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Avancées scientifiques et décomposition du capitalisme : les contradictions du système compromettent l’avenir de l’humanité

posté le 24/06/13 par Un sympathisant du CCI Mots-clés  luttes environnementales 

En quoi le présent préfigure-t-il l’avenir de l’humanité ? Est-il encore envisageable de parler de progrès ? Quel futur se prépare pour nos enfants et les générations futures ? Pour répondre à ces questions que chacun peut se poser aujourd’hui de manière angoissante, il nous faut opposer deux legs du capitalisme dont dépendra la société future : d’un côté, le développement des forces productives qui sont en elles-mêmes des promesses d’avenir, notamment avec les découvertes scientifiques et les avancées technologiques que ce système est encore capable de porter ; de l’autre, la décomposition du système, qui menace d’annihiler tout progrès et compromet l’avenir même de l’humanité, et qui résulte inexorablement des contradictions du capitalisme. La première décennie du XXIe siècle montre que les phénomènes traduisant la décomposition du système, le pourrissement sur pied d’une société malade 1, prennent une ampleur croissante, ouvrant les portes aux démarches les plus irrationnelles, aux catastrophes en tout genre, générant une sorte d’atmosphère de "fin du monde" qu’exploitent les états avec cynisme pour faire régner la terreur et pour maintenir ainsi leur emprise sur des exploités de plus en plus mécontents.

C’est un contraste complet, une contradiction permanente qui existe entre ces deux réalités du monde actuel et qui justifie pleinement l’alternative posée il y a un siècle par le mouvement révolutionnaire, et notamment Rosa Luxemburg reprenant la formule d’Engels : ou bien le passage au socialisme ou bien la plongée dans la barbarie.

Quant aux potentialités positives que porte le capitalisme, c’est classiquement, du point de vue du mouvement ouvrier, le développement des forces productives qui constitue le sous-bassement de l’édification de la future communauté humaine. Celles-ci sont principalement constituées par trois éléments étroitement liés et conjugués dans la transformation efficace de la nature par le travail humain : les découvertes et progrès scientifiques, la production d’outils et d’un savoir-faire technologique de plus en plus sophistiqués et la force de travail fournie par les prolétaires. Tout le savoir accumulé dans ces forces productives serait utilisable au sein de l’édification d’une autre société, de même, ces dernières seraient décuplées si l’ensemble de la population mondiale était intégrée au sein de la production sur base d’une activité et d’une créativité humaine, au lieu d’en être rejetées de façon croissante par le capitalisme. Sous le capitalisme, la transformation, la maîtrise comme la compréhension de la nature n’est pas un but au service de l’humanité, la majeure partie de celle-ci étant exclue du bénéfice du développement des forces productives mais une dynamique aveugle au service du profit 2.

Les découvertes scientifiques au sein du capitalisme ont été nombreuses - et pas des moindres - dans la seule année 2012. De même de véritables prouesses technologiques ont été parallèlement accomplies dans tous les domaines, démontrant l’étendue du génie et du savoir-faire humains.

Les avancées scientifiques : un espoir pour l´avenir de l’humanité

Nous illustrerons notre propos à travers seulement quelques exemples 3 et laisserons volontairement de côté beaucoup de découvertes ou réalisations technologiques récentes. En effet, notre objectif ne vise pas à l’exhaustivité mais à illustrer comment l’homme dispose d’un ensemble croissant de possibilités, concernant la connaissance théorique et des avancées technologiques, qui lui permettraient de maîtriser la nature dont il fait partie, de même que son propre organisme. Les trois exemples de découvertes scientifiques que nous donnons touchent à ce qu’il y a de plus fondamental dans la connaissance et qui a été au cœur des préoccupations de l’humanité depuis ses origines :

• qu’est-ce que la matière qui compose l’univers et quelle est l’origine de celui-ci ;

• d’où vient notre espèce, l’espèce humaine ;

• comment guérir de la maladie.

