Il y a quelques jours, des gens utilisaient ces pierres pour s’y allonger et dormir "un peu à l’abri du froid". Manifestement cela gêna la direction du Delhaize de Flagey.
Qui a un bon pied-de-biche, une dévisseuse, des tenailles, un appareil photo, une caméra, des tracts ?
Démontage ce mercredi 29 avril 2015 à 16.00. Plus on sera de fous, plus le symbole sera fort.Rue de Hennin-rue de l’Hermitage
Un pigeon, ça vit dehors, ça fait caca partout, ça vole de temps en temps, ça mange ce que ça trouve ou ce qu’on lui donne, c’est vecteur de plein de maladies, c’est pas toujours très propre sur soi, ça sent souvent pas très bon… Un pigeon c’est un peu comme un SDF alcoolique polonais… C’est peut-être la comparaison qui fut à l’origine de la décision du Delhaize de Flagey à Bruxelles de bâtir des « chasse-pauvres » sur les pierres larges de son immense bâtiment*. Pierres où des sans-abris, depuis de nombreux mois, avaient trouvé un bien précaire refuge contre le froid et les intempéries. Si l’être humain, du haut de sa supériorité technique, a inventé la rangée de piques anti-pigeon, ce nuisible à plumes, ne pourrait-il pas s’en inspirer pour éloigner le SDF alcoolique polonais, ce nuisible à face sournoisement humaine ?
Alors certes, ils n’ont pas été poser des lignées de piques acérées. C’eût paru trop directement cruel (le contondant effraie). Et puis, qui sait, le pauvre, ce fourbe, eût pu prendre les habitudes du fakir. Que nenni. Ils ont été construire des structures de bois lisses dont la déclivité prête plus à la varappe qu’à un sommeil paisible. Delhaize Comprenant justement qu’à moins d’être un bouquetin – et encore ! – , aucun membre du règne animal ne pouvait dignement trouver le repos sur ces constructions et donc s’y installer…
L’avantage de ce système est aussi que, tout comme la rangée de piques interdit le repos au pigeon, mais aussi au moineau, au rouge-gorge, au merle, au corbeau, à la chouette effraie, à la grue cendrée, à la cigogne, à la sterne, au manchot, à l’autruche, à l’avocette élégante, à la bernache à cou roux ou au syrrhapte, le « chasse-pauvres » interdit le repos au SDF alcoolique polonais mais aussi au fakir indien, au vieillard flamand, au portugais, au sans-papier marocain, à l’immigré clandestin berbère anversois, au chômeur en fin de droit ou au bambin épuisé d’avoir trop joué… A considérer l’un de ses membres comme un nuisible par essence, on en vient à ne voir dans chaque représentant d’une espèce que ce qui peut lui nuire…
Ces « chasse-pauvres » qui fleurissent un peu partout sont une insulte à ceux qu’ils visent directement (à propos : comme Delhaize a de la suite dans les idées, les SDF alcooliques polonais ont été délogés par des vigiles privés accompagnés de chiens !) comme au genre humain. En scindant celui-ci entre ceux qu’ils présentent comme des nuisibles et les autres censés les combattre, ces systèmes occultent la détresse des premiers – car, c’est bien sûr d’abord de détresse qu’il s’agit !- et entretiennent les seconds dans une illusion éthérée : il n’y a pas de misère, puisqu’on ne la voit pas ! Bien sûr, on ne peut dénier à personne l’envie de rester douillettement dans l’ignorance, même si, par les temps qui courent, cela demande une solide volonté. Quant à la faire fuir toujours plus loin en l’humiliant…
Nous avons dès lors décidé de ne pas laisser plus longtemps le terrain libre à l’insulte et à l’humiliation des plus faibles d’entre nous (oui oui un sdf alcoolique polonais, on appelle ça « nous » aussi). Nous vous convions donc à venir démonter (et uniquement les démonter, sans endommager ce qui va autour) ces mécanismes de la honte ce mercredi 29/04/2015 à 16.00. Amenez pied de biche, dévisseuses, tournevis, marteau, tracts, journalistes, appareils photos, caméras. Venez très beaucoup. Rameutez autant.** ***
* oui oui il s’agit donc bien d’un lieu privé. Et donc, de démonter des mécanismes strictement privés. Bien entendu, en cette époque où la propriété privée est érigée en parangon absolu (et loin de nous l’idée de dire que la propriété privée n’est un apport en rien), agir de la sorte titille non seulement la légalité (ben oui c’est illégal) mais aussi une règle éthique devenue fondement. On rappellera juste que, déjà coulées dans la loi ou non, existent des limites à ces droits à la propriété. Ce n’est pas parce que vous êtes chez vous, par exemple, que vous pouvez égorger votre femme, ou vos enfants, ou le chat du voisin. Ce n’est pas parce que vous êtes chez vous non plus que cela vous donne le droit d’insulter les gens qui passent sur le trottoir. Qu’il soit public ou privé, légal ou non, un acte qu’en raison on ne peut définir que comme bête et méchant doit être combattu !
** Le but de ceci est bien entendu de faire disparaitre ce dispositif particulier. Mais aussi d’alerter et d’éclairer sur la prolifération de ces aménagements, quelle qu’en soit la forme singulière. Il n’est pas dans notre intention de chercher une confrontation. Même si elle ne nous effraie pas (La crainte naît de l’impuissance de l’âme, et n’appartient donc pas à l’usage de la Raison. Spinoza in L’éthique). N’hésitez donc pas à venir, vieux, sans-papiers, jeunes, femmes, hommes, travestis, homos, hétéros, pauvres, riches, de droite, de gauche, chrétiens, musulmans, ou pas, et (pour une fois qu’on vous le demande) à partager le plus largement possible. Au pire, c’est une pub pour Delhaize…
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