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"C’est à toi de choisir entre la vie ou la mort !."NL,FR,ENGL

posté le 12/11/13 Mots-clés  action  luttes sociales  répression / contrôle social  No Border  sans-papiers 

http://www.gettingthevoiceout.org/cest-a-toi-de-choisir-entre-la-vie-ou-la-mort/

Témoignage écrit d’une dame expulsée le 06 octobre 2013

Depuis le centre fermé de Bruges, le matin du 06 octobre, tout était terrible. Pas de petit déjeuner comme d’habitude et c’est fait exprès pour moi, pour que je sois le plus faible possible. Tout démontrait comme si j’allais passer à la chaise électrique et je n’avais pas tort. Je suis arrivée à l’aéroport de Zaventem la peur au ventre. Onze policiers fédéraux m’attendaient. Aucune minute n’était à perdre, tout était chronométré. Les propos que j’entendis ce dimanche 06 octobre 2013, jamais je ne les oublierai, quoi que je fasse, et ces visages ne s’effaceront jamais de ma tête .

« Tu ne retourneras plus au centre aujourd’hui » me dit l’un des policiers fédéraux et d’en conclure : « c’est fini pour toi. » C’est à toi de choisir entre la vie ou la mort en restant calme dans l’avion ; de toute façon, nous avons reçu des ordres. Ce sera un jour vraiment cruel pour toi que tu ne seras pas près d’oublier. Nous avons réservé des places sur toutes les compagnies pour toi et les 3 agents de l’escorte qui iront au Togo avec toi continua-t-il. Tu sors d’un avion, et on te remettra dans un autre. Même si tu dois passer deux jours ici à l’aéroport de Zaventem, on le fera ; mais c’est décidé tu retournes au Togo aujourd’hui morte ou vivante et cela ne sera pas négociable. Calmement je demandai la permission d’appeler mon avocate. Finalement, un des policiers fédéraux revient avec un laissez-passer, je pensais y voir le drapeau de mon pays ou du moins la signature et le nom de l’ambassadeur du Togo en Belgique mais non j’y ai plutôt vu le logo de l’Union Européenne. Je me disais dans ma tête ils m’expulsent vers l’Afrique à ce que je sache, ou bien peut-être qu’ils m’amènent faire le tour de l’Europe.

En me rhabillant après la fouille, deux policières me mettent une couche Pampers parce que j’aurais fait pipi sur moi dans l’avion lors de ma dernière tentative d’expulsion. Faire pipi sur moi dans l’avion m’aurait servi à quoi leur demandai-je ?

L’expulsion

Propos de S à l’aéroport de Lomé au chef de l’escorte : « Vous m’avez ligotée avec votre soi-disant « ceinture française » et il m’était impossible de marcher toute seule ; vous me souteniez et vous étiez deux à le faire ! Et une fois dans l’avion, cela ne vous a pas suffi de me ligoter ; vous entrelaciez vos pieds contre les miens pour m’immobiliser et vos mains autour des miennes déjà ligotées de part et d’autres du bras des sièges de l’avion. Et le plus horrible c’est mon cou (partie du corps pourtant sensible) mais de toutes vos forces et c’est bien vous monsieur lui dis-je, précisément qui m’avez tenu la tête inclinée vers le bas par l’une de vos mains ; tout cela pour que mes paroles, mes cris, mon histoire et votre enlèvement ne parviennent pas aux passagers qui seraient curieux de voir ce qui se passe et verraient par la même occasion la façon dont vous m’avez ligotée. Votre objectif c’est de maitriser mon cou vers le bas, pour que les passagers ne puissent pas voir l’animosité et la bestialité avec laquelle vous me traitiez. C’est atroce ! Vous étiez onze à monter dans l’avion avec moi et il a fallu qu’une hôtesse vous dise que “les passagers vont commencer à monter ; seuls ceux qui voyagent avec elle peuvent rester dans l’avion”. Mais dès que j’ai commencé à dire que vous m’attachez et que d’ailleurs vous m’avez enlevée, le reste de vos agents sont encore remontés dans l’avion pour empêcher les passagers de prendre des photos et de filmer la scène. Et le commissaire de l’aéroport aussi était là et c’est lui qui disait aux passagers “ce n’est pas vrai ce qu’elle dit, elle fait tout ça pour attirer votre attention”. Même une hôtesse a réagi en s’approchant tout doucement de lui et en parlant tout bas : (et cela m’a fort surprise) « elle dit qu’il y’a une plainte en cours et que vous l’avez enlevée pour ne plus donner suite à cette plainte. Si ce qu’elle dit est vrai, vous n’avez pas le droit ». Et vous avez tous répondu que ce n’est pas vrai, que je racontais du n’importe quoi parce que je ne veux pas rentrer chez moi.

