Salut compagnons et compagnonnes,
Nous vous écrivons ces quelques mots pour vous exprimer notre solidarité face à ce que vous vivez en ce moment. Que ces barbouillages aient été peinturlurés par quelques radicaux ou radicales qui jugent que le refus d’employer le terme « islamophobie » est le signe irréfutable d’un racisme larvé, ou par quelques barbouzes vengeresses de votre incursion il y a quelques semaines à l’école Montessori [1], ou encore par quelques fafs cherchant à foutre le dawa… ne change rien au fait que depuis plusieurs mois l’air devient irrespirable dans le « milieu radical » lorsque l’on évoque sa réticence à déployer les modèles conceptuels issus des théories post-coloniales. Que ce soit celui « d’islamophobie » ou ceux de « racisé » ou de « races sociales ».
Quelques remarques toujours, cette fois sur votre texte de réponse qui a suivi ces premiers « exploits ». Que nos gribouilleurs et gribouilleuses soient jeunes ou vieux et vieilles, qu’ils ou elles soient veules ou courageux et courageuses, ne change pas grand chose à l’affaire. Ce qui est clair, c’est qu’en bien des lieux et des circonstances, il semble devenu très complexe qu’un discours critiquant l’usage des termes « islamophobie », « racisé » ou « race sociale » dans le milieu militant « libertaire », « marxiste antiautoritaire » ou « autonome » ait droit de citer sans être immédiatement taxé de raciste. Il ne s’agit pas pour nous ici de se solidariser pour soutenir une quelconque liberté d’expression, ni de stigmatiser l’utilisation de « l’attaque » de manière abstraite, encore moins de demander que nos peintres en bâtiments se dénoncent ou soient balancés, mais juste de dénoncer les tentatives d’intimidation dont vous êtes l’objet et les étranges rapprochements qui semblent s’opérer entre une partie du milieu radical et certains groupes pro-religieux et/ou « indigénistes » [2]. Oui, contrairement à ce que veulent nous faire accepter certains et certaines « camarades », il nous apparaît à nous aussi légitime et même salutaire de questionner la lecture qu’ils et elles opèrent en ces termes. Et ce n’est pas intérioriser des réflexes racistes ou post-coloniaux que de réfuter cette analyse. Pourquoi est-il à notre avis légitime de refuser d’employer les termes « islamophobie » , « racisé-e » ou « race sociale » ?
Dans son récent ouvrage, dont le titre est un programme à lui seul, Les blancs, les juifs et nous, Houria Bouteldja écrit : « La critique radicale du patriarcat indigène est un luxe. Si un féminisme assumé devait voir le jour, il ne pourrait prendre que les voies sinueuses et escarpées d’un mouvement paradoxal qui passera obligatoirement par une allégeance communautaire. Du moins aussi longtemps que le racisme existera », et plus loin « En Europe, les prisons regorgent de Noirs et d’Arabes, les contrôles au faciès ne concernent pratiquement que les hommes et ils sont les principales cibles de la police. C’est à nos yeux qu’ils sont diminués. Et c’est bien nous qu’ils tentent désespérément de reconquérir, souvent par la violence. Dans une société castratrice, patriarcale et raciste (ou subissant l’impérialisme), exister, c’est exister virilement. « Les flics tuent les hommes et les hommes tuent les femmes. Je parle de viol, je parle de meurtre », dit Audre Lorde. Un féminisme décolonial ne peut pas ne pas prendre en compte ce « trouble dans le genre » masculin indigène car l’oppression des hommes rejaillit immédiatement sur nous. Oui, nous subissons de plein fouet l’humiliation qui leur est faite. La castration virile, conséquence du racisme, est une humiliation que les hommes nous font payer le prix fort. En d’autres termes, plus la pensée hégémonique dira que nos hommes sont barbares, plus ils seront frustrés, plus ils nous opprimeront. Ce sont les effets du patriarcat blanc et raciste qui exacerbent les rapports de genre en milieu indigène. C’est pourquoi un féminisme décolonial doit avoir comme impératif de refuser radicalement les discours et pratiques qui stigmatisent nos frères et qui dans le même mouvement innocente le patriarcat blanc ». D’où, toujours dans le même ouvrage : "Si une femme noire est violée par un noir, c’est compréhensible