7 idées reçues sur les élections. Commune libertaire printemps 2017


Idée reçue n°1 : Voter est un devoir civique

Voter est d’abord un droit, qui a été accordé très progressivement par les gouvernants, qui avaient peur que le vote des pauvres ne remette en cause le système économique et social sur lequel ils basaient leur domination. Le suffrage universel a souvent été dévoyé pour servir les dirigeants : c’est le cas des plébiscites napoléoniens, des référendums qui ne servaient qu’à renforcer le pouvoir de l’empereur. Après la fin du Second Empire, en France, les dirigeants de la Troisième République voulaient ancrer le nouveau régime en éduquant le peuple. L’idée d’un vote, républicain, comme devoir civique, date de cette époque. L’objectif était alors, comme aujourd’hui, de renforcer les gouvernants, afin qu’ils puissent se prévaloir du soutien du peuple lorsqu’ils prennent des décisions, même si celles-ci ne correspondent en rien aux volontés que ce même peuple a pu exprimer. Insister sur l’idée d’un devoir civique aujourd’hui, c’est culpabiliser ceux qui ne veulent pas cautionner par leur vote n’importe quelle politique, sans contrôle. Au regard des inégalités et des injustices qui caractérisent notre société, nous pensons que refuser de laisser le champ libre à des gouvernants qui ne cherchent pas fondamentalement le bien être du plus grand nombre, c’est faire preuve de bien plus de civisme que déposer un bulletin dans une urne et de laisser faire pendant 5 ans.

Idée reçue n°2 : Chaque vote compte

On entend souvent que chaque voix compte, un argument de plus pour inciter les gens à se déplacer pour légitimer le système électoral et renforcer par leur vote les candidats qui seront élus, qu’ils votent ou non pour eux, d’ailleurs. Pourtant, le vote blanc n’est pas compté. Ceux qui ne portent leur choix sur aucun candidat n’ont-ils donc aucune valeur ? Le vote nul (les bulletins sur lesquels les électeurs ont écrit quelque chose) ne sont pas comptés non plus. Est-ce que cela veut dire que les messages qu’on peut inscrire sur un bulletin de vote n’ont aucun intérêt ? Si chaque vote comptait, voter pour un « petit candidat » aurait un effet sur le jeu politique, ou sur le gouvernement. Or ce n’est pas le cas, et un électeur d’extrême gauche, par exemple, sait pertinemment qu’aucune leçon ne sera tirée du score de 2 % qu’obtiendra son candidat. Si une élection était si serrée que la voix d’un seul pouvait faire basculer le résultat, alors oui, on pourrait dire que ce vote compterait, mais combien de fois une voix seule fait-elle l’élection ?

Idée reçue n°3 : Il faudrait que le vote blanc soit compté

Comptabiliser le nombre de bulletins blancs lors d’une élection donnerait une idée de la proportion d’électeurs ne se retrouvant dans aucune candidature, et il semblerait normal de donner une visibilité à cette marque de défiance des électeurs. Mais il ne faut pas croire qu’un bouleversement radical de notre système politique pourrait en sortir. Que fait-on de ces bulletins blancs ? Comment donner du sens à des bulletins par définition muets ? L’élection doit-elle être annulée si les bulletins blancs représentent une certaine proportion des votants ? Et dans ce cas, que se passe-t-il ? Faut il réessayer ensuite avec d’autres candidats jusqu’à ce que suffisamment de citoyens soient fatigués de voter blanc pour qu’un de ces candidats obtienne enfin la majorité requise ? Si le problème vient de candidats qui prétendent nous représenter, ce n’est pas la couleur du bulletin qui importe, mais bien de savoir si et comment on peut désigner et contrôler ceux qui occuperont des fonctions officielles en notre nom.

Idée reçue n°4 : Voter s’est s’exprimer

Le vote est présenté comme la seule façon véritable et légitime de s’exprimer pour les citoyens. Mais qu’exprime-t-on lorsqu’on vote pour le candidat qui nous déplaît le moins ? Qu’a-t-on exprimé lorsqu’on a désigné un candidat qui va ensuite nous décevoir ? Bien au contraire d’une expression politique, un vote est un renoncement à sa propre parole. Voter, c’est accepter de réduire ses besoins, ses idéaux, ses projets à un bout de papier sur lequel un nom est imprimé. C’est permettre à un candidat de donner sa propre version de ce qu’il pense ou prétend être la volonté des électeurs. C’est abandonner tout libre arbitre et confier l’organisation de sa vie à autrui, sans possibilité de dire son désaccord autrement que par des mouvements protestataires, trop rarement entendus.


