Manif du 28 janvier : récit d’une déception prévisible.

La manif est appelée à 10h, la gare du nord vomi des flots de syndicalistes qui viennent s’agglutiner sur l’esplanade, puis assez rapidement s’étaler tout le long du boulevard Albert II.

Un rencard avait tourné pour essayer de se retrouver et constituer un bloc, mais ça n’a clairement pas prit. On croise ça et là des camarades en petits groupes mais on est noyé dans la foule.

On se démonte pas, on se fait passer le mot qu’on se retrouve en tête de manif.

Assez rapidement on comprend que la tête de la manifestation s’est posée au bout du boulevard Albert II, au niveau de Rogier. On y est. Le bloc « santé en lutte » est déjà là, avec banderoles et blouses blanches. On aperçoit l’ignoble commissaire Vandersmissen (vds pour les intimes) zoner dans le coin, fidèle à son poste. Bizarrement, quelques centaines de syndicalistes s’étalent sur les trottoirs longeant la petite ceinture, jusqu’au niveau de la rue neuve.

Quand enfin, vers 11h, le cortège s’élance, le camion (de merde) de la fgtb nous dépasse. Devant celui-ci, les manifestants qui étaient sur les trottoirs se rabattent sur le boulevard. On a le seum, on s’est fait doublement bolosser.

Entre temps deux banderoles sont sorties, on essaye de rameuter du monde derrière, sans grand succès. On est un peu dépités mais on lâche pas l’affaire, on décide de remonter toute la manif pour reprendre la tête.

On y arrive finalement boulevard Pachéco, à mi-chemin entre la tour des finance et la gare centrale. On retrouve là une petite dizaine de Gilets Jaunes, mais également des RG, keufs civils ou sûreté de l’état, qui nous fixent de leur regard sans âme et qui ne louperont pas l’occasion pour filmer toutes nos trombines. S’ajoute à ça quelques gorilles du service d’ordre de la fgtb qui nous encadrent de près… Que quelques dizaines de personnes, dont certain.e.s masqu.é.es, s’impose en tête de cortège n’a pas l’air de plaire. Les banderoles sont ressorties, ça gueule quelques slogans, c’est sympatoche, mais bon à trente, on s’essouffle vite.

Bon c’est toujours pas très glorieux, on fait une pause après gare centrale pour attendre quelques groupes de personnes qui seraient chaud de nous rejoindre. On est alors dépassé par des hordes de syndicalistes hagards. On s’en tape, on est désabusé.e.s. La motivation est au point mort, certain.e.s copain.e.s se demandent même si ça vaudrait pas le coup de se tirer.

Des gens trouvent tout de même la force de relancer le « bloc ». C’est reparti, un rg nous suit de loin en mode travelling avec son petit caméscope. Un peu plus loin, des gilets jaunes sortent une banderole qui rend mémoire à Roger, ce gilet jaune tué par un chauffard sur un blocage à la sortie de Visé, il y a maintenant plus d’un an.

On arrive niveau du PS, où on leur communique assez classiquement notre mépris et notre haine. On tourne alors dans la rue des Alexiens, plus étroite que les gros boulevards empreintés jusqu’ici. D’un coup on se sent plus compact (ou peut être que d’autres nous ont rejoint), plus nombreu.x.ses et c’est chouette. Les slogans sont plus reprit, ça donne de l’énergie. On croise un stand qui file des pommes gratos, trop cool on avait la dalle ! La bonne humeur est timidement de retour. Certain.e.s se motivent à coller des affiches le long du parcours.

On arrive boulevard Lemonnier. Impossible de tenir cet axe massif avec la cinquantaine de personnes que nous sommes… De nouveau, le « bloc » se délite, on s’éparpille complètement.

Sans prévenir, quelques un.e se chauffe à éclater par terre un scooter de flic laisser seul sur le côté de la route. Deux flics se jettent sur la personne et l’empoignent, mais plusieurs manifestant.e.s ont le réflexe de s’interposer et permette la fuite de la personne. Deux flics en civils déboulent pour aider leurs collègues. Un des type venu s’interposer se fait chopper et mettre contre le mur. Le « bloc » s’est arrêté et commence à entourer les quatre flics et leur proie en mettant la pression. Après une ou deux minutes à leurs hurler dessus, ils relâchent le mec, et on repart tous ensemble.

On se dispersera quelques minutes plus tard, à la gare du midi.

Bon, cette manif était chiante et nulle et c’était assez prévisible. Mais si on commençait à réfléchir collectivement comment on peut sortir de cette déception chronique ?

Une chose est sûre : pour constituer un bloc de tête dans les manifs syndicales il suffit pas de faire tourner de manière informelle « on se retrouve en tête ». Pour la prochaine, organisons nous, communiquons entre groupes/orgas, faisons preuve de stratégie !

PS : L’épisode du scooter, ça avait de la gueule ! Ça permet de rappeler que malgré le nombre, on peut toujours être collectivement alertes, réactifs et solidaires.



crédit photo : lameute.info


publié le 3 février 2020