qu’elle ne porte pas plainte pour protéger la communauté noire." En clair, face au patriarcat qui sévit chez les « frères », il faut que les sœurs ferment leur gueule, comme jadis chez les staliniens et les staliniennes il fallait que les femmes de prolos refusent la contraception et l’avortement [5]. Outre que pour le PIR la lutte des « races sociales » se substitue à ce qu’était la lutte des classes pour les ouvriéristes, c’est-à-dire le conflit central de nos sociétés, c’est également une logique avant-gardiste reproduisant le pire léninisme qui s’exprime dans ses pratiques. C’est parce qu’elle se considérait comme la représentante des indigènes de banlieues qu’Houria Bouteldja refuse, dans de nombreux communiqués, de dénoncer l’homophobie et le sexisme qui y sévit, comme dans bien des franges de la société. En substance, ça donne à peu près : les banlieusards et banlieusardes ne sont pas prêts pour ses positions, et comme je les représente, je dois mettre de côté ces positions… Bref, on est dans la plus pure tradition politicienne. C’est d’ailleurs avec les mêmes visées politiciennes qu’Houria Bouteldja structure sa position sur Dieudonné. Dans un entretien pour la revue Ballast, notre porte parole autoproclamée peut ainsi nous dire : « Derrière la convergence, il y a un présupposé universaliste, lui-même fondé sur l’idée qu’il y aurait des oppressions universelles et qu’il faut donc s’en émanciper. » et de poursuivre « Il y a des priorités. Nous devons d’abord exister pour nous mêmes et construire notre propre espace. Notre choix premier est de toujours parler aux Indigènes, de ne pas perdre le fil avec nous-mêmes — en particulier quand nos alliés nous somment de condamner Dieudonné… Ce sont des positions très dures à tenir quand on pense aux deux pôles entre lesquels nous sommes pris : d’un côté, les Indigènes sociaux qui sont très sensibles, par exemple, aux questions relatives à Dieudonné, que certains voient comme un héros, un résistant ; de l’autre, nous avons construit un système d’alliances avec certains milieux de gauche pour qui Dieudonné est un fasciste. Quand nous devons sacrifier l’un de ces pôles, c’est celui des Blancs que nous sacrifions ». Au confusionnisme, cette vision ajoute la domination Politique, celle qui décide de parler au nom d’une classe, d’une race, d’un peuple, d’un genre.
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Par contre, si notre solidarité va à la Discordia, nous ne ferons pas le raccourci qui voudrait que ceux et celles qui parlent d’islamophobie ou de racisé-e-s soient tous et toutes des « théophiles » qui renoncent à toute critique du religieux, ou qu’ils et elles soient tous et toutes des « racistes ». Et ce pour des raisons essentielles.
Tout d’abord, parce que l’analyse que portent certains et certaines camarades qui réfléchissent et agissent à partir du concept d’islamophobie s’appuie sur certains constats justes. Les musulmans et les musulmanes de France subissent effectivement un racisme. En effet, s’il n’existe pas de religion des opprimée-s et que la religion opprime, il existe bien un racisme anti-musulmans et musulmanes [9] qui frappe d’ailleurs de nombreuses personnes qui ne sont pas musulmanes. Ce que nient à notre avis nullement au passage les compagnons et compagnonnes de la Discordia. Ce racisme quasi ancestral, souvent alimenté par l’imaginaire colonial et post-colonial, gagne singulièrement en virulence depuis quelques années. Ce racisme doit être dénoncé sans complicité avec le fait religieux, pour ce qu’il est. Les perquisitions et les assignations à résidence qui sont tombées plus rapidement que les décisions des Etats pendant la COP21 frappent majoritairement ces populations musulmanes et celles et ceux qui sont assignée-s à cette identité. De nombreuses perquisitions se font comme à la belle époque sur dénonciation. Et le racisme policier s’y exprime dans toute son étendue. Ce racisme policier ne s’exprime d’ailleurs pas uniquement contre les supposé-e-s musulmans et musulmanes. Dans ce contexte chacun et chacune d’entre nous peut être amené à faire des raccourcis et des erreurs. Mais ces erreurs ne peuvent être dénoncées pour ce qu’elles ne sont pas.