Idée reçue n°5 : Ne pas voter c’est laisser les autres décider à sa place

Il s’agit là de l’idée reçue la plus absurde jamais défendue par les partisans du système politique actuel. Voter n’est pas décider, mais désigner des gouvernants. Lorsqu’on élit quelqu’un, c’est donc justement pour qu’il prenne les décisions à notre place. S’abstenir n’est certes pas décider, mais c’est déjà refuser de renoncer à sa propre volonté. On peut considérer que voter est important parce qu’il est préférable de ne pas laisser les autres désigner des décideurs encore plus mauvais que ceux que nous aurions nous même choisis, mais doit-on vraiment se contenter de cela ?

Idée reçue n°6 : Voter est la seule façon de faire barrage au F.N

Le Front National construit ses succès sur la crise qui nous frappe toutes et tous. Celle-ci se traduit par la peur de perdre son emploi ou de ne pas en retrouver, la peur d’être victime d’un vol ou d’une agression généralement commis par des plus pauvres que nous, la peur que les richesses mal partagées puissent profiter davantage à des étrangers qu’à nous-mêmes. Ce parti xénophobe qui prospère en proposant des solutions simples voire simplistes à des problèmes complexes bénéficie encore de l’attrait de la nouveauté : il n’a pas encore assumé le pouvoir gouvernemental. Nombreux sont donc ceux qui espèrent qu’il ferait mieux que les partis de droite et de gauche qui se sont succédé depuis des décennies et n’ont jamais réduit significativement les inégalités, qui s’accompagnent nécessairement de l’insécurité du travail et des personnes. Mais ces échecs répétés de nos politiques ne font que prouver que la démocratie représentative ne fonctionne pas. Comment une société aussi riche que la nôtre peut-elle laisser des gens dormir dans la rue, ne pas fournir un emploi et un toit à chacun ? Peut-on croire que tout a été fait par nos dirigeants lorsqu’on voit les revenus des plus riches augmenter tandis que la liste des bénéficiaires des restaurants du cœur s’allonge d’année en année ? Le système électoral a permis depuis maintenant près de deux siècles à des soi-disant représentants de mener leurs politiques sans contrôle, généralement au détriment des plus faibles et au profit des riches et puissants. La crise que ces politiques produisent fait émerger, aujourd’hui comme dans les années 30, des partis d’inspiration fascisante, et la solution consisterait à confier à nouveau le pouvoir à des dirigeants irresponsables et incontrôlables ? Les élections sont la clé de voûte d’un système politique qui nous empêche d’avoir un réel contrôle sur la façon d’organiser la vie en société ; elles ne peuvent être un remède contre la faillite de ce système. Ce n’est pas en votant pour d’autres partis que le FN qu’on luttera contre lui, mais bien en prenant nos affaires en main, directement.

Idée reçue n°7 : La démocratie représentative n’est pas parfaite, mais c’est le "moins pire" des régimes politiques

Même les élus, ses plus fervents partisans, reconnaissent que la démocratie représentative n’est pas parfaite. Et comment pourraient-ils prétendre le contraire, face à leurs échecs et leur incapacité à résoudre les problèmes majeurs auxquels nous faisons face ? Mais ils affirment que tout autre système politique serait pire. Mais a-t-on vraiment tout essayé ? Les régimes autoritaires ne favorisent certes pas plus le bien être global de la population, et le communisme façon soviétique a relevé partout du régime autoritaire voire totalitaire bien plus que d’une nouvelle utopie égalitaire et libertaire. Mais il y a encore beaucoup à tenter et expérimenter. Le régime représentatif a maintenant prouvé qu’il ne constituait pas un progrès suffisant par rapport à ce qui l’a précédé. Ceux qui devaient représenter le peuple sont devenus des professionnels de la politique, coupés de la réalité par leur origine sociale et leur mode de vie, ou simplement par la nécessité d’acquérir les compétences et les codes spécifiques qui permettent d’être élus et d’exercer une activité qui sépare de plus en plus radicalement dirigeants et dirigés, dominants et dominés.

Face à ce système en faillite, la solution autoritaire ne peut-être envisagée.

Il faut inventer une façon nouvelle de faire de la politique, collective, amateur-e, autonome.

Un système nouveau, anarchiste car sans dirigeant-e-s, dans lequel la politique est l’affaire de tou-te-s et où chacun est associé-e-s à la prise de décision et peut contrôler les personnes qui agiront en son nom.

Ce système est à construire, ensemble.


publié le 13 juin 2017