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Audition de Benalla : Castaner et le grand complot du Sénat

posté le 18/09/18 Mots-clés  réflexion / analyse 

En plein fantasme, le délégué général d’En marche accuse la chambre haute de vouloir faire tomber le président de la République.

- Les relations ne s’arrangent pas entre l’exécutif et le Sénat. Après la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Grivaux, et le président de la République lui-même (qui a appelé Gérard Larcher, le président du Sénat), Christophe Castaner y est allé à son tour de son couplet sur la commission d’enquête du Sénat sur l’affaire Benalla. Vendredi, celui qui s’exprimait comme patron de la République en marche mais qui est aussi secrétaire d’Etat chargé avec des relations avec le Parlement, a lancé : « Une commission d’enquête qui aurait des ambitions politiques pour faire de la politique et qui penserait qu’elle peut jouer de ses fonctions de contrôle du gouvernement pour faire tomber le président de la République commettrait une faute constitutionnelle. »

- Difficile de contredire Christophe Castaner sur le fond, mais encore plus difficile de faire le lien entre ses propos et le travail de la commission d’enquête du Sénat tel qu’on l’a découvert au mois de juillet avec la retransmission en direct des auditions conduites par son président, Philippe Bas. Précisons ainsi d’emblée que pas un sénateur n’a demandé la destitution d’Emmanuel Macron. Le voudraient-ils que le Sénat ne le pourrait d’ailleurs pas, même avec sa majorité LR. Car si un chef de l’Etat peut bien être destitué depuis une loi organique de 2014, les conditions à remplir sont très encadrées par l’article 68 de la Constitution.

- Interrogé, l’universitaire Didier Maus, spécialiste du droit constitutionnel, répondait : il faudrait « soit que le président bloque le fonctionnement des institutions », en refusant de signer les lois ou en bloquant la Constitution par exemple, « soit que son comportement personnel soit indigne de sa fonction ». On en est loin dans l’affaire Benalla et une majorité à l’Assemblée est de toute façon une condition sine qua non. Bref, en parlant de volonté de destitution, Castaner entretient les fantasmes, probablement à dessein. En 2016, si le groupe LR mené par Christian Jacob avait jugé pertinent d’entamer une procédure de destitution visant François Hollande, après la publication de l’ouvrage Un président ne devrait pas dire ça, celle-ci avait été rejetée par le bureau de l’Assemblée. Rien à voir avec la motion de censure – deux ont par exemple visé le gouvernement en juillet – qui permet une sanction politique du Premier ministre par le pouvoir législatif.

- Il ne s’agit pas de nier que l’opposition cherche, dans les médias bien davantage que dans l’enceinte du palais du Luxembourg, à profiter de l’affaire Benalla pour mettre en difficulté le pouvoir en place autant qu’en lumière les dysfonctionnements de l’appareil d’Etat. Comment en serait-il autrement ? Vendredi, Jean-Luc Mélenchon a par exemple sauté sur l’occasion offerte par Castaner pour dénoncer « une escalade sans précédent » dans « le bras de fer de Macron, Castaner et Benalla avec le Sénat ». Et le député la France insoumise, ancien sénateur, d’ajouter : « En exportant sa crise d’autorité, l’exécutif l’amplifie et déstabilise les institutions. Gare aux chutes imprévues. »

On le sent bien, ce qui inquiète la macronie, c’est l’audition d’Alexandre Benalla, qui se tiendra bien mercredi, et non pas celles des principaux collaborateurs d’Emmanuel Macron, qui ont déjà eu lieu en juillet et dont il n’y a pas eu grand-chose à tirer. C’est toutefois au Sénat qu’on a entendu le directeur du cabinet du président de la République reconnaître que Benalla avait été rémunéré durant sa suspension de quinze jours, ce qui avait suscité un certain émoi.

- Pour en revenir à l’audition de mercredi, si le pouvoir avait voulu dramatiser encore un peu plus un épisode qui s’annonçait d’avance pénible à gérer, il ne s’y serait pas pris autrement. L’exécutif craint-il que Benalla perde ses nerfs ? Qu’il révèle les secrets de la macronie ? Sa fébrilité ne peut qu’attiser la curiosité du public.


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