Ensuite, l’anticléricalisme et une laïcité toute fictive [10], servent aujourd’hui de cache-sexe à la vieille idéologie raciste de l’extrême droite. Ce sont même des transfuges du chevènementisme comme Paul-Marie Couteaux et Florian Philippot, ou par ailleurs Riposte Laïque et Zemmour qui restructurent ce nouvel angle d’attaque raciste. Certains comme Onfray pour ne citer que lui s’appuient sur une lecture anticléricale ou sur la laïcité pour masquer un racisme latent et son rapprochement de la théorie du choc des civilisations. Radio Libertaire s’est elle-même fait piéger il y a quelques années en invitant Riposte Laïque sur son antenne. Onfray qui s’est rapproché d’ Alain de Benoist et de sa revue Elément [11] à qui il a accordé récemment une interview et de E.Zemmour avec lequel il a tenu un débat public à Nice, en est à défendre une gestion "diplomatique" (sic !) du choc des civilisations. Négocier avec le Calife Ibrahim le chacun chez soi. Cette nouvelle rhétorique des racistes ou des adeptes des théories du choc des civilisations rend plus complexe la tenue d’un discours antireligieux qui vise l’islam.
Les collectifs et camarades qui privilégient à l’heure qu’il est la lecture décoloniale et/ou déconstructiviste, ne refusent pas tous et toutes la lecture anticléricale. C’est que leurs protagonistes ne souhaitent pas mettre en avant cette approche face à la montée de ce qu’elles et ils nomment « islamophobie », et face à l’instrumentalisation de la laïcité à des fins racistes. Ce qui nous semble une erreur même si objectivement la situation est des plus délicates.
Dans cette période extrêmement confuse, la nouvelle droite par le développement de la théorie ethno-différentialiste a remodelé le racisme en une théorie plus discrète mais tout aussi porteuse d’essentialisation et de naturalisation des rapports de domination. Ces derniers l’ont emporté sur le terrain Gramscien de l’hégémonie culturelle [12], et les mots même que le mouvement radical emploie recouvrent des réflexes "identitaires". En offrant un statut singulier au ou à la racisé-e avant même que celui ou celle-ci ne s’empare de manière autonome d’une non-mixité, réponse à une oppression ressentie ou réelle, on leur détermine un statut à part. C’est ainsi qu’en parlant de « racisé-e-s », on « racialise » ceux et celles qu’on entend défendre, ou avec lesquels on cherche à nouer une solidarité et à construire une égalité. Le fait même que la situation nous impose une prudence sémantique et stratégique pour ne pas être assimilé à la logorrhée raciste en dit long sur la défaite culturelle que nous subissons.
L’important est donc bien d’opposer à cette hégémonie un discours révolutionnaire qui ne recule sur rien, et qui soit clair.
Sans Dieu, sans Maître.
Cependant, ces réflexes d’une partie du milieu ne sont pas portés par les mêmes intentions que celles d’un Onfray, d’un de Benoist ou d’un Soral. On ne peut donc pas réduire cette approche au racisme ripoliné de de Benoist ou d’une défense des « lumières » à la sauce Onfray. Dénoncer le danger des raccourcis du discours dé-colonial et déconstructiviste portés par une partie du milieu, questionner comment s’appuyer sur les identités dominées risquent de faire resurgir des réflexes « identitaires », éclairer les dérives gauchistes parfois à l’œuvre pour ce qu’elles portent, ne peut se faire en amalgamant ces positions avec un discours raciste, ou même avec celui du P.I.R. Même si des rapprochements et des glissements sémantiques et pratiques augurent de très mauvaises perspectives.
