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Dikran Elmassian : Dieu n’existe pas [La fiction Dieu]

posté le 11/06/18 Mots-clés  réflexion / analyse 

DIEU N’EXISTE PAS - LA FICTION « DIEU »

Je me propose, dans une étude détaillée, d’examiner successivement et d’essayer de réfuter toutes les preuves qui, à l’appui de la justification de l’existence d’un Dieu, ont été avancées par des hommes d’une compétence incontestable en ce qui concerne les sciences positives, tels que, pour l’antiquité, Platon et Aristote, et dans une époque plus rapprochée de nous Leibnitz, Descartes, Pascal, Locke, Newton, Kant, ainsi que Voltaire et Rousseau.

Mais si instructif et si attrayant que soit un travail pareil, il est évident qu’il ne peut pas être à la portée de tout le monde, qu’il demande certaines lectures, certaines recherches, certaine perte de temps.

D’autre part la conception, l’idée fictive d’un Dieu, être suprême, omnipotent et omniscient, ordonnateur universel de tout ce qui existe, est sans contredit le préjugé le plus terrifiant et le plus profondément ancré en nous, celui dont la perception nous est venue le plus inconsciemment, partant celui qui est le plus difficile à éliminer. On a beau dire que la croyance en une divinité a cessé d’être une réalité, qu’il est permis de la classer dorénavant dans le domaine des fictions à jamais rejetées, « qu’on a plus à s’en occuper ». Illusion que tout cela !

L’athéisme est encore loin d’apparaître à l’immense majorité des humains comme une vérité simple et précise, facilement et logiquement compréhensible ; d’un autre côté, ses partisans le présentent parfois avec une argumentation si compliquée, si enchevêtrée de considérations scientifiques que le commun des foules renonce d’y rien comprendre et continue à croire à l’absurde, plutôt qu’à un galimatias technique.

Mon but est donc ici de démontrer l’absurdité de la conception de l’existence d’un Dieu, non par des preuves scientifiques (dont je ne conteste point la force, mais qui ont le désavantage de ne pas toujours être à la portée de tous), mais en choisissant des preuves tout ensemble excessivement simples et excessivement claires, une argumentation qui ne cède en rien, quant à la solidité et la précision, aux preuves scientifiques et aux démonstrations géométriques, tout en ayant l’avantage d’être accessibles aux intelligences les plus rudimentaires.

Cela permettra à ceux mêmes, je pense, qui ne possèdent aucune notion scientifique de comprendre et de suivre le mécanisme de l’argumentation et de pouvoir par eux-mêmes, en parfaite connaissance de cause, rejeter sans défaillance la conception fictive d’une divinité.

***

Il y a plusieurs cas à considérer dans la démonstration de l’absurdité de l’existence d’un Dieu.

PREMIER CAS

« Dieu », nous dît-on, « être parfait par excellence, créa le monde, l’homme et tout ce qui est. »

Cette affirmation, base fondamentale et but final de toute l’argumentation théologique, contient en elle-même, par son unique énoncé, toute l’inconcevabilité, toute l’absurdité de l’existence d’un Dieu. Il suffira, pour s’en rendre compte, de poser cette toute simple question : Pourquoi Dieu créa-t-il le monde ?

En effet, pourquoi le créa-t-il ?

Ce ne pouvait évidemment pas être parce qu’il en avait besoin pour l’accomplissement de n’importe quel dessein. Car avoir besoin de quelque chose en vue d’accomplir quoi que ce soit, c’est manquer de quelque chose nécessaire à l’omnipotence, c’est avouer une impuissance, une incapacité. Or, Dieu étant par définition un être suprêmement parfait, ce serait proclamer sa déchéance que de prêter à son œuvre n’importe quel but, n’importe quelle fin, n’importe quelle intention. N’est-il pas, en tant qu’être parfait, absolu et complet en lui-même. Il se suffit donc à lui-même et n’a, ne peut avoir besoin de personne, ni de rien.

Pourquoi donc, à un moment donné, créa-t-il le monde ? Et si ce monde n’a pas existé éternellement, pourquoi ne l’a-t-il pas créé ou plus tôt ou plus tard ? Pourquoi se décida-t-il à le créer à tel moment donné plutôt qu’à tel autre, et par quoi y fut-il déterminé ?

On m’objectera peut-être que ses desseins sont insondables ? Mais cette seule constatation que Dieu peut avoir un dessein quelconque, insondable ou non, me suffit ; parce que cela démontre avec éclat la déchéance, l’absurdité de Dieu.

Car enfin, si à un moment donné de son existence, il créa l’homme et l’univers, c’est qu’il se proposait une certaine fin, qu’il obéissait à un certain mobile : soit d’éprouver sa toute puissance, par simple distraction, en vue d’assister aux tribulations de ses créatures. Mais en tant qu’être parfait, il ne pouvait avoir besoin d’aucune distraction et avant que l’œuvre de la création soit accomplie, il devait savoir le processus des évolutions de cette œuvre.

C’était donc bien là un travail, une œuvre absolument inutile, absolument nuisible.

Pourquoi donc a-t-il tenu à créer quand même cette œuvre d’inutilité, ce travail d’imbécillité, lui qui est censé être le parfait des parfaits, le Plus-que-Parfait ?

De quelque côté qu’on tourne la question, sous quelque face qu’on l’envisage, de quelque manière qu’on l’explique, on sera inéluctablement forcé d’avouer l’une de ces deux choses :

Ou bien Dieu avait un dessein quelconque, une intention déterminée de créer le monde et l’homme, et alors dire qu’un être parfait peut avoir un dessein, une intention quelconque, à un moment donné, c’est dire qu’il manquait de quelque chose, qu’il n’était pas parfait, qu’il n’était, partant, pas Dieu.