Une meilleure connaissance des particules élémentaires et des origines de l’univers

La recherche fondamentale, bien que ne contribuant généralement pas à des découvertes ayant une application immédiate, constitue néanmoins une composante essentielle de la connaissance de la nature par l’homme et, partant, de sa capacité à en pénétrer les lois et les propriétés. C’est de ce point de vue qu’il faut apprécier la récente mise en évidence de l’existence d’une nouvelle particule, très proche à de nombreux égards de ce qui est appelé le Boson de Higgs, après une traque acharnée au moyen d’expériences menées au CERN (Centre européen pour la recherche nucléaire) de Genève ayant mobilisé 10 000 personnes pour mettre en œuvre l’accélérateur de particules LHC. La nouvelle particule a cette propriété unique de conférer leur masse aux particules élémentaires, à travers son interaction avec celles-ci. En fait, sans elle, tout élément de l’univers ne pèserait rien. Elle permet aussi une approche plus fine de la compréhension de la naissance et du développement de l’univers. L’existence de cette nouvelle particule avait été prédite théoriquement en 1964 par Peter Higgs (en même temps que deux physiciens belges, Englert et Brout). Depuis lors, la théorie de Higgs a été l’objet de débats et de développements dans le milieu scientifique qui ont abouti à la mise en évidence de l’existence réelle, et plus seulement théorique, de la particule en question.

Un ancêtre potentiel des vertébrés ayant vécu il y a 500 millions d’années

Illustrant la théorie darwinienne et matérialiste de l’évolution, deux chercheurs anglais et canadiens ont mis en évidence que, cent ans après sa découverte, l’un des plus anciens animaux ayant peuplé la planète, Pikaia gracilens était un ancêtre des vertébrés. Ils ont procédé à un examen des fossiles de l’animal réalisé par différentes techniques d’imagerie qui leur a permis de décrire précisément son anatomie externe et interne. Grâce à un type particulier de microscope à balayage, ils ont réalisé une cartographie élémentaire de la composition chimique des fossiles en carbone, soufre, fer et phosphate. Se référant à la composition chimique des animaux actuels, ils en ont alors déduit où se trouvaient les différents organes chez Pikaia. Où placer Pikaia dans l’arbre de l’évolution ? En prenant en compte également d’autres facteurs comparatifs avec d’autres espèces voisines découvertes dans d’autres régions de la planète, ils concluent : "quelque part à la base de l’arbre des chordés", les chordés étant des animaux qui possèdent une colonne vertébrale ou une préfiguration de celle-ci. Ainsi, cette découverte permet de reconstituer un des "chaînons manquants" dans la longue chaine des espèces vivantes qui ont peuplé notre planète depuis plusieurs milliards d’années et qui sont nos ancêtres.

Vers la guérison totale du Sida

Depuis le début des années 1980, le Sida est devenu le principal fléau épidémique de la planète. Près de 30 millions de personnes en sont déjà mortes et, malgré les moyens énormes mis en œuvre pour le combattre et l’emploi des trithérapies, il tue encore 1,8 millions de personnes par an 4, loin devant d’autres maladies infectieuses particulièrement meurtrières comme le paludisme ou le rougeole. Un des aspects les plus sinistres de cette maladie consiste dans le fait que la personne qui en est victime, même si elle n’est pas maintenant condamnée à une mort certaine comme c’était le cas au début de l’épidémie, reste infectée toute sa vie, ce qui la soumet, outre l’ostracisme d’une partie de la population, à des médications extrêmement contraignantes. Et justement, une étape majeure dans la guérison des personnes infectées par le virus du Sida (VIH) a été franchie cette année par une équipe de l’université de Caroline du Nord. Le médicament qu’elle a testé sur huit séropositifs n’a rien à voir avec les traitements actuels, les antirétroviraux. En bloquant la multiplication du VIH, ces derniers réduisent sa concentration dans l’organisme des séropositifs, jusqu’à le rendre indétectable. Mais ils ne l’éradiquent pas et ne guérissent donc pas les malades. En effet, dès le début de l’infection, des exemplaires du virus se cachent dans certains globules blancs à longue vie, échappant ainsi à l’action des antirétroviraux. D’où, l’idée de détruire une bonne fois pour toutes ces "réservoirs" de VIH grâce à l’action d’un médicament dont l’action permettrait de rendre les globules blancs en question repérables par le système immunitaire qui pourra alors les détruire. Le médicament testé a permis de façon prometteuse d’activer la détection des "réservoirs". Reste à s’assurer de leur destruction par le système immunitaire, voire même stimuler celui-ci dans ce but.

