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Bientôt, un Erdoganistan près de chez vous - la censure turque

posté le 09/04/16 par Daniel Fleury Mots-clés  répression / contrôle social  antifa  veiligheids / terrorisme 

Nous avions parlé dans un article récent de la « tente Erdogan », un Erdoganistan au pays de la frite, réaction « anti terreur », à l’initiative d’ultra nationalistes soutenus par des édiles locaux en mal de voix dans les communautés où le « döner » est roi des Belges.

En élargissant le sujet, et en le liant à diverses attaques, verbales, virtuelles ou physiques, qui se développent contre le mouvement kurde dans la diaspora, sur fond de « lutte contre le terrorisme » ici, je m’interroge sur les convergences politiques qui se tissent.

La présence en Europe de « représentants activistes » du gouvernement turc n’est pas une nouveauté. Le financement des « associations » dites culturelles, qui en réalité sont des officines du régime à l’étranger, n’est pas non plus une pratique originale pour la Turquie. Elle y est même en compétition avec le Maroc, bien souvent, autour de cagnottes et de projets de constructions de lieux de cultes dans des villes de Province en France et ailleurs.
Ce qui devient par contre plus inquiétant, c’est l’exportation, par ces mêmes canaux, de la politique de censure, d’intimidation, et d’empêchement de la liberté d’expression qui règne en Turquie.

Le régime ne se limite pas à financer une bigoterie communautariste, ni a promouvoir une vitrine touristique, mais amplifie ici la division qu’il fait régner là bas.
Nous avions eu l’exemple, lors de la « tournée » du Erdogan show en octobre 2015, de ce que pouvaient mobiliser des réseaux organisés. Le meeting de Strasbourg était à cet égard éloquent.

Même si nous ne sommes pas dans ce que furent des pratiques occultes d’assassinats commandités contre des responsables politiques kurdes, qui n’ont jamais été réellement mises à jour, la façon dont se radicalisent et se mobilisent des fractions nationalistes turques, sous couvert d’associations, avec une stratégie anti kurde ouverte, dans différents pays européens, doit nous interroger.

Ces fractions politiques, capables de s’organiser lors d’initiatives comme un Erdogan show, ou de faire le coup de main contre des rassemblements kurdes, voire récemment « incendier » et détruire les lieux de rassemblements qui protestaient contre la guerre au Kurdistan nord à Bruxelles, ne renaissent pas par hasard. Elles sont réactivées dans la jeunesse turque, et ont notamment été le support des campagnes électorales de novembre 2015 pour le vote AKP.

Les récents accords UE/Turquie vont également leur donner des ailes à plus d’un titre.

Les négociations en cours sur les « visas » sont un argument majeur pour les nationalistes. Ils affirmeraient la possibilité d’être à la fois contre l’immigration et pour la défense de l’unité nationale turque, et son identité islamo conservatrice, tant en Turquie, que dans la diaspora européenne. On peut craindre que ces communautés ne rejoignent les tenants du repli identitaire à leur manière, se considérant désormais comme « protégées » et soutenues. Et si le FN en France n’a pas encore franchi le pas, son racisme évident l’emportant encore, comme le démontre l’intervention récente de leur responsable au Parlement européen, cela ne saurait peut être tarder. On verra comment Pegida s’emparera aussi du sujet.
La mégalomanie du Sultan, qui a récemment demandé le « retrait » d’une vidéo gag le concernant en Allemagne, issue d’une émission de divertissement, montre à quel point il défend et défendra son « image », qu’il assimile à celle de la Turquie, et fera le nécessaire pour cela. Et ses bras ont fâcheusement tendance à s’allonger en Europe.
On peut parier que, dans le bel échange financier sur les « réfugiés », quelques millions s’égareront pour la protection de « l’identité nationale turque » à l’étranger. l’Euro n’a pas d’identité.

Ce qui est le plus préoccupant, c’est que dans le cadre de ces rencontres, ait été mis en place un processus de coopération policière à différents niveaux, qui va dépasser de loin le simple échange de renseignements. Là encore, on peut s’attendre à un laxisme plus développé à l’encontre de « bavures » possibles de services turcs « contre la terreur », qui officient ici. Les mouvements politiques kurdes, déjà sous surveillance, peuvent renforcer la leur.

Les dérives néo-pétainistes en France, à droite comme à grôche, s’accommodent volontiers de ce discours d’unité nationale turc contre la « terreur ». Il sert à justifier toutes les « bonnes collaborations » comme disait Valls.

C’est dans cet état d’esprit que se remobilise ici l’ultra nationalisme bigot turc.

