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BDS, Carrefour et le je vous laisse deviner.... de France Palestine

posté le 04/02/14 par Non à l'antisémitisme Mots-clés  antifa 

L’AFPS (l’Association France Palestine Solidarité) a pondu un com­mu­ni­qué, repro­duit dans le bul­le­tin A contre cou­rant syn­di­cal et poli­ti­que n° 250 de jan­vier 2014, page 7, pour dén­oncer l’achar­ne­ment poli­cier et judi­ciaire contre ses mili­tants qui par­ti­ci­pent à la cam­pa­gne BDS (boy­cott, dés­inv­est­is­sement, sanc­tions) notam­ment dans les maga­sins Carrefour.

Rappelons que cette cam­pa­gne BDS est fort ambi­guë puisqu’elle est le ver­sant « poli­ti­que­ment cor­rect », de gauche, d’un autre boy­cott qui, lui, dure depuis 1945, et a été initié par la Ligue arabe en 1945, coa­li­tion d’Etats extrê­mement « pro­gres­sis­tes » comme chacun sait.

Rappelons aussi que cette cam­pa­gne a pris de l’ampleur à partir de la confér­ence de Durban où abon­daient les propos antisé­mites, et que ses sou­tiens se livrent à des com­pa­rai­sons empruntées à l’argu­men­taire fas­ciste comme cette déc­la­ration de Mme Mona Baker, à l’ori­gine du licen­cie­ment de deux ensei­gnants israéliens à l’uni­ver­sité de Manchester : « En réalité je ne boy­cotte pas les Israéliens, je boy­cotte les ins­ti­tu­tions israéli­ennes. Je suis convain­cue que long­temps après que tout cela sera fini, comme cela a été le cas avec l’holo­causte des juifs, les gens com­men­ce­ront à admet­tre qu’ils auraient dû faire quel­que chose, que c’était dép­lo­rable et que le milieu uni­ver­si­taire est si lâche qu’il n’avait rien fait. » Comparer les « ins­ti­tu­tions israéli­ennes » (ou l’Etat israélien) avec le régime nazi ne peut que réjouir tous les antisé­mites, négati­onn­istes, néof­asc­istes et néo­nazis actuels.

En théorie, dans un monde idéal qui serait déb­arrassé de tous préjugés, actes et crimes antisé­mites, appe­ler à boy­cot­ter des pro­duits israéliens n’aurait pas de conséqu­ences. Mais on ne peut pas dire que, en France, l’antisé­mit­isme recule, bien au contraire, comme en a tém­oigné le « Jour de colère » contre Hollande le diman­che 26 jan­vier 2014 avec ses slo­gans nazis (« Juifs hors de France »). Ou comme en ont tém­oigné l’assas­si­nat d’Ilan Halimi (1), puis l’assas­si­nat par Mohammed Merah, à Toulouse, de Jonathan Sandler, de ses deux enfants Gabriel (3 ans) et Aryeh (6 ans), et de Myriam Monsonégo (8 ans). Assassinats que beau­coup de mili­tants de gauche et d’extrême gauche ont refusé de qua­li­fier d’antisé­mites.

De plus, spéc­ia­lement dans un pays comme la France où il existe une tra­di­tion antisé­mite plus que cen­te­naire qui devrait inci­ter à un mini­mum de pru­dence, tout dépend des argu­ments qu’on uti­lise afin de jus­ti­fier ce boy­cott des pro­duits israéliens et des effets qu’une telle cam­pa­gne peut avoir sur l’opi­nion publi­que natio­nale et inter­na­tio­nale.

En effet, une partie de l’extrême droite (la plus radi­cale, celle des « natio­na­lis­tes-révo­luti­onn­aires » et autres Ayoub, les idéo­logues à la Soral, les bate­leurs à la Dieudonné et aussi la faune influencée par les néo­nazis et les néof­asc­istes) est anti­sio­niste, antisé­mite et bien sûr favo­ra­ble au boy­cott des pro­duits israéliens pro­duits dans les Territoires occupés, mais aussi pro­duits sur tout le ter­ri­toire israélien.