Il faut d’emblée remarquer que les découvertes scientifiques actuelles et le développement de la technologie se produiraient dans un autre type de société, en particulier dans une société communiste, où elles auraient encore été largement surpassées. En effet, le mode de production capitaliste axé sur le profit, la rentabilité et la concurrence, marqué par la gabegie et l’irrationalité, mais aussi par l’altération, l’aliénation et souvent la destruction des rapports sociaux, constitue un obstacle sérieux au développement de ces forces productives. Néanmoins, cela reste un aspect positif de la société actuelle qui est encore capable de produire de telles choses, même si elle en entrave considérablement la réalisation. Par contre, la décomposition telle qu’elle se présente aujourd’hui est propre au capitalisme. Plus longtemps ce dernier se maintiendra, plus cette décomposition constituera un boulet de plus en plus lourd pour le futur, plus elle l’oblitèrera.

La projection morbide du capitalisme menace d’engloutir l’humanité

La réalité de ce monde au quotidien, c’est que la crise du capitalisme qui est réapparue et qui s’aggrave toujours plus depuis des décennies est la cause de l’enfoncement dans des difficultés de vivre toujours plus grandes ; et c’est parce que ni la bourgeoisie, ni la classe ouvrière n’ont réussi à dégager une perspective pour la société que les structures sociales, les institutions sociales et politiques, le cadre idéologique qui permettaient à la bourgeoisie de maintenir la cohésion de la société, se désagrègent toujours un peu plus. La décomposition, dans toutes ses dimensions et ses manifestations actuelles, illustre toutes les potentialités morbides de ce système qui menacent d’engloutir l’humanité. Le temps ne joue pas en faveur du prolétariat. C’est une "course contre la montre" que ce dernier a engagée dans son combat contre la bourgeoisie. De l’issue de ce combat entre les deux classes déterminantes de la société actuelle, de la capacité du prolétariat à porter les coups décisifs contre son ennemi avant qu’il ne soit trop tard, dépend l’avenir de l’espèce humaine.

Derrière les tueries de déséquilibrés, il y a l’irrationalité du capitalisme qui nous condamne à vivre dans un monde n’ayant plus de sens

Une des manifestations les plus frappantes et spectaculaires de cette décomposition a été encore récemment le massacre dans l’école élémentaire de Sandy Hook à Newtown (Connecticut) aux États-Unis le 14 décembre 2012. Comme lors des drames précédents, l’horreur de ce massacre sans mobile de 27 enfants et adultes par une seule personne a de quoi glacer le sang. Or, c’est le treizième événement de ce genre dans ce pays pour la seule année 2012.

Le massacre de vies innocentes à l’école est un rappel horrible de la nécessité d’une transformation révolutionnaire complète de la société. La propagation et la profondeur de la décomposition du capitalisme ne peuvent qu’engendrer d’autres actes aussi barbares, insensés et violents. Il n’y a absolument rien dans le système capitaliste qui puisse fournir une explication rationnelle à un tel acte et encore moins rassurer sur le futur d’une telle société.

Au lendemain de la tuerie dans l’école du Connecticut, et comme cela a également été le cas pour d’autres actes violents, tous les partis de la classe dirigeante ont soulevé un questionnement : comment est-il possible qu’à Newtown, réputée pour être la ville "la plus sûre d’Amérique", un individu dérangé ait trouvé le moyen de déchaîner tant d’horreur et de terreur ? Quelles que soient les réponses proposées, la première préoccupation des médias est de protéger la classe dirigeante et de dissimuler son propre mode de vie meurtrier. La justice bourgeoise réduit le massacre à un problème strictement individuel, suggérant en effet que le geste d’Adam Lanza, le meurtrier, s’explique par ses choix, sa volonté personnelle de faire le mal, penchant qui serait inhérent à la nature humaine. Niant tous les progrès réalisés depuis de nombreuses décennies par les études scientifiques sur le comportement humain qui, pourtant, permettent de mieux comprendre l’interaction complexe entre l’individu et la société, la justice prétend que rien n’explique l’action du tireur et avance comme solution le renouveau de la foi religieuse et la prière collective !