Le but est double. Il s’agit à la fois de maintenir « l’image » de la Turquie en Europe, commerce et tourisme obligent, et de promouvoir la politique du Sultan, en empêchant que des solidarités ne se tissent avec ses opposants, et principalement les Kurdes, tout en rassurant diplomatiquement.
Le régime turc, en partie marginalisé comme puissance régionale, dans la tentative de résolution de la guerre en Syrie, tout comme l’Europe d’ailleurs, s’allie donc, même si c’est dans un processus de chantage, avec ceux qui se retrouvent avec lui plus golfeurs qu’iraniens. Les mêmes sont diplomatiquement en froid avec la Russie, ça tombe bien.
Faire oublier les connivences avec Daech, en rappelant le soutien commun à Al Nostra, Syriens libres, comme chacun sait, fait également désormais partie de l’identité commune « anti terroriste » de façade entre l’UE et la Turquie. Faire aussi en sorte que l’aide logistique aux Kurdes de Syrie se tarisse (et c’est pratiquement le cas), fait partie des priorités. Mais cela, c’est tout un travail diplomatique.

Un autre des terrains de chasse est désormais le web.

Les petites mains du web, elles, ont une autre tâche : empêcher l’expression large des opposants de la diaspora, du mouvement kurde, et de ses possibles soutiens. Je ne parle pas bien sûr de soutiens opportunistes de « drôche », toujours en mal d’électoralisme communautaire eux aussi, mais bien de soutiens d’opinions publiques.
Et l’argument massue, c’est celui du classement sur la liste « terroriste » du PKK. Maintenant que ce classement a été réitéré par différents représentants d’Etats et de gouvernements européens, la loi d’Erdoganistan peut donc s’appliquer. Tout opposant à l’unité ultra nationale turque est un terroriste, et doit donc être combattu comme tel. Gageons que cet argument séduit ici nos urgentiers d’Etat.

Il séduit aussi visiblement les patrons de certains réseaux comme Facebook, qui laissent volontiers prospérer des groupes de « dénonciateurs », et tranchent systématiquement en leur faveur ces derniers mois, en censurant un à un l’expression des soutiens kurdes les plus développés.
Il en va sans doute aussi des intérêts financiers de ce réseau, qui a subi quelques censures à répétition lors de suites d’attentats en Turquie, et qui tient à un marché de dizaines de millions de membres.
Nous avons même, en ce qui nous concerne, un harcèlement permanent visant à réduire la publication de nos billets sur leur réseau, via pages dédiées. Les dénonciations étant anonymes, et le facebook aussi communiquant qu’un robot muet, nous ne pouvons que comprendre la colère de celles et ceux qui voient une à une leurs « pages » être censurées. Pour l’instant, touchons du bois.
Les informations sur la Turquie, quand elles sortent des canaux officiels, deviennent donc pornographiques et susceptibles d’être censurées pour « proximité terroriste ». Facebook, dans son langage robotisé, appelle ça « activités suspectes ». Nous lui laissons la responsabilité de cet « algorithme ».

Nous pouvons affirmer que nous ne sommes qu’au début d’un processus qui, si on en croit les votes apeurés de sénateurs transis qui se font en ce moment, ne va pas aller en s’arrangeant sur le web.
Renseignez vous, et vous comprendrez que nous n’aurons bientôt rien à envier en la matière, aux procédés en vogue outre atlantique, sur le noyautage du web. Un Erdoganistan sur Seine.
Ajoutons à cela ce qui a pris l’appellation de Aktrolls, et vous aurez l’idée de ce que pourront subir vos médias alternatifs préférés qui traitent de la Turquie et du Kurdistan, même en page culture.

Ne vous inquiétez pas, il restera les médias mainstream et « officiels », que tant aiment partager jusqu’à plus soif sur les réseaux, tant ils (elles) ont confiance en l’emballage et au marketing « vu à la télé ».

Et puis, Constance, elle, sera toujours là, fidèle au « poste », pour donner les nouvelles du Erdoganistan.

Il y a encore fort heureusement des pages encore actives sur facebook, en commençant par la nôtre, pour celles et ceux qui ne la connaissent pas. Soutenez les, partagez leurs publications régulièrement sur vos réseaux préférés, faites les connaître. Vous participerez à notre modeste échelle, à bloquer la diffusion d’un ultra nationalisme qui commence à se sentir si bien chez nous.

(Et comme je ne veux pas faciliter la tâche des Aktrolls en vous fournissant la liste, je ne donnerai malheureusement pas les liens. Ils commencent aussi tous par K. Et nous en partageons régulièrement des publications sur notre propre page).


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