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[Antifa] Boulevard Voltaire (fachosphère - extrême droite), le site fondé par Robert Ménard, lâché par ses annonceurs

posté le 29/09/18 par https://www.telerama.fr/medias/boulevard-voltaire,-le-site-fonde-par-robert-menard,-lache-par-ses-annonceurs,n5167380.php Mots-clés  médias  antifa 

un article du site Boulevard Voltaire (Bvoltaire) a été publié pour cause d’anti-charlie maniaque et paranoïaque sur indymedia BXL = ALERTA les trolls sont des fascistes

Né aux Etats-Unis pour contrer les “fake news” de la droite radicale, le réseau d’activistes Sleeping Giants cible désormais les médias d’extrême droite français. En alertant les marques dont les publicités financent Boulevard Voltaire, ils auraient fait perdre près de cinq cents annonceurs au site réactionnaire cofondé par le maire de Béziers.

Savamment disposés autour de l’article « Des migrants pourris-gâtés ? » en une de la page d’accueil, les bandeaux publicitaires ne font pas dans le haut de gamme. « Investissez dans l’immobilier et effacez vos impôts pendant douze ans ! », « Alzheimer : nés avant 1965 ? Lisez vite ceci », « Rencontrez des célibataires philippines ! », « Comment la rendre folle d’amour : la méthode infaillible »… Le contenu publicitaire de Boulevard Voltaire, le site d’opinion ultraconservateur fondé en 2012 par Robert Ménard et Dominique Jamet, ressemble davantage à celui d’un obscur blog. Il y a encore, ici et là, une sélection de livres d’extrême droite sur Amazon, une campagne pour les cars de la SNCF ou une réclame d’Uber, mais la très grande majorité des annonces du site n’ont à vendre que lampes d’autodéfense, programmes de régime, sous-vêtements et jeux vidéo en ligne.

Stopper les médias racistes et sexistes

Depuis plusieurs mois, les grandes marques fuient une à une Boulevard Voltaire. Ce lâchage en règle n’est pas dû au hasard : il est le résultat d’une mobilisation intense d’internautes regroupés sous le nom de Sleeping Giants. Ce réseau d’activistes s’est d’abord lancé aux Etats-Unis, peu après l’élection de Donald Trump et l’arrivée à la Maison-Blanche de son ex-conseiller Stephen Bannon, patron du site ultraconservateur Breitbart News (qu’il vient de rejoindre à nouveau), pourvoyeur régulier de fausses informations et de théories sexistes, racistes, antisémites et homophobes. Inquiets face à la place accrue occupée par cette droite radicale au sommet de l’Etat et sur la Toile, des internautes décident de s’intéresser au financement publicitaire de Breitbart. Ils découvrent que nombre de grandes marques, mais aussi des ONG aux antipodes des idées véhiculées par le site, n’ont absolument pas connaissance de la présence de leurs publicités sur le média conservateur. « Nous avons décidé qu’il était temps de les prévenir, pour couper les ressources de Breitbart, défend l’un des activistes américains. Notre objectif est de stopper l’ascension des médias racistes et sexistes en les attaquant au portefeuille. »

Les effets pervers de la publicité programmatique

Comment une publicité pour la Croix-Rouge peut-elle se retrouver sur un site aux relents racistes ? C’est tout le problème du marketing programmatique, le modèle de publicité dominant sur Internet. Le placement des publicités est automatisé par des régies pour cibler les consommateurs via des mots-clés et des algorithmes — les marques n’achètent plus d’encarts sur un site en particulier. Les publicités s’afficheront n’importe où, hors du regard des annonceurs eux-mêmes, créant des situations possiblement cocasses voire très embarrassantes : une compagnie de cars pour visiter le Canada s’est ainsi retrouvée à côté d’un article expliquant que l’immigration est à l’origine d’un « génocide en douce du Québec » sur Boulevard Voltaire... S’ils le souhaitent, les annonceurs peuvent cependant exclure certains domaines de leur campagne d’affichage. Sleeping Giants a ainsi mis à leur disposition un tutoriel détaillant la démarche via la régie publicitaire de Google.