C’est également ainsi qu’elle justifie sa proposition d’emprisonner tous ceux qui relèvent d’un comportement déviant, en réduisant leurs crimes à un acte immoral. La nature de la violence ne peut pas être comprise si on la dissocie du contexte social et historique où elle s’exprime car elle est précisément fondée sur des rapports d’exploitation et d’oppression d’une classe dominante sur l’ensemble de la société. Les maladies mentales existent depuis longtemps, mais il ressort que leur expression a atteint son paroxysme dans une société en état de siège, dominée par le "chacun pour soi", par la disparition de la solidarité sociale et de l’empathie. Les gens pensent qu’ils doivent se protéger… contre qui, d’ailleurs ? Tout le monde est considéré comme un ennemi potentiel et c’est une image, une croyance renforcée par le nationalisme, le militarisme et l’impérialisme de la société capitaliste.

Pourtant la classe dirigeante se présente comme le garant de la "rationalité" et contourne soigneusement la question de sa propre responsabilité dans la propagation des comportements antisociaux. Ceci est encore plus flagrant lors des jugements par la cour martiale de l’armée américaine des soldats ayant commis des actes atroces, comme dans le cas de Robert Bales qui a massacré et tué 16 civils en Afghanistan, dont 9 enfants. Pas un mot, naturellement, sur sa consommation d’alcool, de stéroïdes et de somnifères pour calmer ses douleurs physiques et émotionnelles, ni sur le fait qu’il a été envoyé sur l’un des champs de bataille les plus meurtriers d’Afghanistan pour la quatrième fois !

Et les États-Unis ne sont pas le seul pays à connaître de telles abominations : en Chine, par exemple, le jour même du massacre de Newtown, un homme a blessé avec un couteau 22 enfants dans une école. Mais au cours des 30 dernières années, de nombreux actes similaires ont été perpétrés. Bien d’autres pays, l’Allemagne par exemple, autre pays du cœur du capitalisme, ont aussi connu de telles tragédies dont la tuerie d’Erfurt en 2007 et la surtout la fusillade, qui s’est déroulée le 11 mars 2009 au collège Albertville-Realschule, à Winnenden dans le Bade-Wurtemberg, qui a fait seize morts dont l’auteur des coups de feu. Cet événement présente beaucoup de similitudes avec le drame de Newtown.

L’extension internationale du phénomène montre qu’attribuer ces tueries au droit à la possession d’armes est avant tout de la propagande médiatique. En réalité, il existe de plus en plus d’individus, qui se sentent tellement écrasés, isolés, incompris, rejetés que les tueries perpétrées par des individus isolés ou les tentatives de suicide des jeunes sont de plus en plus nombreuses ; et le fait même du développement de cette tendance montre que face à la difficulté qu’ils ont de vivre, ils ne voient aucune perspective de changement qui leur permettrait d’espérer une évolution positive de leurs conditions de vie. Bien des trajectoires peuvent aboutir à de telles extrémités : chez les enfants, une présence insuffisante des parents parce que surchargés de travail ou rongés et moralement affaiblis par l’anxiété qu’entraîne le chômage et des revenus trop faibles ou, chez les adultes, un sentiment de haine et de frustrations accumulés face au sentiment de "ratage" de leur existence.

Cela provoque de telles souffrances et de tels troubles chez certains qu’ils en rendent responsables l’ensemble de la société et en particulier l’école, une des institutions essentielles par laquelle l’intégration du jeune dans la société est censée se faire, devant normalement ouvrir sur la possibilité de trouver un emploi mais qui n’ouvre souvent que sur le chômage. Cette institution, qui est devenue en fait le lieu où se créent de multiples frustrations et où s’ouvrent bien des blessures, est aussi devenue une cible privilégiée, parce que symboles de l’avenir bouché, de la personnalité et des rêves détruits. Le meurtre aveugle en milieu scolaire – suivi par le suicide des meurtriers –, apparaît alors comme le seul moyen de montrer sa souffrance et d’affirmer son existence.

