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Bruxelles : La lutte sociale, fond de commerce des syndicats en campagne

posté le 31/01/20 par lameute.info Mots-clés  luttes sociales 

Mardi matin, entre 15.000 et 20.000 personnes ont convergé à Bruxelles pour répondre à l’appel à la mobilisation nationale de la FGTB (Fédération Générale du Travail de Belgique). Le syndicat socialiste, deuxième fédération syndicale belge après la CSC (Confédération des Syndicats Chrétiens), entend faire pression sur la future formation gouvernementale et exige "une sécurité sociale renforcée et justement financée" selon leurs termes. Dans un climat politique et économique enclin à l’anéantissement progressif des acquis sociaux, nombreux.ses sont les travailleurs.ses inquiets.es de leur avenir. Ainsi, représentants.es des métiers de la santé, des transports, de l’enseignement ou encore de l’aide à domicile ont battu le pavé à l’unisson, entre la gare du Nord et du Midi. Cependant, cette « journée d’action » orchestrée par la FGTB cachait un autre dessin ; celui de la préparation anticipée des élections sociales qui doivent se tenir entre le 11 et le 24 mai prochain.

Les injustices sociales au pilori

Lassé.es d’être toujours plus précarisé.es par des politiques néolibérales et la flexibilisation du marché du travail portées par le gouvernement sortant, des femmes et hommes de toute la Belgique ont décidé d’élever la voix. D’ici 2024, le déficit de la sécurité sociale devrait attendre plus de 6,4 milliards d’euros, impactant sérieusement les pensions, les allocations chômage ou encore le remboursement des soins de santé. Pire encore, le « tax-shift », tour de passe-passe fiscal mis en place par le Gouvernement Michel en 2015 aurait creusé ce déficit en bénéficiant à quelques entreprises à hauteur de 3 à 4 milliards d’euros. Voilà de quoi donner le tournis à des travailleurs.ses dont les revenus n’ont cessé de baisser depuis 2014 et sont aujourd’hui en attente de décisions politiques fortes. Côté égalité Femmes-Hommes et pour l’année 2019, l’écart salarial annuel était de 23,7% en prenant en compte la répartition inégale de la durée du travail. Ce chiffre encore très élevé soulève beaucoup d’inquiétudes, notamment en vue de la progression des partis d’extrême-droite dans le pays. Cette manifestation est alors apparue comme l’occasion rêvée de briser le silence, sur un parcours qui a côtoyé les façades de la Banque Nationale de Belgique, du PS (Parti Socialiste) ou encore du PTB (Parti du travail de Belgique).

Un appel stratégique et électoraliste

Seulement voilà, si les syndicats s’époumonent à dénoncer l’inaction et l’opportunisme politique, ils se vautrent volontiers dans un mimétisme accablant. Alors que la FGTB se rêve en remède à la détresse sociale, le syndicat n’en reste pas moins coupable de vouloir faire jouer la concurrence en instrumentalisant la lutte. Et pour cause, les élections sociales arrivent à grand pas.

En rinçant la foule de goodies à ses couleurs comme en prenant l’initiative de couvrir les participants par une indemnité de grève, les socialistes cherchent en réalité à s’imposer comme la force syndicale la plus apte à prendre des initiatives, dans l’espoir de dépasser son adversaire libéral.

Sur son parcours, la manifestation a d’ailleurs parfois des allures de vente à la criée. A la sortie du boulevard de Berlaimont, des membres du PTB tentent de rallier la foule en promettant une augmentation des pensions à 1.500 euros net. Quelques mètres plus loin, le bus de la FTGB à l’apparence d’un School Bus américain mais socialiste (car peint en rouge), fait grand effet auprès du public. A l’approche du siège du PS, sur le boulevard de l’Empereur, un petit groupe de manifestant.es semble ne pas avoir été dupé par la mascarade du jour. En visant la façade, ils scandent : « P comme pourris, S comme Salauds, à bas le Parti Socialo ! », ou encore : « Ni Dieu, ni maître, ni social traîtres ! ».

Au même moment, la CSC qui n’a pas souhaité prendre part à l’événement orchestré par la concurrence, menait une action symbolique à Liège. Sur cinq ponts sont accrochées des banderoles portant des inscriptions telles que : « La sécurité sociale, un investissement dans l’humain » ou encore « La sécurité sociale, une protection de la maternité à la pension ». Dès le lendemain, la CSC répond aux organisateurs.rices la manifestation par un visuel diffusé sur les réseaux sociaux. On peut y lire : « La Sécu, nous, c’est chaque jour que nous la défendons ! ». C’est donc au détriment de celleux qui en pâtissent réellement, que les syndicats ont décidé de se mener une guerre d’image.

Soucieuse de l’accaparement de la question sociale par la FTGB, la CGSP (Centrale Générale des Services Publics) de Bruxelles avait diffusé une motion le 22 janvier estimant « qu’une telle campagne aurait mérité une préparation plus ambitieuse et une forte mobilisation afin de créer un rapport de force suffisant (...) », n’ayant été prévenue de la mobilisation seulement deux semaines auparavant. L’intéressé a donc préféré la jouer solo, et tant pis pour la cause.

Au terme de la manifestation, les participant.es se rassemblent sur l’Esplanade de l’Europe aux alentours de 13h. Sur une scène installée pour l’occasion, le président de la FGTB Robert Vertenueil se targue d’un discours qu’il veut fédérateur. D’autres intervenant.es lui emboitent le pas avant que cette demi-journée de mobilisation ne s’achève, sans suite prévue.

A l’issue de cette action, une certaine amertume se fait sentir. Comme le rappelle très bien l’UCL de Bruxelles (Union Communiste Libertaire) sur leur page Facebook : « La sécurité sociale n’est pas subitement en danger, elle est en réalité volontairement détricotée depuis des décennies par les politiques néolibérales (…). (...) Les gestionnaires syndicaux font mine de s’insurger contre la menace qui pèse sur la Sécu alors que cela fait autant d’années que (…) les dirigeants syndicaux restent passifs voire accompagnent les politiques néolibérales. ». La Sécu a bon dos quand il s’agit de se dresser en brave défenseur face à la concurrence. Elle n’est en réalité, pour ces syndicats, qu’un prétexte grossier, qu’un outil de persuasion électoraliste et sans véritables fondements. C’est ici une vulgaire instrumentalisation des luttes sociales, occultant celleux qui se battent au quotidien dans le réel, tout comme celleux qui en souffrent. Voilà bien une preuve que ces combats n’appartiennent pas aux syndicats, avares et en crise de représentativité, mais bien au peuple lui-même. Si des bouleversements sociaux sont à attendre, c’est par la base des travailleurs.ses qu’ils se feront et non à travers le porte-voix de dirigeants syndicaux. Vive les luttes sociales ! Vive les travailleurs.ses ! Vive la Sécu !





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