) à un effacement de l’antisémitisme conçu non plus comme systémique mais comme résiduel.

L’un des fondements de cette analyse erronée est qu’il n’existe plus d’antisémitisme institutionnel, d’antisémitisme d’État, caractérisé par une politique institutionnelle au plus haut du pouvoir. Mais l’étude de l’histoire de l’antisémitisme au cours des siècles montre bien que même quand le pouvoir politique se pose en « protecteur des juifs et des juives », la minorité n’est pas à l’abri des persécutions. L’idéologie antisémite est en effet profondément ancré dans le roman national français.

Depuis plusieurs années, se développe la théorie d’un « nouvel antisémitisme ». Selon cette théorie se développerait en France un antisémitisme qui différerait par nature de l’antisémitisme historique présent en Europe. Cet antisémitisme serait le double produit d’un « antisémitisme musulman » importé conjugué à « l’importation du conflit israelo-palestinien ». Selon cette théorie l’antisémitisme européen n’existerait qu’à l’état marginal et résiduel, comme vestige du passé appelé à disparaître progressivement.
Une récente tribune médiatique, signée par 300 personnes, entend dénoncer ce « nouvel antisémitisme » et le « silence des médias »(sic) qui l’entourerait.


Effacer les traces de l’antisémitisme européen

Cette tribune opère un double tour de passe passe : une révision historique qu’avait déjà opéré l’un de ses initiateurs Manuel Valls, en prétendant que l’histoire de la France et des juifs était une « histoire d’amour », effaçant au passage des siècles de persécutions antisémites. Le transfert de la responsabilité historique de l’antisémitisme de l’europe blanche et chrétienne à « l’islam » et aux « musulmans ».
Or la question qu’évacue consciencieusement les auteurs de cette tribune c’est « d’où vient l’antisémitisme des assassins antisémites de ces dernières années ? ». Pour les signataires, la réponse s’impose d’évidence : ils se revendiqueraient de l’islam politique, donc l’origine de cet antisémitisme serait l’islam et l’islamité. Cette vision est tout bonnement une négation de l’histoire. Car quels sont les ressorts idéologiques des assassins ?

L’idée que les juifs et les juives sont riches, dans le cas des assassins d’Ilan Halimi et Mireille Knoll. Cette association des juifs et juives à l’argent est pourtant une construction historique de l’antisémitisme chrétien. Il est par ailleurs significatif dans le cas de l’assassinat de Mireille Knoll que le caractère antisémite a été mis en doute par les enquêteurs au motif qu’il n’était pas établi que le cri « Allah Akbar » ai été prononcé, alors que les mêmes enquêteurs reconnaissent que la motivation de l’assassinat d’une femme prolétaire de 800 euros est l’idée que « les juifs auraient de l’argent », un classique de l’antisémitisme. Une telle approche révèle l’indigence d’une approche, qui à lier antisémitisme et islamité, en vient à renoncer à voir l’évidence d’une vision du monde puisant dans les stéréotypes antisémites forgées par l’europe blanche et chrétienne.

L’idée qu’ils contrôlent le monde et seraient responsables de l’oppression, de la politique impérialiste des états, dans le cas de l’assassin d’Ozar Hatorah ou de l’hyper Casher. Cette idée trouve sa formulation dans le protocole des sages de Sion, produit de la police secrète russe de l’époque tsariste, dont le succès a été initialement très européen et chrétien et dans la doctrine contre-révolutionnaire complotiste forgée à l’occasion de la révolution française.

L’association entre les juifs et les juives et le diable, dans le cas de Sarah Halimi. La démonologie antisémite (association des juifs et des juives au diable) est pourtant une création historique de l’occident blanc et chrétien.

Cet antisémitisme n’a donc en soi rien de nouveau, sur le plan idéologique. Sa diffusion dans le monde musulman date précisément de la période coloniale.