Derrière la campagne sur le fait de poster des policiers à la porte des écoles, l’idée qui est instillée est celle de la méfiance à l’égard de tout le monde, ce qui vise à empêcher ou détruire tout sentiment de solidarité au sein de la classe ouvrière. Tout ceci est à l’origine de l’obsession de la mère d’Adam Lanza pour les armes à feu et de son habitude d’emmener ses enfants, y compris son fils, sur les stands de tir. Nancy Lanza est une "survivaliste". L’idéologie du "survivalisme" est fondée sur le "chacun pour soi" dans un monde pré et post-apocalyptique. Elle prône la survie individuelle, en faisant des armes un moyen de protection permettant de mettre la main sur les rares ressources vitales. En prévision de l’effondrement de l’économie américaine, qui est sur le point de survenir selon les survivalistes, ces derniers stockent des armes, des munitions, de la nourriture et s’enseignent des moyens de survivre à l’état sauvage. Est-ce si étrange qu’Adam Lanza ait pu être envahi par ce sentiment de "no future" ? D’un autre côté, cela signifie que l’on ne peut avoir confiance que dans l’État et dans la répression qu’il mène alors qu’il est le gardien du système capitaliste qui est la cause de la violence et des horreurs que nous sommes en train de vivre. Il est naturel d’éprouver de l’horreur et une très grande émotion face au massacre d’innocentes victimes. Il est naturel de chercher des explications à un comportement complètement irrationnel. Cela traduit un besoin profond d’être rassuré, d’avoir la maîtrise de son destin et de sortir l’humanité d’une spirale sans fin d’extrême violence. Mais la classe dirigeante profite des émotions de la population et utilise son besoin de confiance pour l’amener à accepter une idéologie où seul l’État serait capable de résoudre les problèmes de la société.

Aux États-Unis, ce ne sont pas seulement les marges fondamentalistes du camp républicain, mais toute une série d’idéologies religieuses, créationnistes et autres qui pèsent de tout leur poids sur le fonctionnement de la bourgeoisie et sur les consciences du reste de la population.

Il faut affirmer clairement que c’est le maintien de la société divisée en classes et l’exploitation du capitalisme qui sont les seuls responsables du développement de comportements irrationnels qu’ils sont incapables d’éliminer ou seulement maîtriser.

Où que l’on regarde, le capitalisme est automatiquement dirigé vers la recherche du profit. La gauche peut penser que le capitalisme contemporain subsiste sur une base rationnelle, mais l’expérience présente de la société actuelle révèle une décomposition aggravée, une partie de cette société s’exprimant dans une irrationalité grandissante où les intérêts matériels ne sont plus le seul guide de son comportement. Les expériences de Columbine, de Virginia Tech et de tous les autres massacres perpétrés par des individus isolés montrent qu’on n’a pas besoin d’un motif politique pour commencer à tuer au hasard n’importe lesquels de nos semblables.

La généralisation de la violence : délinquance, banditisme, narcotrafic et mœurs de gangsters de la bourgeoisie

Une vague de délinquance et de banditisme a secoué certaines villes du Brésil, durant les mois d’octobre et novembre 2012. C’est surtout le Grand São Paulo qui a été affecté où 260 personnes ont été assassinées durant cette période. Mais pas seulement, puisque d’autres villes où la criminalité est généralement bien moins élevée ont également été le théâtre de violences.

L’ampleur de la violence est difficilement contestable, de même que ses conséquences sur la population : "La police tue aussi bien que les criminels. C’est à une guerre à laquelle nous avons assisté tous les jours à la télé.", déclarait le directeur de l’ONG Conectas Direitos Humanos. Cette calamité supplémentaire s’ajoute à la misère générale d’une grande partie de la population.

Parmi les explications à cette situation, certaines mettent en cause le système pénitencier, qui crée des criminels au lieu d’aider à la réinsertion sociale. Mais le système pénitentiaire est lui-même un produit de la société et il est à son image. En fait, aucune réforme du système, du système pénitencier ou autre, ne pourra enrayer le phénomène du banditisme et de la répression policière, et donc de la terreur sous toutes ses formes. Et le problème majeur c’est que cela ne pourra qu’empirer avec la crise mondiale de ce système. C’est facilement constatable au niveau du Brésil lui-même. Il y a trente ans de cela, São Paulo qui apparaît aujourd’hui comme la capitale du crime, faisait alors figure de ville tranquille.