Et, vous êtes allés loin cette fois-ci ; les passagers qui prenaient ma défense et qui trouvaient vos méthodes dégueulasses, et qui réclamaient que vous me fassiez sortir de l’avion, c’est plutôt eux que vous avez fait sortir de l’avion. Une hôtesse est revenue vers vous et a dit : « c’est bon, les passagers qui faisaient du bruit, on les a fait descendre, ceux qui sont là ne devraient plus normalement poser de problèmes. Bientôt on fermera les portes ». Je pouvais y laisser ma vie !

Le 06 octobre, j’ai encore vu et réalisé comment quand l’office anti étrangers s’acharne contre une personne, combien il est prêt à être illégal sur tous les plans, à tricher, à ne tenir compte d’aucune règle ni loi ; la fin étant de me renvoyer dans mon pays ; morte ou vivante. Ils ne se donnent aucune limite et c’est assez dommage. L’office des étrangers nous taxe d’illégaux mais tout ce qu’ils m’ont fait ce dimanche 06oct 2013 est bien plus illégal.

À Lomé

Je suis arrivée à Lomé (Togo) à 3h27mn du matin heure locale, une escorte composée de trois agents dont (2 hommes et 1 femme) m’a ramenée. Une fois dans le hall de l’aéroport international de Lomé et au niveau de l’enregistrement, un officier de police togolais chargé de l’enregistrement voyant que je souffrais, se leva de son poste, s’approcha de moi et me posa la question suivante : que s’est-il passé ? Je gardais toujours silence. J’avais très peur, peur qu’il me défère directement en prison vu que mon passeport était expiré. Il insista en disant : « avant de laisser partir ton escorte, j’ai besoin de savoir d’où proviennent tes douleurs car c’est à peine si tu arrives à bouger le cou ». Faiblement je lui ai montré les marques de coups et blessures sur mes deux avant-bras. Choqué et dépassé, il se tourna vers les 3 agents de l’escorte en leur disant : je comprends que vous puissiez l’expulser de votre pays mais de là à l’abimer de la sorte je suis consterné par vos façons de faire. Ce n’est pas une poubelle chez nous où vous pouvez vous permettre de violenter et de traumatiser les concitoyens et venir les déverser ici ; continua-t-il sèchement. Je serai obligé de confisquer vos passeports leur dit-il. Vous amenez la dame dans un centre hospitalier pour qu’on la soigne ou alors vous retournez avec elle en Belgique dit l’officier de police.

Moi, je n’en revenais presque pas, enfin quelqu’un ose parler… quelqu’un leur dit la vérité en face, qu’ils n’ont pas ce droit là, qu’ils n’ont le droit de violenter qui que ce soit. Conduisez-la à l’hôpital. Un agent de l’escorte, probablement le chef de mission, ouvre son cartable et en sort une fiche médicale qu’il tend à l’officier de police en disant : « un médecin l’a consultée et elle est en pleine forme. » Et, l’officier de police lui répond sans jeter un coup d’œil sur la fiche médicale : à quel moment l’a-t-on consultée ? Le chef de mission répond : au pied de l’avion (pur mensonge) me suis-je dit tout bas.

.Plus tard quand je lus la fiche médicale en question, j’ai vu qu’elle datait du 04 octobre alors que je suis arrivée à Lomé le 07 Octobre et aucun médecin ne m’avait examinée ni au centre le matin même, ni au pied de l’avion comme l’escorte l’affirmait.