De plus, il existe un vieil antisé­mit­isme reli­gieux et poli­ti­que qui asso­cie les Juifs (peuple), les juifs (reli­gion) au com­merce et le fait de pren­dre pour cible la chaîne Carrefour n’est pas sans danger sur­tout si l’on se penche sur toutes les rumeurs, fan­tai­sis­tes ou pas, antisé­mites ou pas, qui cou­rent sur cette chaîne inter­na­tio­nale de maga­sins.

Tout d’abord, Carrefour vend des pro­duits halal, ce qui indis­pose par­ti­cu­liè­rement cer­tains com­merçants dits « musul­mans », qui pen­sent que Carrefour (sous-entendu : les « sio­nis­tes », donc en bon français les Juifs et les juifs) veut ruiner les com­merçants « musul­mans ».

Pour pimen­ter un peu plus la situa­tion, et parallè­lement à cette cam­pa­gne contre Carrefour, on a des inter­nau­tes « musul­mans » qui mènent une cam­pa­gne contre une des sociétés chargées de cer­ti­fier le hallal (AVS, pour ne pas la nommer) parce que l’un de ses action­nai­res est « d’ori­gine juive » et que AVS cer­ti­fie hallal les pro­duits vendus chez Carrefour. Pour ces « musul­mans » la prés­ence d’un « juif » au sein d’un conseil d’admi­nis­tra­tion ne peut signi­fier qu’une chose : la viande vendue avec l’accord d’AVS n’est pas hallal, voire elle est dan­ge­reuse pour la santé (on voit là le retour, sous une forme moderne, d’un vieux mythe antisé­mite du Moyen Age, celui de l’empoi­son­ne­ment des puits par les juifs).

On a donc ici, sous l’appa­rence d’une guerre com­mer­ciale entre, d’un côté, une chaîne de dis­tri­bu­tion qui vend du hallal et, de l’autre, des petits et moyens dis­tri­bu­teurs et com­merçants « musul­mans », et sur fond de concur­rence entre plu­sieurs sociétés de cer­ti­fi­ca­tion hallal, tous les ingrédients d’un conflit poli­ti­que­ment dan­ge­reux, avec une polé­mique contre l’influence des « juifs » (pardon, les « sio­nis­tes ») dans l’éco­nomie qui rap­pelle les dis­cours nazis sur l’« enjui­ve­ment » du com­merce ou de la banque...

Quand on s’atta­que à Carrefour, chaîne qui est déjà la cible de toutes sortes de polé­miques sur le hallal, sur le rama­dan et sur la ques­tion de savoir si la traça­bilité des pro­duits fabri­qués en Israël ou dans les Territoires occupés est dis­si­mulée ou pas aux clients (ce qui est illégal), on est par conséquent sur un ter­rain très glis­sant, ce que savent par­fai­te­ment les anti­sio­nis­tes de gauche de l’AFPS.

Abordons main­te­nant donc le com­mu­ni­qué paru dans A contre cou­rant syn­di­cal et poli­ti­que « Non c’était à Colmar, pas à Tel Aviv » – titre qui trahit bien le chau­vi­nisme gau­lois de ses auteurs tout comme ce com­men­taire (sou­li­gné en gras dans l’arti­cle) : « Il n’y a qu’en France où l’on assiste à ce type de procès » (ce qui ren­force le caractère natio­na­liste et antisé­mite, comme on le verra plus loin, du « je vous laisse devi­ner » qui de l’AFPS, car pour­quoi en France ? « je vous laisse devi­ner »...).

Tout est parti de pour­sui­tes judi­ciai­res entamées par plu­sieurs asso­cia­tions déf­endues par des avo­cats « sio­nis­tes » selon l’AFPS. On remar­quera que ces trois avo­cats s’appel­lent Ghozlan, Goldnagel et Markowicz, qu’ils sont juifs et que donc le voca­ble « sio­nis­tes » n’est qu’un cache sexe (un nom de code) pour désigner leurs ori­gi­nes « eth­ni­ques » et non leurs posi­tions poli­ti­ques.

Maintenant intér­essons-nous aux insi­nua­tions antisé­mites de l’AFPS sur la chaîne Carrefour.