Du côté du Mexique, on voit les groupes mafieux et le propre gouvernement enrôler, en vue de la guerre qu’ils se livrent, des éléments appartenant aux secteurs les plus paupérisés de la population. Les affrontements entre ces groupes, qui tirent sans distinction sur la population, laissent des centaines de victimes sur le carreau que gouvernement et mafias qualifient de "dommages collatéraux". Les mafias tirent profit de la misère pour leurs activités liées à la production et au commerce de la drogue ; en particulier en convertissant les paysans pauvres, comme cela avait été le cas en Colombie dans les années 1990, à la production de la drogue. Au Mexique, depuis 2006, ce sont presque soixante mille personnes qui ont été abattues, que ce soit sous les balles des cartels ou celles de l’armée officielle ; une grande partie de ces tués a été victime de la guerre entre cartels de la drogue, mais ceci ne diminue en rien la responsabilité de l’État, quoi qu’en dise le gouvernement. En effet, chaque groupe mafieux surgit sous la houlette d’une fraction de la bourgeoisie. La collusion des mafias avec les structures étatiques leur permet de "protéger leurs investissements" et leurs activités en général.5

Les désastres humains que provoque la guerre des narcotrafiquants sont présents dans toute l’Amérique latine mais le phénomène de la violence tel que l’illustrent le Brésil ou le Mexique est un phénomène mondial qui est loin d’épargner l’Amérique du Nord ou l’Europe.

Les catastrophes industrielles à grande échelle

Aucune région du monde n’est épargnée par celles-ci et leurs premières victimes sont en général les ouvriers. Leur cause n’est pas le développement industriel en soi, mais le développement industriel entre les mains du capitalisme en crise, où tout doit être sacrifié aux objectifs de la rentabilité pour faire face à la guerre commerciale mondiale.

Le cas le plus emblématique est la catastrophe nucléaire de de Fukushima dont la gravité a encore surpassé celle de Tchernobyl (un million de morts "reconnus" entre 1986 et 2004). Le 11 mars 2011, un gigantesque tsunami inonde les côtes Est du Japon, débordant les digues censés protéger la centrale nucléaire. Plus de 20 000 personnes sont tuées par les inondations, et la population autour de la centrale a dû être évacuée : deux ans plus tard, plus de 300.000 personnes vivent toujours dans des campements de fortune. Face à ce désastre, la classe dominante a encore une fois étalé son incurie. L’évacuation de la population a commencé trop tard et la zone de sécurité s’est révélé insuffisante. Parce qu’il voulait minimiser absolument la perception des dangers réellement encourus, le gouvernement a surtout évité une évacuation à grande échelle et a rendu difficile l’accès de la région aux journalistes indépendants.

Au-delà du débat au Japon sur les défaillances de la compagnie Tepco, ou sur les rapports plus que bienveillants que l’organisme de réglementation de l’industrie nucléaire entretenait avec les entreprises qu’il était censé surveiller, c’est le fait même d’avoir développé le nucléaire au Japon qui constitue une véritable folie alors que ce pays est situé au croisement de quatre grandes plaques tectoniques (les plaques eurasiatique, nord-américaine, des Philippines, et pacifique) et, de ce fait, subit à lui seul 20% des séismes les plus violents du monde).

Dans un pays de haute technologie et surpeuplé comme le Japon, les effets sont encore plus dramatiques pour les populations. La contamination irréversible de l’air, des terres et des océans, l’amas et le stockage des déchets radioactifs, les sacrifices permanents de la protection et de la sécurité sur l’autel de la rentabilité jettent une lumière crue sur la dynamique irrationnelle du système.au niveau mondial.

Les catastrophes "naturelles" et leurs conséquences

Certes, on ne peut reprocher au capitalisme d’être à l’origine d’un tremblement de terre, d’un cyclone ou de la sècheresse. En revanche, on peut mettre à son passif le fait que tous ces cataclysmes liés aux phénomènes naturels se transforment en immenses catastrophes sociales, en gigantesques tragédies humaines. Ainsi, le capitalisme dispose de moyens technologiques tels qu’il est capable d’envoyer des hommes sur la lune, de produire des armes monstrueuses susceptibles de détruire des dizaines de fois la planète, mais en même temps il ne donne pas les moyens de protéger les populations des pays exposés aux cataclysmes naturels alors que cela pourrait être fait en construisant des digues, en détournant des cours d’eau, en édifiant des maisons qui puissent résister aux tremblements de terre ou aux ouragans. Cela ne rentre pas dans la logique capitaliste du profit, de la rentabilité et d’économie des coûts.