L’antisémitisme en terre d’islam, produit d’importation colonial

La formulation d’une théorie antisémite politique par le théoricien des frères musulmans, Sayyid Qutb, est bien plus influencée par la « modernité politique » européenne (notamment les écrits d’Alexis Carrel), que par l’hostilité antijuive liée à la controverse religieuse qui existe dans la théologie musulmane classique. La seule figure idéologique qui puisse être rattachée au juifs et aux juives provenant spécifiquement de courant théologiques musulmans est celle de la « traitrise » et de la « perfidie », une figure qui a par ailleurs été régulièrement contestée par certains théologiens musulmans. Si la condition de la minorité juive en terre d’islam est loin d’avoir été « un océan de miel » comme n’hésitent pas à le prétendre certaines et certains dans une relecture inversée, elle a été globalement identique à celle du christianisme : une position d’infériorité légale et sociale, des conversions forcées, des persécutions et massacres qui ont cependant été loin de revétir jusqu’à la colonisation le caractère systématique qui existait dans l’occident chrétien. (voir à ce sujet par exemple les travaux de Léon Poliakov ou de Mark R Cohen).

L’antisémitisme outil de maintien de l’ordre colonial

En réalité donc, les assassins antisémites sont les produit de l’antisémitisme européen et de sa diffusion en terre d’islam à l’occasion de la colonisation : en Algérie coloniale, par une agitation antisémite visant à opposer juifs et musulmans pour préserver l’ordre colonial : Drumont y sera ainsi élu comme député de la ligue antisémitique par le parti colonial français et y mènera une intense agitation politique. Au moyen orient par les pères blancs, puis par les nazis ayant trouvé refuge en offrant leurs services de tortionnaires à certains régimes. La traduction des pamphlets antisémites européens et leur large diffusion est à la source de cet antisémitisme qui donc n’a rien de bien nouveau en ce qu’il est un pur produit de l’europe blanche et chrétienne, et la marque de son influence idéologique au sein de la sphére coloniale, même après la décolonisation.

L’origine du racisme au sein de nos minorités

Cet angle mort de la question coloniale est bien entendu volontaire : en attribuant aux musulmans la responsabilité de la montée en puissance de l’antisémitisme actuel, il s’agit d’éviter toute mise en cause de la responsabilité du supprémacisme blanc dans l’antisémitisme. En refusant de qualifier les assassins pour ce qu’ils sont, les produits idéologiques du supprémacisme blanc (un système qui diffuse son influence raciste au sein même des minorité qu’il opprime, qu’il s’agisse de la minorité musulmane, de la minorité juive ou de toute autre minorité tellement il est devenu idéologiquement hégémonique), les propagateurs d’une telle théorie empêchent en réalité concrètement et matériellement la lutte idéologique contre l’antisémitisme qu’ils prétendent promouvoir. En opposant lutte contre l’antisémitisme et contre l’islamophobie. En refusant d’identifier le caractère colonial de l’idéologie antisémite, et son rôle de maintien de l’ordre raciste. En travaillant à opposer juifs/juives et musulmans, comme le fond leurs alter-égos en miroir inversé qui nient ou minimisent l’antisémitisme au sein de la gauche ou au sein de nos minorités (en voyant en sa dénonciation un discours concourant en soi à l’islamophobie comme les signataires de cette tribune voient en la dénonciation de l’islamophobie un discours en soi antisémite)

Le passé ne s’est envolé nulle part

En Europe de l’Est, notamment en Hongrie ou Pologne : l’antisémitisme, y compris d’Etat y est en roue libre et il est difficile de prétendre qu’il a quoi que ce soit de nouveau... un phénomène de résurgence que la théorie du "nouvel antisémitisme" est incapable d’expliquer...
Le résultat de cette impasse est visible au Etats Unis : à s’être concentré sur un prétendu « nouvel antisémitisme » qui n’est en fait que l’avatar colonial de l’antisémitisme historique, les zélateurs de cette théorie ont en fait contribué à désarmer la minorité juive face à l’explosion antisémite actuelle.
Certains des tenants de cette théorie, notamment les kahanistes et la droite sioniste, en viennent à absoudre d’authentiques antisémites, comme ceux qui voient au sein de notre minorité dans l’alliance avec les racistes et islamophobes un moyen de lutte contre l’antisémitisme, n’hésitant pas à se faire les gardes du corps d’une parti politique historiquement vecteur de l’antisémitisme et du colonialisme au sein de la marche blanche pour Mireille Knoll.

