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Covid-19 et lutte des classes

posté le 17/04/20 par Dams Cloud Mots-clés  luttes sociales  alternatives 

Un meme circule actuellement sur Internet : « Quand tu réalises que ton train de vie quotidien s’appelle quarantaine ». Si cette nouvelle maxime s’applique aux mieux loti.es d’entre nous qui avons le loisir de présenter des recettes de tarte à l’abricot sur les réseaux sociaux, est-elle généralisable à l’ensemble de la population en âge de travailler ? Est-il loisible à tou.tes de passer le temps ? Les révolutions industrielles successives ont fait de la mesure du temps un moyen d’exploitation de la main-d’œuvre, l’accélération correspondant à « une augmentation quantitative par unité de temps » (Hartmut Rosa).

La question du temps se double de celle de l’espace. La propagation du virus Covid-19 étant liée au mouvement des personnes, c’est une maladie de riches. Par exemple, alors que les ouvriers représentent 12,1% de la population française, ils ne sont que 2% parmi les passagers des aéroports du pays. A l’inverse, les cadres comptent pour 9,4% de la population mais pour 27% parmi les passagers en avion. En tous cas la pandémie devrait toucher d’abord les individus à l’aise dans un capitalisme mondialisé qui fait du mouvement sa seule modalité d’existence. Que devient l’Homme-nomade théorisé au siècle dernier par Jacques Attali lorsqu’il est confiné ?

Immobilité et non-productivité
Si ses moyens le lui permettent, l’Homme-nomade effectue d’abord un déplacement vers un endroit moins peuplé mais toujours connecté pour « mieux vivre la période de confinement », au risque d’importer le virus dans un désert médical où les personnes infectées ont moins de chances d’être soignées correctement. La dématérialisation des tâches effectuées par les employés des services et professions intermédiaires permet à cette partie de la population de les effectuer depuis un ordinateur portable et ainsi de respecter les mesures sanitaires, limiter son exposition au virus et continuer de percevoir un salaire.

En revanche, certain.es ne peuvent pas faire ce choix et l’injonction à l’immobilité ne s’applique pas à elles et eux, une immobilité qui selon les tenants de l’Homme-nomade rimerait avec absence de productivité, forcément néfaste. Outre les soignant.es, ce sont toutes les personnes que nous voyons travailler : aides-ménagères, ouvrier.es en bâtiment, magasinier.es, vendeur.ses dans les commerces d’alimentation... Ce sont ces professions désignées comme « essentielles » qui sont envoyées au front quand la bourgeoisie est frappée d’immobilité. Essentiels quant à la satisfaction des besoins primaires, ces métiers sont surtout parmi les moins bien rémunérés – ce qui explique, pour revenir à la santé, que ceux.celles qui les exercent ont tendance à reporter les soins dont ils ont besoin. Par ailleurs, ce sont ces mêmes travailleurs qui voient leurs conditions de travail modifiées, à la demande des employeurs et avec l’aval de gouvernements, et ce au milieu d’une crise qui montre à quel point on ne peut se passer d’eux.elles. Plus vous êtes essentiel, et donc sommé de rester mobile, moins vous êtes considéré.

Injonction à l’immobilité : la double contrainte
L’injonction à l’immobilité est elle-même discutable dans la manière dont elle est appliquée. D’un côté sont considérées irresponsables les personnes dont la présence dans l’espace public n’est pas « essentielle ». De l’autre, des activités productives non essentielles continuent à fonctionner. À titre d’exemple, Amazon bombarde les plates-formes de publicité pendant que les travailleur.ses, qui en temps « normal » sont soumis.es à des conditions de travail indécentes, effectuent leurs tâches dans des espaces restreints sans porter de masques.

Coup double pour la classe bourgeoise, pourtant véhicule privilégié du virus : elle peut télé-travailler (et consommer via l’e-commerce) tout en laissant la classe ouvrière se contaminer au travail… et en ne se refusant pas à culpabiliser les « irresponsables » qui ne respectent pas le confinement.

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La crise sanitaire du Covid-19 ne fait pas naître les inégalités de classe, elle vient les dévoiler (si c’était encore nécessaire) et les accentuer. C’est peut-être là un élément à développer pour construire l’après-confinement. La pandémie fait apparaître l’Autre comme un danger voire un ennemi. Contre le reproche individuel, il importe donc de concevoir des solutions collectives. Coup de chance, nous avons beaucoup de temps pour y réfléchir et en parler.


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