Mais la plus dramatique des menaces qui pèse sur l’humanité, sur laquelle nous ne pouvons développer ici est celle de la catastrophe écologique 6

La décomposition idéologique du capitalisme

Cette décomposition ne se limite pas au seul fait que le capitalisme, malgré tout le développement des sciences et de sa technologie, se retrouve de plus en plus soumis aux lois de la nature, qu’il est incapable de maîtriser les moyens qu’il a mis en œuvre pour son propre développement. Elle n’atteint pas seulement les fondements économiques du système. Elle se répercute aussi dans tous les aspects de la vie sociale à travers une décomposition idéologique des valeurs de la classe dominante qui entraîne avec elle un écroulement de toute valeur rendant possible la vie en société, notamment à travers un certain nombre de phénomènes :

• le développement d’idéologies de type nihiliste, expressions d’une société qui est de plus en plus aspirée vers le néant ;

• la profusion des sectes, le regain de l’obscurantisme religieux, y compris dans certains pays avancés, le rejet d’une pensée rationnelle, cohérente, construite, y inclus de la part de certains milieux "scientifiques", et qui prend dans les médias une place prépondérante notamment dans des publicités abrutissantes, des émissions décervelantes ;

• le développement du racisme et de la xénophobie, de la peur et donc la haine de l’autre, du voisin ;

• le "chacun pour soi", la marginalisation, l’atomisation des individus, la destruction des rapports familiaux, l’exclusion des personnes âgées.

La décomposition du capitalisme renvoie l’image d’un monde sans avenir, un monde au bord du gouffre, qui tend à s’imposer à toute la société. C’est le règne de la violence, de la "débrouille individuelle", du "chacun pour soi", de l’exclusion qui gangrène toute la société, et particulièrement ses couches les plus défavorisées, avec son lot quotidien de désespoir et de destruction : chômeurs qui se suicident pour fuir la misère, enfants qu’on viole et qu’on tue, vieillards qu’on torture et assassine pour quelques dizaines d’euros...

Seul le prolétariat peut sortir la société de cette impasse

A propos du sommet de Copenhague fin 2009 7, il avait été dit que c’était l’impasse, que le futur était sacrifié au présent. Ce système a pour seul horizon le profit (pas toujours à court terme), cependant celui-ci est de plus en plus limité (comme l’illustre la spéculation). Il va droit dans le mur mais il ne peut pas faire autrement ! L’ex-candidat démocrate à la présidence des États-Unis, Al Gore, était-il sincère quand, en 2005, il a présenté son documentaire Une Vérité qui dérange montrant les effets dramatiques du réchauffement climatique sur la planète ? En tous cas, il a pu le faire car il n’était plus "aux affaires" après huit de vice-présidence des États-Unis. Cela signifie que ces gens-là qui dirigent le monde peuvent parfois comprendre le danger encouru mais, quelle que soit leur conscience morale, ils continuent dans la même direction car ils sont prisonniers d’un système qui va à la catastrophe. Il y a un engrenage qui dépasse la volonté humaine et dont la logique est plus forte que la volonté des politiques les plus puissants. Les bourgeois d’aujourd’hui eux-mêmes ont des enfants dont l’avenir les préoccupe… Les catastrophes qui s’annoncent vont toucher d’abord les plus pauvres, mais les bourgeois aussi vont être de plus en plus touchés. La classe ouvrière est non seulement porteuse d’avenir pour elle-même, mais pour l’humanité entière, y compris les descendants des bourgeois actuels.

Après toute une période de prospérité où il a été capable de faire accomplir un bond gigantesque aux forces productives et aux richesses de la société, en créant et unifiant le marché mondial, ce système a atteint depuis le début du siècle précédent ses propres limites historiques, marquant ainsi son entrée dans sa période de décadence. Bilan : deux guerres mondiales, la crise de 1929 et de nouveau la crise ouverte à la fin des années 1960, laquelle n’en finit plus de plonger le monde dans la misère.

Le capitalisme décadent, c’est la crise permanente, insoluble, de ce système qui est elle-même une immense catastrophe pour toute l’humanité, comme le révèle en particulier le phénomène de paupérisation croissante de millions d’êtres humains réduits à l’indigence, à la misère la plus totale.

En se prolongeant, l’agonie du capitalisme confère une qualité nouvelle aux manifestations extrêmes de la décadence en donnant naissance au phénomène de décomposition de celui-ci, phénomène visible depuis les trois dernières décennies.

Alors que dans les sociétés précapitalistes, les rapports sociaux de même que les rapports de production d’une nouvelle société en gestation pouvaient éclore au sein même de l’ancienne société en train de s’effondrer (comme c’était le cas pour le capitalisme qui a pu se développer au sein de la société féodale en déclin), il n’en est plus de même aujourd’hui.