Dans son texte inti­tulé « Non c’était à Colmar, pas à Tel Aviv », il est écrit que la LICRA serait une « asso­cia­tion pro-israéli­enne », ce qui cor­res­pond tout à fait au por­trait que fait l’extrême droite de cette asso­cia­tion et à son por­trait de la France comme « Licraisée ».

Quiconque a un mini­mum de culture sait pour­tant que la LICRA (à l’époque la LICA) est née en 1926 – donc bien avant la nais­sance de l’Etat d’Israël – pour déf­endre Samuel Schwartzbard qui venait de des­cen­dre Petlioura un Ukrainien qui s’était « illus­tré » par des pogro­mes pen­dant la guerre civile contre les bol­che­viks. Cette asso­cia­tion a mené cam­pa­gne contre le nazisme dans les années 30, nombre de ses mili­tants ont été rés­istants sous l’Occupation nazie, puis après la guerre elle s’est occupée des res­capés juifs des camps de concen­tra­tion et d’exter­mi­na­tion, a dénoncé l’antisé­mit­isme en URSS et dans les pays de l’Est (antisé­mit­isme que la plu­part des mili­tants de gauche, y com­pris les mili­tants juifs, niaient à l’époque et nient encore), puis le racisme contre les tra­vailleurs étr­angers et les Roms. Réduire la LICRA à une orga­ni­sa­tion « pro-israéli­enne » est donc un men­songe gros­sier et une fal­si­fi­ca­tion his­to­ri­que.

La LICRA n’est pas une orga­ni­sa­tion d’extrême gauche, c’est évident et ses diri­geants ne dén­oncent pas les gou­ver­ne­ments israéliens, mais à ce compte-là pres­que tous les partis et syn­di­cats français et une grande partie du monde asso­cia­tif ne cri­ti­quent pas tous les jours la poli­ti­que colo­nia­liste de l’Etat d’Israël... De plus, l’AFPS ne peut igno­rer la cam­pa­gne de pétition pour l’inter­dic­tion de la LICRA, cam­pa­gne clai­re­ment antisé­mite, impulsée par l’extrême droite et sou­te­nue par Dieudonné.

Mais ce n’est pas le plus grave dans ce texte. Le plus grave ce sont les insi­nua­tions antisé­mites conte­nues dans la phrase « Quant à la raison pour laquelle, ils (les mili­tants de l’AFPS, NPNF) sont pour­sui­vis chez Carrefour et pas pour les actions iden­ti­ques dans d’autres maga­sins, je vous laisse la devi­ner. »

En effet, comme précisé plus haut, il y a déjà un contexte d’insi­nua­tions et de rumeurs antisé­mites sur la viande halal vendue chez Carrefour. De plus il suffit de cher­cher sur Internet (par exem­ple sur bladi.net, sur des blogs de media­part, sur le site fas­ciste défr­an­ci­sation.net, les sites ago­ra­vox, le grand soir, etc.) où se rép­andent le mieux les rumeurs et les affir­ma­tions non vérifiées ou fan­tai­sis­tes et on trouve de nom­breu­ses men­tions du fait que Carrefour serait en partie aux mains des « Juifs » (cf. par exem­ple ce com­mu­ni­qué d’Europalestine qui expli­que que le groupe israélien Koor a investi en 2009 dans Carrefour et possé­derait 3% des parts, ce qui en ferait le second groupe d’action­nai­res).

Le « je vous laisse devi­ner » de l’AFPS ne peut que faire le jeu de l’antisé­mit­isme. Certes cette asso­cia­tion anti­sio­niste ne reprend pas expli­ci­te­ment l’argu­ment des 3% du capi­tal qu’avait avancé Europalestine. Elle ne s’est pas non livrée à une chasse aux noms « juifs » dans les mem­bres du Conseil d’admi­nis­tra­tion de Carrefour, comme cer­tains mili­tants d’extrême droite ont tenté de le faire sur Internet. Mais, à la limite, c’est encore pire, parce qu’elle laisse ses lec­teurs « devi­ner » c’est-à-dire céder à la men­ta­lité cons­pi­ra­tion­niste, au fameux « socia­lisme des imbé­ciles » qui prospère chez cer­tains anti­sio­nis­tes de gauche et chez beau­coup de mili­tants de gauche et d’extrême gauche.


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