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[93 Montreuil ]. Familles Roms expulsées : indésirables à la fête pour Moussa

posté le 14/08/16 par GILLES WALUSINSKI Mots-clés  logement / squats / urbanisme  sans-papiers  solidarité 

Hier, mardi 9 août, était le quatorzième jour sans abri pour les treize familles Roms expulsées par la police du lieu qu’elles occupaient, boulevard de la Boissière à Montreuil. Un arrêté de péril bien opportun a permis à la mairie de justifier cette expulsion, qu’un groupe de citoyens, spontanément, a jugé d’une violence inouïe car elle jetait 19 enfants dont de très jeunes bébés à la rue, sans solution d’hébergement.

Comme chaque jour je suis venu vers 17 heures à leur rencontre, sur la place Jean-Jaurès qui se trouve juste sous les fenêtres de la mairie. Comme chaque jour, les familles m’ont accueilli chaleureusement, contentes de savoir que les photographies que je fais peuvent les aider à mieux faire comprendre qui sont les Roms : des citoyens européens, fiers de leurs traditions mais aussi fiers d’appartenir pleinement à la population européenne, et qui ont donc des droits comme tous les Européens.

Sur la place Jean Jaurès les femmes et les enfants s’abritent depuis plusieurs jours sous l’auvent du théâtre. Les hommes dorment souvent sur les bancs dans la journée. Cela surprend les passants et il faut que Liliana Hristache, la présidente de Rom réussite, leur explique que la nuit, craignant les agressions et le chapardage de leur maigres affaires, les hommes ne dorment pas : ils veillent auprès de leurs enfants et des mamans endormies pour les protéger.

Hier, en arrivant à 17h sur la place, j’ai retrouvé Marie-Odile, une habitante de Montreuil horrifiée comme beaucoup de voir tous ces enfants à la rue. Nous étions les deux seuls sympathisants auprès des familles, les autres n’étant pas encore au rendez-vous du soir. Soudain survient une première voiture de police, bientôt suivie de deux autres. Les premiers policiers arrivés, l’air goguenard, disent aux Roms qu’ils doivent « disparaître » de la place. Rapidement, du renfort arrive. Le policier qui visiblement assume le rôle de chef engage un dialogue avec Christophe Ruggia, cinéaste engagé dans le collectif défendant migrants et sans-papier. Je me permets de retranscrire ce dialogue, tel que le rapporte Christophe :

- Et où vous voulez qu’ils aillent ?

- C’est pas mon problème. Moi je dois juste les faire partir d’ici… Peut-être que si ils se mettent juste derrière (le théâtre), là, ça suffira…

- Vous voulez juste les cacher, quoi !?... C’est parce qu’il y a la conférence de presse pour le retour de Moussa, demain, à la Mairie (de Montreuil) ?

- Exactement, oui…

- Ah ben voilà !... Vous disiez tout à l’heure que vous aviez reçu l’ordre de la Préfecture, mais en fait c’est la Mairie qui veut que vous les chassiez d’ici ?...

- J’imagine, oui...

- Alors, on est au moins d’accord là-dessus...

Les familles Roms ramassent leurs quelques affaires, les enfants les pauvres jouets qui leur restent et se replient derrière le théâtre. De là ils sont invisibles de la place. La cérémonie prévue aujourd’hui, 10 août à 17h30, pour fêter le retour du Bengladesh de Moussa Tchantchuing, où ce travailleur humanitaire montreuillois a été retenu plusieurs mois prisonnier, pourra se dérouler dans l’ordre souhaité par le maire de Montreuil, c’est-à-dire sans la présence encombrante des familles Roms expulsées.

Quand j’ai posé la main sur l’épaule du policier gradé pour lui adresser la parole, il m’a signifié vertement que je n’avais pas le droit de le frapper ! J’ai insisté pour lui demander si, dans le cas d’ordres violant les droits de l’homme, un fonctionnaire pouvait désobéir, il m’a répondu qu’ici ce n’était pas le cas et qu’il avait une pile de dossiers prouvant que les Roms sont des voleurs et agressent les parisiens à longueur de journée ! Ce petit dialogue m’a valu d’être pris en photo par ce monsieur de la police, scène que je me fais un plaisir de publier ici.

Quand les policiers sont partis, les Roms devenus invisibles, réfugiés derrière le théâtre, nous étions une dizaine à décider de nous réunir autour d’une table dans le hall du cinéma Le Méliès pour envisager la suite que nous pourrions donner à nos actions et les solutions de logement pérenne que nous pourrions trouver. Autour de Liliana Hrsistache qui s’épuise d’une manière admirable à coordonner les ardeurs militantes souvent un peu désordonnées des citoyens émus et même épouvantés, nous avons décidé d’être présents à la cérémonie du Maire en espérant que Moussa tiendra sa promesse d’évoquer la situation des treize familles Rom expulsées.


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