La seule alternative possible ne peut être que l’édification, sur les ruines du système capitaliste, d’une autre société - la société communiste – qui, en débarrassant l’humanité des lois aveugles du capitalisme, pourra apporter une pleine satisfaction des besoins humains grâce à un épanouissement et une maîtrise des forces productives que les lois mêmes du capitalisme rendent impossibles.

En fait, comme c’est bien l’évolution du capitalisme qui est responsable de la chute dans la barbarie actuelle, cela signifie qu’en son sein, la classe qui produit l’essentiel des richesses, qui non seulement n’a aucun intérêt matériel à la perpétuation de ce système mais, au contraire, en constitue la principale classe exploitée, celle-là seule est capable par sa lutte révolutionnaire, d’entraîner à sa suite l’ensemble de population non exploiteuse, de renverser l’ordre social actuel pour ouvrir la voie à une société véritablement humaine : le communisme.

Jusqu’à présent, les combats de classe qui, depuis quarante ans, se sont développés sur tous les continents, ont été capables d’empêcher le capitalisme décadent d’apporter sa propre réponse à l’impasse de son économie : le déchaînement de la forme ultime de sa barbarie, une nouvelle guerre mondiale. Pour autant, la classe ouvrière n’est pas encore en mesure d’affirmer, par des luttes révolutionnaires, sa propre perspective ni même de présenter au reste de la société ce futur qu’elle porte en elle. C’est justement cette situation d’impasse momentanée, où, à l’heure actuelle, ni l’alternative bourgeoise, ni l’alternative prolétarienne ne peuvent s’affirmer ouvertement, qui est à l’origine de ce phénomène de pourrissement sur pied de la société capitaliste, qui explique le degré particulier et extrême atteint aujourd’hui par la barbarie propre à la décadence de ce système. Et ce pourrissement est amené à s’amplifier encore avec l’aggravation inexorable de la crise économique.

À la méfiance de tous qui est diffusée par la bourgeoisie, il faut explicitement opposer la nécessité de la solidarité, ce qui veut dire la confiance entre les ouvriers ; au mensonge de l’État "protecteur", il faut opposer la dénonciation de cet organe qui est le gardien de ce système qui provoque la décomposition sociale. Face à la gravité des enjeux que pose cette situation, le prolétariat doit prendre conscience du risque d’anéantissement qui le menace aujourd’hui. La classe ouvrière doit extraire de toute cette pourriture qu’elle subit quotidiennement, en plus des attaques économiques contre l’ensemble de ses conditions de vie, une raison supplémentaire, une plus grande détermination pour développer ses combats et forger son unité de classe.

Les luttes actuelles du prolétariat mondial pour son unité et sa solidarité de classe constituent l’unique lueur d’espoir au milieu de ce monde en pleine putréfaction. Elles seules sont en mesure de préfigurer un embryon de communauté humaine. C’est de la généralisation internationale de ces combats que pourront enfin éclore les germes d’un monde nouveau, que pourront surgir de nouvelles valeurs sociales.

Courant Communiste International - http://fr.internationalism.org

1 "La décomposition, phase ultime de la décadence capitaliste", disponible en format papier dans la Revue internationale n° 62, 3e trimestre 1990 et sur notre site Web

22 On peut souligner qu’au début du développement de l’informatique, les ordinateurs les plus puissants étaient mis exclusivement au service de l’armée. C’est beaucoup moins vrai aujourd’hui concernant l’ensemble des domaines de pointe, bien que la recherche militaire continue à absorber et à orienter la plus grande partie des avancées de la technologie.

33 Les informations relatives à ces exemples sont pour la plupart extraites d’articles de la revue La Recherche concernant des découvertes effectuées en 2012.

4 Chiffres de l’ONUSIDA pour 2011.

5 Lire l’article "Le Mexique entre crise et narcotrafic" (Revue internationale n° 150).

6 Lire à ce propos Chris Harman, Une histoire populaire de l’humanité : De l’Âge de pierre au nouveau millénaire (2002), en particulier pp. 653-654 de l’édition française, La Découverte, 2011

7 Voir notre article "Sauver la planète ? No, they can’t !" (Revue internationale n° 140, 1er trimestre 2010)


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