L’escorte sentant que l’officier de police était vraiment décidé pour qu’ils m’amènent à l’hôpital, fouille dans ses poches en disant à l’officier de police on va vous remettre de l’argent. Vexé, l’officier de police togolais leur répond : « je n’ai pas besoin de votre argent et ce que je vous réclame depuis 40mn déjà n’est rien d’autre que des soins pour cette dame que vous avez sans aucun doute violentée ; sinon vous n’auriez pas cherché à me corrompre. C’est terrible ce que vous faites vous savez ? » . Je comprends que vous puissiez l’expulser mais dans des conditions pareilles c’est inconcevable, inadmissible et démentiel ! conclut-il. Je travaille ici au Togo au service immigration et je sais ce dont vous êtes capables.

le chef de mission de l’escorte baisse d’un ton et dit : « voulez-vous qu’on vous montre avec quoi on l’a attachée » ? C’est une ceinture et il sort la ceinture de sa valise, c’est une ceinture française continua-t-il. Enervée, je n’ai pas pu me contenir :

C’est vrai ! La violence était si forte que votre chaussure a éclaté et vous étiez obligé de changer de chaussures avant qu’on arrive à Casablanca. Vous en riiez tous trois au lieu d’en pleurer. Vous étiez même prêts à m’ôter la vie et pour quelle raison : la perte d’un titre de séjour ou l’absence de titre de séjour ?

L’officier de police complètement désarçonné prend la parole, elle est quand même rentrée légalement en Belgique, j’ai vu le visa dans le passeport et vous nous la ramenez dans cet état ? C’est indigne d’un Etat de droit comme la Belgique. Bruxelles qui nous donne des leçons de conduite post électorale et de droits de l’homme, Bruxelles qui s’indigne de la violence post électorale au Togo…,de ce même Bruxelles, nous revient une compatriote complètement amochée, abimée, violentée et traumatisée ? Je n’arrive pas à le croire dit l’officier de police. C’est hallucinant ! Avec tout le respect que je vous dois, et d’un ton ferme il leur dit de nouveau soignez-la ou vous retournez avec elle en Belgique pour la soigner et il s’en alla vers son poste où il me fit asseoir. Le chef de mission revient vers nous et dit : je serai obligé de contacter notre ambassade ici qui se chargera de tout ça.

La consule honoraire de Belgique au Togo arriva à l’aéroport international de Lomé aux alentours de 6h00 heures locale. Elle se présente et dit qu’elle se porte garante pour m’amener a l’hôpital.

A 6h20 min précisément, nous arrivions chez le médecin de l’aéroport international de Lomé avec la consul et l’officier de police. Le médecin de l’aéroport me reçoit et me consulte et me renvoie vers un médecin gynécologue et un médecin traumatologue pour des soins plus appropriés.

Un gynéco parce que lors de la fouille, une policière fédérale a introduit son doigt dans mon vagin ; elle portait un gant en latex. Je me demande bien ce qu’elle cherchait là.

C’est un traitement inhumain et dégradant qui dépasse mon entendement.

Quelques minutes plus tard, nous sommes amenés à la gendarmerie nationale togolaise avec la consule. Là je fus entendue. J’ai déposé encore plainte contre les trois policiers fédéraux de l’escorte dont je connais désormais les noms pour récidive.

Les 3 agents de l’escorte seront convoqués le lendemain matin à la gendarmerie nationale togolaise pour leur déposition.

Mille et une question fusent dans ma tête, faut-il autant gaspiller de l’argent pour expulser un seul individu alors que si la personne était dans le pays elle n’en coûterait pas autant ? J’ai vécu presque 6 mois dans le centre fermé de Bruges où j’ai coûté une somme d’argent impressionnante par jour à l’Etat belge. A quoi sert tout ce gâchis ? L’objectif de l’expulsion est-il d’appliquer la loi au point de perdre les valeurs qui régissent tout un état de droit comme la Belgique ? J’ai une copine dans le centre fermé de Bruges qui a l’habitude de dire : « Si un homme est jugé illégal sur terre, où est donc sa place ? »


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