A ce jour, plus de 2 600 entreprises et organisations ont retiré leur publicité de Breitbart News, parmi lesquelles des géants comme BMW, Virgin, Kellogg’s ou HP. Un spécialiste des données à l’agence marketing WordStream a fait le calcul : entre novembre 2016 et aujourd’hui, le revenu généré par un clic sur une publicité affichée par Breitbart a été divisé par deux, passant d’un peu plus de 75 cents à moins de 40 cents. L’initiative inspire d’autres internautes dans le reste du monde : en Europe, des utilisateurs de Twitter interpellent eux aussi des marques de leur pays dont la publicité se retrouve sur Breitbart. Parmi eux, « R ». De l’identité de R, nous ne saurons que ce que son accent britannique et ses belgicismes laissent deviner au téléphone : les Sleeping Giants agissent dans l’anonymat, s’appelant entre eux par des lettres de l’alphabet. Elle est approchée en début d’année 2017 par le réseau américain pour ouvrir une entité en France. Déjà occupée par son travail et sa vie familiale, R accepte à condition d’être accompagnée. Un deuxième activiste français la rejoint et ils lancent ensemble le compte Sleeping Giants France sur Twitter en février.

Un réseau international

Beaucoup d’autres suivront : Sleeping Giants est aujourd’hui actif dans seize pays, ses membres échangeant via des messageries sécurisées comme Telegram. Une entité européenne centralise les actions des différents pays qu’elle relaie ensuite aux activistes américains. « C’est un réseau international sans structure ni hiérarchie, de tous âges, étudiants comme retraités, détaille R. Beaucoup d’internautes veulent nous rejoindre, mais il nous faut trouver des gens fiables et de confiance. Mine de rien, c’est une activité dangereuse qui nécessite beaucoup de précautions pour protéger son identité et agir en sécurité face aux menaces. »


“Il ne s’agit pas de dénoncer les entreprises, mais de les alerter”

R. connaît bien, de par son travail, les sphères médiatiques et communautaires en ligne. « La propagation de la haine et la manipulation de Breitbart étaient devenues pour moi inadmissibles et insupportables, raconte R. Ce n’est pas un engagement politique, mais plutôt de l’ordre de la philosophie. » Sleeping Giants France poursuit le travail d’épuration de Breitbart auprès des marques hexagonales mais décide également d’appliquer le même principe aux sites français qu’il juge équivalents. « Il y a aussi des médias spécialisés dans la manipulation par la peur, en France, dont certains sont financés par la publicité, justifie l’activiste. Avec mon partenaire, nous avons choisi de commencer par Boulevard Voltaire : c’était moins dangereux que Fdesouche [blog nationaliste très populaire à l’extrême droite, ndlr], dont les contributeurs sont particulièrement agressifs. En plus, Boulevard Voltaire fait passer des idées nauséabondes sous couvert de respectabilité chrétienne. Cela le rend à mes yeux encore plus insidieux. »

R et son partenaire observent les publicités sur le site et interpellent sur Twitter les annonceurs pour leur signaler que leur marque « finance la haine ». « Il ne s’agit pas de dénoncer les entreprises, mais de les alerter, assure la militante de Sleeping Giants. Beaucoup d’entre elles nous remercient ensuite, de la multinationale à la petite fleuriste terrifiée de se retrouver sur un site d’extrême droite. » Lorsque les annonceurs confirment avoir retiré Boulevard Voltaire de leurs diffuseurs, les « géants » se fendent d’un tweet de félicitations, petite bonne pub pour la marque. « Nous savons bien sûr que certains réagissent à cause de l’affichage public, qui les met dans l’embarras. Le journal Libération s’était par exemple montré assez agressif lorsque nous l’avions interpellé. Certains tentent de se trouver des excuses, mais nous les renvoyons simplement à leur responsabilité d’annonceur. » Lorsque leurs messages restent sans réponse, R. et son partenaire relancent, allant jusqu’à contacter directement les responsables des entreprises. « Nous avions repéré sur Boulevard Voltaire une publicité pour l’émission Le jour du Seigneur, de France 2, mais nos messages sont restés sans réponse pendant des semaines, se souvient R. J’ai donc écrit à un membre du conseil d’administration de la chaîne. Cela a pris plus de deux mois et demi mais France 2 n’a plus de publicité sur Boulevard Voltaire. »
Près de 500 annonceurs en moins pour Boulevard Voltaire