La lutte contre l’antisémitisme, d’où qu’il vienne, suppose de combattre toute instrumentalisation raciste et de situer la provenance coloniale de ce discours. Ce qui permet de dénoncer les courants qui le portent, quels qu’ils soient, comme des relais de l’idéologie coloniale et suprémaciste blanche. L’antisémitisme qui revient comme une vague de fond en France n’a rien de nouveau. Il est à combattre avec détermination, d’où qu’il vienne, sans aucune complaisance ni minimisation, contrairement aux réactions d’une partie de la gauche qui refuse d’affronter la question au prétexte qu’elle serait confisqué par les réactionnaire. Cette confiscation est en réalité le produit de son silence et de ses atermoiements.
Mais ce combat n’est pas soluble dans l’islamophobie ni dans une relecture de l’histoire visant à absoudre le « roman national » et le colonialisme de sa responsabilité dans la diffusion internationale de l’antisémitisme.

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"Manifesto of 300" : the fight against anti-Semitism is not soluble in islamophobia

Anti-Semitism that has nothing new One of the historical characteristics of anti-Semitism is to operate in waves. After periods in which the Jewish and Jewish situation appears to rise, there are violent waves of anti-Semitic persecution. Periods that appear to be characterized by a " reflux " have often brought part of the Jewish minority to " lower guard ", thinking that they have acquired an illusory security that the persecution would have been swept away. The current situation does not escape the rule : after a period marked by an increase in the situation of the Jewish minority in the diaspora, anti-Semitism, in favour of the crisis and the general rise in racism, has been revived. Some of us in our minority have concluded in the period that preceded too much (or continue to) to wipe out anti-Semitism as a systemic but residual. One of the foundations of this erroneous analysis is that there is no longer any institutional anti-Semitism, State Anti-Semitism, characterized by an institutional policy at the highest level of power. But the study of the history of anti-Semitism over the centuries shows that even when political power is "Protector of Jews and Jews", the minority is not immune to persecution. Anti-Semitic ideology is deeply rooted in the french national novel. For several years now, the theory of "New Anti-Semitism" has been developed, according to this theory, in France, an anti-Semitism that would differ by nature from historical anti-Semitism in Europe. This Anti-Semitism would be the dual product of a " Muslim anti-Semitism " which was combined with " the import of the Palestinian-Palestinian conflict ". according to this theory, European Anti-Semitism would only exist in the marginal and residual state, as a remnant of the past called for . A recent media gallery, signed by 300 people, intends to denounce this ’ new anti-Semitism ’ and ’ silence of the media ’ (sic) which entourerait it.

