imaginons que se tienne, tout à côté de Paris, un colloque réunissant plusieurs personnalités connues pour avoir tenu des propos racistes.
Imaginons que certaines de ces personnalités aient participé aux rassemblements de La Manif pour tous pour dénoncer le mariage pour les homosexuels et protester contre la « théorie du genre », tandis que d’autres dénonçaient « l’impérialisme gay ».
Imaginons encore qu’on croise durant ce colloque d’anciens compagnons de route de Soral, des complotistes, des partisans de la peine de mort, des anti-avortement, des apologètes du terrorisme.
Imaginons enfin qu’il soit essentiellement question, durant ces trois jours de réunion, de luttes et de domination raciales. Un programme en tout point digne de l’extrême-droite identitaire.
Non seulement ce colloque a bel et bien lieu, du 4 au 7 mai à la Bourse du Travail de Saint-Denis ; non seulement il ne soulève pas beaucoup de réprobation mais il est même salué par des intellectuels, des professeurs et des militants qui se disent antiracistes ! Ils sont même plusieurs à y participer. Ce colloque, c’est le « Bandung du nord », dernier happening en date de la mouvance décoloniale. La référence au grand sommet des non-alignés en 1955 montre que les organisateurs n’ont peur de rien, ni du ridicule, ni de la honte : c’est sans doute dans le même ordre d’idées qu’ils placent l’événement sous le patronage du terroriste George Ibrahim Abdallah, qui purge toujours dans notre pays une peine de réclusion criminelle à perpétuité.
Il faut pourtant s’arrêter sur le profil des participants, comme l’ont fait Ikhwan Info et Conspiracy Watch, s’intéresser à leurs références théoriques et leur pratique militante, comme l’a fait notre camarade Gilles Clavreul dans une Note pour la Fondation Jean Jaurès.
Nous sommes loin, très loin, d’un mouvement d’extrême-gauche classique.
Dans leurs discours, il y a une obsession, celle de la race, et une grille de lecture manichéenne qui réduit toutes les questions politiques, tous les enjeux sociaux, à une confrontation entre « blancs » et « non-blancs ».
C’est à cette mouvance décoloniale que l’on doit les désormais fameux « ateliers en non mixité racisée » ou ces conférences dénonçant « le fémo-nationalisme », c’est-à-dire la supposée dérive droitière des féministes universalistes.
On pourrait s’attendre à ce que les intellectuel-le-s soient en première ligne pour démonter l’inanité des théories décoloniales ; qu’en particulier, ils déconstruisent les raccourcis historiques, réfutent les lectures conspirationnistes et rejettent catégoriquement les appels à la haine. Or c’est le contraire qui se produit : il y a ceux qui se contentent d’un soutien, comme l’historienne Laurence de Cock ; et il y a ceux qui participent activement et qui délivrent par leur présence militante un brevet d’honorabilité académique. Il y aussi ces figures médiatiques qui, à l’instar de R0khaya Diall0, pratiquent l’antiracisme consensuel et souriant à la télévision d’un côté, et jettent l’anathème sur la France « coloniale et islamophobe », de l’autre, comme dans cette tribune publiée sur le site de la chaîne qatarie Al-Jazeera.