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Antisémitisme « Corbyn doit reconnaître qu’il a un problème »

posté le 03/09/18 par http://www.liberation.fr/planete/2018/09/02/antisemitisme-corbyn-doit-reconnaitre-qu-il-a-un-probleme_1676191 Mots-clés  antifa 

Les représentants juifs du Labour se sont réunis dimanche alors que le Parti travailliste est ébranlé par les accusations d’antisémitisme envers son leader. Beaucoup fustigent un manque de clarté de la direction et une « ambiance délétère ».

- Le revenant est déchaîné. Gordon Brown arpente la scène, sans notes, sous les yeux ravis du public. Les ovations se succèdent. « Vous n’êtes pas seuls », répète l’ancien Premier ministre travailliste, sorti dimanche de sa réserve pour condamner « les actes antisémites qui se sont multipliés ces deux dernières années » au sein du Labour mais aussi du pays. « L’âme du parti est en jeu », plaide-t-il devant le congrès annuel du Mouvement ouvrier juif, dans le quartier de Finchley dans le nord de Londres et sous les yeux de la députée Luciana Berger. Juive, la femme de 37 ans est la cible sur les réseaux sociaux d’une campagne haineuse menée par des membres du Labour. « C’est incessant, j’ai bloqué les notifications de mon fil Twitter tellement c’est violent », confie à Libé l’élue de Liverpool, située à la droite du parti et critique du dirigeant du Labour, Jeremy Corbyn.

- La députée Margaret Hodge, 73 ans, est, elle aussi, victime depuis des mois d’attaques antisémites. Début juillet, l’élue de Barking avait perdu son calme et accusé Corbyn d’être « un antisémite ». Comme Luciana Berger, elle est venue témoigner de son malaise. Jeremy Corbyn doit « reconnaître qu’il a un problème et que ce problème, c’est lui-même », dit-elle. Les débats auraient dû se concentrer « sur le Brexit, comment gagner les prochaines élections, mais on ne peut pas avoir ces discussions parce que tout est noyé sous la question de l’antisémitisme », souligne Stephanie Lloyd, directrice adjointe de Progress, un mouvement modéré du Labour.

- Le vent de panique est palpable. La crainte d’un éclatement du parti est réelle. La question de l’antisémitisme empoisonne le mouvement depuis 2015 et l’arrivée de Corbyn à sa tête, mais la situation a pris cet été une ampleur sans précédent. Le puissant John McDonnell, numéro 2 du parti, n’a pas caché dimanche « son inquiétude » . La démission vendredi de Frank Field, 76 ans, membre du Labour depuis une quarantaine d’années, a choqué. Le député de Birkenhead a justifié son départ par « l’antisémitisme qui agite le parti » et une atmosphère « délétère ».

« La cause Corbyn »

D’autres députés ont menacé de quitter le Labour. « Il fut un temps où on acceptait les opposants, ceux qui votaient contre le gouvernement Labour », rappelle Keith Dibble, membre du syndicat Unite. Il pense à Corbyn qui, alors simple député d’extrême gauche, votait systématiquement contre le gouvernement de Tony Blair. Aujourd’hui, tout blairiste proche du centre gauche ou critique de la ligne officielle est qualifié d’« ennemi de la cause Corbyn », dit-il. S’il « salue l’enthousiasme des nouveaux et jeunes mem bres, […] le Labour existait avant 2015 et il a fait à l’époque quelques trucs pas mal, dont gagner des élections ». Trois consécutives, entre 1997 et 2007.

Le Parti conservateur de Theresa May se déchire et s’empêtre dans les négociations du Brexit mais le Labour, sans politique claire sur ce sujet, fait aussi du surplace. Mardi aura lieu une réunion cruciale du Comité exécutif national (NEC), l’organe exécutif du Labour. Il devra se prononcer sur l’adoption de la définition de l’antisémitisme telle que définie par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA). En juillet, le NEC avait refusé d’adopter l’ensemble des articles de cette définition, pourtant acceptée par 31 pays, en arguant que certaines formulations assimilaient la critique de la politique d’Israël à de l’antisémitisme. « Totalement faux », a insisté Gordon Brown en appelant à l’adoption « unanime, sans équivoque et immédiate » de l’ensemble de la définition.

« Supplément d’éducation »

Jusqu’à peu, Corbyn était critiqué pour sa lenteur à réagir ou condamner les actes antisémites. Un enregistrement diffusé il y a quelques jours datant de 2013 a changé cette perception. Il y est entendu railler les « sionistes britanniques qui ne comprennent pas l’ironie anglaise » et n’ont « aucun sens de l’histoire britannique ». Pour beaucoup, dont l’ancien chef rabbin Jonathan Sacks, ces propos ont confirmé que Corbyn n’était pas seulement un activiste aveuglé par son soutien à la cause palestinienne. D’autres, comme Nick Griffin, ex-leader d’extrême droite du Parti national britannique, ou encore l’ancien responsable du Ku Klux Klan David Duke, ont salué Corbyn. Pas forcément des soutiens qu’un dirigeant du Labour recherche activement.

Jon Lansman, fondateur du mouvement d’activistes Momentum, qui a porté Jeremy Corbyn à la tête du Labour, s’est déplacé au congrès. Devant une audience très hostile, il a fortement condamné l’ « antisémitisme qui n’a pas sa place au sein du Labour ». Avant d’appeler à l’adoption mardi de la définition de l’IHRA. Mais il a aussi mis en garde contre le risque de s’aliéner les nouveaux membres du Labour, « premier parti politique d’Europe » avec un demi-million de membres « et les milliers d’activistes de Momentum », qui « souvent n’ont pas d’expérience politique antérieure et font les choses autrement ». Plusieurs membres de Momentum ont été accusés d’intimidation et d’attaques antisémites. Devant l’assemblée, Jon Lansman suggère qu’un supplément « d’éducation et de formation est sans doute nécessaire ». Dans l’assemblée, une jeune fille intervient : « John, avez-vous suggéré à Jeremy Corbyn de s’inscrire à un de ces stages d’éducation ? »


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