Clear traces of European Anti-Semitism

This Tribune operates a double pass : a historical review that one of its initiators Manuel Valls had already done, claiming that the history of France and the Jews was a "love story", Anti-Semitic persecution. The transfer of historical responsibility for white and Christian Anti-Semitism to " Islam " and " Muslims ". However, the question that the authors of this forum are conscientiously évacue is " where is anti-Semitic Anti-Semitism in recent years ". for the signatories, the answer is obvious : they are revendiqueraient from political Islam, so the origin of this anti-Semitism would be Islam and l’. This vision is simply a negation of history. Because what are the ideological springs of the assassins ? The idea that Jews and Jews are rich in the case of the assassins of ilan halimi and Mireille Knoll. This Association of Jews and Jews with money is, however, a historic building of Christian Anti-Semitism. It is also significant in the case of Mireille Knoll’s assassination that the anti-Semitic character was questioned by the investigators on the grounds that it was not established that the cry "ALLAH AKBAR" was pronounced, while the same investigators Recognize that the motivation for the murder of a proletarian woman of 800 euros is the idea that "Jews would have money", a classic anti-Semitism. Such an approach reveals the indigence of an approach, which is to link anti-Semitism and islamité, to give up the evidence of a world vision based on anti-Semitic stereotypes forged by white and Christian Europe. The idea that they control the world and be responsible for oppression, imperialist policy of states, in the case of the assassin of ozar hatorah or. This idea finds its wording in the protocol of the elders of Zion, produced by the Russian secret police of the era, whose success was initially very European and Christian and in the anti-revolutionary doctrine complotiste forged during the French Revolution. . The Association between Jews and Jews and the devil in the case of Sarah Halimi. The Démonologie (Association of Jews and Jews to the devil) is a historic creation of the white and Christian West. This Anti-Semitism is, in itself, nothing new. Its distribution in the Muslim world dates from the colonial period. Anti-Semitism in the land of Islam The formulation of a political anti-Semitic theory by the Muslim brotherhood theorist, Sayyid Qutb, is much more influenced by the European ’ political modernity ’ (notably the writings of Alexis Carrel), than by l’ hostility linked to the religious controversy that exists in Classical Muslim theology. The only ideological figure that can be attached to Jews and Jews from Muslim theological current is that of " treachery " and " perfidie ", a figure which has also been regularly challenged by some Muslim theologians. If the condition of the Jewish minority in the land of Islam is far from being "an ocean of honey" as it does not hesitate to claim some and some in an inverted proofreading, it has been broadly identical to that of Christianity : a position of Legal and social inferiority, forced conversions, persecution and massacres, which were, however, far from revétir until colonization, the systematic nature that existed in the Christian West. (see, for example, the work of léon poliakov or Mark R Cohen). Anti-Semitism tool to maintain colonial order In reality, therefore, anti-Semitic killers are the product of European Anti-Semitism and its spread in the land of Islam in the context of colonization : in colonial Algeria, by anti-Semitic agitation against Jews and Muslims to preserve the colonial order : Drumont It will be elected as a member of the league by the French Colonial party and will lead to intense political unrest. In the middle east by the white fathers, then by the Nazis having found refuge by offering their services of torturers to certain regimes. The Translation of European Anti-Semitic pamphlets and their wide dissemination is at the source of this anti-Semitism, which has nothing to do with the fact that it is a pure product of white and Christian Europe, and the mark of its ideological influence within Colonial Sphere, even after decolonization. The Origin of racism in our minorities This dead corner of the colonial question is, of course, voluntary : by attributing to Muslims the responsibility for the rise in current anti-Semitism, it is a matter of avoiding any question of the responsibility of white supprémacisme in anti-Semitism. By refusing to call the murderers for what they are, the ideological products of the white supprémacisme (a system which broadcasts its racist influence within the minority which it opprime, whether it be the Muslim minority, the Jewish minority or Any other minority that has become ideologically hegemonic), the propagateurs of such a theory actually prevent the ideological struggle against anti-Semitism which they claim to promote. Fighting against anti-Semitism and islamophobia. By refusing to identify the colonial character of anti-Semitic ideology and its role in maintaining the racist order. By working against Jews / Jews and Muslims, like the bottom of their inverted mirror that deny or minimize anti-Semitism in the left or within our minorities (seeing in its denunciation a speech that is in itself a Islamophobia as the signatories of this forum see the denunciation of islamophobia as an anti-Semitic speech. The past didn’t fly anywhere In Eastern Europe, particularly in Hungary or Poland : Anti-Semitism, including state, is on the loose and it is difficult to claim that it has anything new... a phenomenon of resurgence that the theory of "New Anti-Semitism" is unable to explain... The result of this impasse is visible in the United States : to focus on a so-called "New Anti-Semitism" which is in fact only the colonial avatar of historical anti-Semitism, the zélateurs of this theory have actually helped to disarm the Jewish minority. Facing the current anti-Semitic explosion. Some of the proponents of this theory, including the kahanistes and the Zionist right, have come to absolve genuine anti-Semitism, such as those who see in our minority in the alliance with racists and islamophobic a way to fight anti-Semitism, not hesitating. Not to be the bodyguards of a political party historically vector of anti-Semitism and colonialism in the white March for Mireille Knoll.

The fight against anti-Semitism, from wherever it comes, involves combating any racist exploitation and placing the colonial origin of this speech. This makes it possible to denounce the currents that wear it, whatever they are, as relays of colonial and white supremacist. Anti-Semitism as a wave of substance in France has nothing new. It is to fight with determination, wherever it comes, without any complacency or minimisation, contrary to the reactions of a part of the left that refuses to face the question on the pretext that it would be confiscated by the reactionary. This confiscation is in fact the product of its silence and procrastination. But this fight is not soluble in islamophobia or a review of history to absolve the "National novel" and colonialism of its responsibility in the international dissemination of anti-Semitism.


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