Ou Dieu créa le monde et l’homme, tout en n’ayant aucun besoin, tout en ne se proposant aucune fin, tout en n’obéissant à aucun mobile ; et alors, admettre une pareille supposition, c’est admettre l’absurde.

Je défie les théologiens de sortir de ce cercle.

DEUXIÈME CAS

« Dieu », nous dit-on, « est le seul être parfait, le seul être éternel ; le monde qu’il créa est périssable ; l’homme qu’il créa a pu déchoir. »

Si Dieu est parfait, l’œuvre qu’il crée (et on vient de voir toute l’absurdité d’une telle supposition) ne peut être que pareillement parfaite. Car s’il créait imparfaitement quoi que ce soit, il le ferait — soit par impuissance — et alors il ne serait plus l’être omnipotent, partant, parfait, — soit par mauvais vouloir — et, alors, il ne serait non plus parfait, n’ayant pas parmi ses attributs celui de la bonté.

Donc, nécessairement, impérieusement, tout ce qui procédera de lui ne pourra être que son « alter ego », qu’une perfection en tout point pareille à lui, qu’un autre Dieu.

Mais si, d’autre part, le monde que Dieu créa est une chose périssable, c’est que ce monde n’est point parfait ; or, ayant créé une chose imparfaite, Dieu, lui-même, est imparfait.

Si, de même, l’homme a pu déchoir, c’est qu’il était créé imparfait, par conséquent celui qui l’avait créé imparfait ne pouvait lui-même être qu’imparfait.

Il est vrai que les théologiens prétendent qu’à l’origine le monde et l’homme ont été créés parfaits et que la déchéance de l’homme a résulté de sa propre faute.

Cette explication permet de relever une nouvelle preuve de l’absurdité de l’existence de Dieu.

En effet, si le monde et l’homme étaient parfaits à leur création, ils ne pouvaient point ni s’altérer, ni déchoir. Car la perfection ou existe, ou n’existe pas ; elle ne peut ni déchoir, ni s’altérer, ni se transformer, quoi qu’il puisse arriver. Et si on prétend me soutenir le contraire, si on prétend me démontrer qu’il est possible qu’une perfection déchoie ou s’altère à un moment donné, j’aurai alors le droit de croire qu’à un moment donné Dieu aussi, malgré sa perfection, pourra déchoir ou s’altérer.

D’où il résulte clairement qu’étant déchu et altéré, ni l’homme ni le monde ne pouvaient être à l’origine créés parfaitement, la perfection ne s’altérant jamais.

Donc, Dieu les avait créés imparfaitement, soit par ignorance, soit par incapacité, soit par animosité. Donc Dieu lui-même est un être imparfait, partant, l’idée de Dieu est une fiction.

TROISIÈME CAS

« La raison », nous dit-on, « de la déchéance de l’homme est imputable à lui-même. »

Un Dieu est parfait ou il ne l’est pas. Dans le second cas, il n’est point Dieu. Dans le premier, il est nécessairement omniscient. A ce titre, il savait d’avance que l’homme devrait déchoir à un moment donné, par le concours de telles circonstances ; or, étant un être omnipotent en même temps qu’omniscient, il était également en son pouvoir, soit de changer le cours de ces circonstances, en les remplaçant par d’autres, soit de créer l’homme avec une trempe plus résistante. Ne l’ayant point fait, et rien ne se produisant à l’insu ou au mépris de la volonté divine, l’homme devait, malgré lui, fatalement déchoir. Or, Dieu, tout en sachant cette déchéance, tout en étant capable de la prévenir, s’y est tout de même refusé ; donc il devient ainsi le véritable responsable, le seul auteur de la déchéance humaine.

De même, Dieu étant tout, contenait en lui le bien, et le mal — s’il est vrai que le mal existe. L’homme, partie de ce tout et ne procédant que de ce tout, ne pouvait tenir le mal qui est en lui ou dans la nature que de ce tout, partant de Dieu. Donc, Dieu le contenait en lui-même et le transmettait lui-même à l’homme. D’où il résulte que ce n’est point l’homme qui est responsable de sa déchéance, mais Dieu, source suprême de tout ce qui existe.

Son œuvre était donc imparfaite, et lui-même étant alors imparfait, ne peut exister.

QUATRIÈME CAS

« L’âme humaine », nous dit-on, « est immortelle. »

Si l’âme humaine est immortelle, c’est qu’elle existera toujours, qu’elle n’aura point de fin. Mais si nous existons toujours, nous ne dépendons de personne, nous sommes aussi éternels, aussi infinis, aussi immuables que Dieu lui-même ; par conséquent, ce n’est point de Dieu que notre immortalité dépend, parce que le cas contraire impliquant nécessairement une fin, nous ne serions pas immortels.

Dire que nous sommes immortels, c’est dire que nous existerons toujours, qu’aucun être ne pourra nous éliminer, que nous existerons indépendamment de Dieu, qu’il le veuille ou non.

Si donc, nous sommes immortels, nous le serons malgré Dieu ; si nous ne le sommes pas, ayant été créés imparfaits, notre créateur lui-même ne peut être qu’imparfait.

Dans les deux éventualités, Dieu n’est qu’une fiction et n’existe que dans les imaginations maladives.

***

On pourrait multiplier les cas, mais ceux qui précèdent suffisent simplement à démontrer l’impossibilité de l’existence d’un Dieu.


Dikran ELMASSIAN
l’anarchie N°39, Jeudi 4 janvier 1905.


[Titre original : « La fiction “Dieu” » ; le titre modifié « Dieu n’existe pas » date de l’édition de 1909]


[Repris de Anarchives]

source : L’ÉPINE


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