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"Anti-racisme", "intersectionnalité" et confusionnisme font le lit de l’intégrisme

posté le 03/09/18 Mots-clés  réflexion / analyse  antifa  genre / sexualité  féminisme 

Sans le travail d’information de quelques militantes féministes isolées sur le Web, personne n’aurait su qu’un "salon musulman" allait réunir la fine fleur des prêcheurs fondamentalistes islamistes pour définir le rôle de la femme en islam. La presse écrite ignorait cet événement (jusqu’à l’intervention médiatique des Femen), et les associations féministes et les partis politiques qui se réclament des valeurs de justice sociale se sont soigneusement abstenus d’en parler. Seuls, deux journaux en ligne ont publié un article et une tribune dénonçant le machisme et le sexisme des intervenants à ce salon et des pétitions ont été mises en ligne.

Ce qui est en jeu, c’est la confrontation entre un féminisme universaliste (considéré comme bourgeois et de type néo-colonial), se battant pour l’égalité des droits entre hommes et femmes, et un féminisme "intersectionnel et racisé" se réclamant, entre autres, d’Angela Davis (le regard que l’on doit porter sur les femmes doit être analysé selon trois pôles : genre, classe sociale et race, entités qui ne devraient pas être dissociées). Cette analyse porte d’ailleurs en elle-même ses propres contradictions : même si l’on simplifie à l’extrême (hétéro/LGBT, prolétaire/exploiteur, racisé/blanc) on se retrouve avec un minimum de huit catégories. Il est donc nécessaire de hiérarchiser les luttes si l’on ne veut pas qu’elles soient éclatées en une multitude de micro-luttes.

Le premier point, c’est un anti-racisme focalisé sur "l’islamophobie" qui considère que seuls les "musulmans" (cette catégorisation ayant pour postulat que l’appartenance religieuse remplace le caractère ethnique cible du racisme) sont victimes de racisme. On l’a vu à la suite des attentats de janvier, ou un grand nombre de partis politiques de la gauche extrême se sont regroupés avec des associations proches des frères musulmans pour dénoncer l’islamophobie à venir (en faisant l’impasse sur l’antisémitisme qui avait tué quelques jours auparavant). Cette position fait de toutes les personnes originaires d’Afrique subsaharienne et du Maghreb, de culture musulmane ou pas, pratiquantes ou pas une catégorie homogène, les "musulmans" cibles de l’islamophobie. Or c’est bien ce que recherchent les fondamentalistes religieux (tout comme l’extrême droite raciste), créer un ensemble "les musulmans" qui serait mis à côté de la communauté nationale et se replierait sur lui-même. Cette approche est non seulement réductrice, mais aussi méprisante vis-à-vis de la grande majorité de nos concitoyens de "culture musulmane".

Le second point, c’est cette intersectionnalité qui se doit de hiérarchiser les luttes. Ceci a été parfaitement illustré lors de l’affaire Lou Doillon. Ce qu’elle a dénoncé c’est l’hypersexualisation et la soumission au machisme portées par des personnages hypermédiatiques (Beyoncé, Kim Kardashian, Nicki Minaj) qui ont un énorme succès et qui donc ont une forte influence sur les comportements sociaux. Du coup, on l’a accusée de racisme parce que parmi les trois noms qu’elle a cités deux sont afro-américaines (Kardashian étant "blanche") et qu’elle s’attaquerait à la "black culture" qu’elles représentent (culture afro-américaine qui, heureusement, est bien plus riche et variée que cela). Et le coup de grâce est tombé dans un édito de Libération la traitant de "féministe des beaux quartiers", une petite bourgeoise blanche qui critique des superstars richissimes (dont deux qui sont issues de la classe moyenne comme Lou Doillon) !

Cette menace de racisme suspendue au-dessus des têtes de ceux qui osent critiquer le machisme et le sexisme, en particulier des fondamentalistes religieux (qui, pour ce qui est d’une vision totalitaire de la société ne sont pas différents de la bonne vieille extrême droite fascisante française), est responsable de cette apathie d’une bonne partie de la société française.

L’utilisation de concepts à la mode permettant un confusionnisme intellectuel, comme "l’intersectionnalité", et l’utilisation dévoyée de termes recouvrant une réalité sociale comme la "racisation", conduisent à l’élimination de toute conception universelle des droits humains. Et fait le lit de systèmes totalitaires machistes.


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