En quatre mois, Sleeping Giants France, épaulé par des internautes participant à l’opération via leur propre compte Twitter, a contacté 1 094 annonceurs, et 483 lui ont assuré avoir stoppé leurs campagnes sur Boulevard Voltaire. Parmi eux, Carrefour, Nestlé, BNP Paribas, Citroën ou Decathlon. « Ils ont fait preuve de bienveillance lors de nos discussions et nous avons compris que c’était dans notre intérêt, explique-t-on du côté de l’enseigne sportive. Ce site ne correspond pas aux valeurs de Decathlon. En quelques jours à peine, nous l’avions blacklisté. » Sleeping Giants leur a également fait suivre une liste de « sites du même acabit », que la marque a également bloqués, sur laquelle on retrouve Valeurs actuelles, Fdesouche ou Dreuz.info.

Le préjudice financier pour le site conservateur est difficile à évaluer, mais il est important. Sleeping Giants avance le chiffre de « 90 % de revenus publicitaires en moins », ce que refuse de confirmer ou d’infirmer Boulevard Voltaire. Contactée par Télérama, Gabrielle Cluzel, la directrice de publication, nous affirme que leur conseiller juridique « ne juge pas souhaitable de communiquer sur ce sujet » et qu’il « se réserve la possibilité d’entamer une action en justice ». De leur côté, les activistes assurent qu’ils vont continuer à « vider » le site, avant d’élargir leur action à d’autres dans les prochains mois, médias installés comme blogs complotistes. Les Sleeping Giants ne cherchent-ils donc à viser que les plateformes d’extrême droite ? « Non, répond R. On a cherché des sites d’extrême gauche qui diffusaient de la peur, mais ils sont peu organisés et aucun ne profite de la pub. »
En terrain hostile

R. sait ce qui les attend en s’attaquant à la « fachosphère » : à 6h30 chaque matin, dès son réveil, elle vérifie qu’elle n’a pas été victime d’un « doxxing », ce procédé qui consiste à publier des informations sur l’identité (nom complet, adresse, numéro de téléphone, numéro de compte bancaire, etc.) d’un internaute. « En marge de la campagne contre Boulevard Voltaire, nous nous sommes mobilisés sur certaines causes et nous avons subi des attaques informatiques ou verbales venant de forums de Reddit, 4chan et autres. » Sleeping Giants a notamment été très actif pour enrayer la mission antimigrants Defend Europe — leurs membres italiens et français sont à l’origine du blocage de leur compte PayPal. « On aimerait ne rien faire d’autre que travailler sur les médias qui propagent des “fake news” ou de la haine, mais certains événements sont les résultats directs des problèmes causés par ces médias. Dans ces situations, nous nous impliquons. » Mais la priorité du moment, ce sont bien les publicités SNCF qui tapissent encore Boulevard Voltaire. « Ils sont pourtant bien au courant, mais je ne lâche pas tant que je n’ai pas de réponse. » D’ici quelques jours, les membres du conseil d’administration de la SNCF découvriront dans leur boîte mail un petit message des « géants endormis » aux yeux grands ouverts.

Mise à jour du 1er septembre 2017
La SNCF nous indique que, depuis la pulication de cet article, elle a retiré ses publicités pour Voyages SNCF de Boulevard Voltaire.


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