Ça part même d’une position assez juste portée par les groupes "déconstructivistes", que c’est aux dominé-e-s de s’organiser pour renverser ce vieux monde. L’idée reprise de la première Internationale que l’émancipation des dominé-e-s sera l’œuvre des dominé-e-s eux et elles-mêmes, est loin d’être fausse. C’est cette optique, d’ailleurs parfois davantage que le prisme déconstructiviste et surtout dé-colonial, qui s’exprime dans une bonne part du milieu. Nous ne referons que brièvement le détour par le Black Feminism, et par les luttes féministes au sein même des groupes révolutionnaires, anarchistes compris. Dans les années 60-70, des groupes de féministes noires soulignent aux Etats-Unis comment aussi bien au sein des groupes féministes que de groupes comme les Black Panthers, leur vécu de noires, de pauvres dans un cas et de femmes dans l’autre ne sont pas véritablement pris en compte dans leur réalité. Le manifeste des féministes noires du Combahee River Collective entendait combattre dès cette époque simultanément toutes les oppressions sans fractionnement ni repli identitaire, ni hiérarchie. Tout en considérant que le déterminisme biologique constitue une base politique réactionnaire et dangereuse ce travail cherchait à rendre possible une convergence révolutionnaire et émancipatrice. A la même époque en France, les groupes gauchistes ou libertaires sont eux aussi confrontés à la même remise en cause des formes de domination notamment patriarcales qui les traversent. Encore récemment— dans les années 2000—des organisations anarchistes [13] ont connus scissions et départs sur ce genre de dominations. Quant à nos différents groupes ou collectifs, ils ne sont pas exempts de reproduction de formes de domination intériorisées. Faut-il rappeler que la non-mixité comme outil de libération de l’expression a permis que dans des organisations, des groupes ou des expériences émergent des questions tues ? Ça ne peut pas être balayé d’un revers de main, comme ont pu le faire certains groupes libertaires ou gauchistes lorsque des groupes antipatriarcaux ont émergé en leur sein.
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Privilégier un rapport de domination par rapport aux autres - ici le racisme face à la religion— expliquer que les circonstances nécessitent de passer au second plan un rapport de domination, ça se rapporte à une histoire. Jadis, c’était l’économie et la lutte des classes qui prévalait [14]. On se devait d’accepter de manière transitoire l’Etat, repousser à l’après révolution les luttes d’émancipation secondaires ou périphériques comme les luttes féministes, écologiques, antipolitiques, homosexuelles, indiennes ou noires, etc. Aujourd’hui, c’est à contrario à partir d’un élément d’oppression considéré jadis à tort comme secondaire ou spécifique, que l’on intime aux autres de se taire. C’est comme si, dans certaines options se reproduisaient sans mauvais jeu de mot le pire de la tradition ouvriériste, celle qui clamait que le prolétaire avait toujours raison. Celle qui permettait aux léninistes de clouer le bec des anarchistes et des gauchistes en les traitant de petits-bourgeois. Ces identités qui intiment l’ordre de se taire, comme lors d’un récent texte d’appel à participer à la Marche pour la dignité et contre le racisme :
« Globalement, se reconnaître blanc, admettre l’existence et la permanence du système racial français, tenter d’en comprendre les origines (coloniales notamment) mais surtout les effets, relève du devoir. Devenons des traîtres. Dénonçons. Refusons, par tous les moyens à notre disposition, de participer à la reproduction de ce système. Nous n’y parviendrons qu’en redonnant la parole et la place aux « racisées », en accordant foi et soutien à leurs témoignages, actions et expériences autonomes. Nous devons nous taire pour leur faire enfin place. Marcher derrière, pour une fois (la première d’une longue série) mais marcher avec. Proposer un soutien, pas noyauter un mouvement, pas prendre des décisions à leur place. Les mouvements autonomes « racisés » ne nous excluent pas, ils nous interpellent. Nous pouvons et nous devons y participer. A notre juste place. »
Pourquoi en tant que blanche, je participe à la marche de la dignité, par Privilégiée, 28 octobre 2015, Indymédia Nantes.
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Dès lors, plus rien n’unit nos luttes entre égaux. Il n’existe que des rapports d’alliances. Chaque groupe oppressé ne cherche plus qu’à en nouer. Plus rien ne se dégage de commun qu’une visée stratégique de luttes juxtaposées, où se tissent des alliances entre identités dominées et séparées. Les principaux et principales concerné-e-s ne trouvent plus que des allié-e-s, qui au nom de leur manque de vécu de l’oppression n’ont plus leur mot à dire. A l’oppression répond la subordination des allié-e-s. Au manque d’égalité réelle des espaces de lutte, la négation de toute égalité.
Alors, l’idée universelle de révolution devient un fantôme, un héritage obscur de blancs. Les nombreux et nombreuses révolutionnaires qui, comme l’anarchiste kabyle Mohamed Saïl qui a lutté contre le colonialisme et rejoint la colonne Durruti dans l’Espagne révolutionnaire de 36 ou les compagnons et compagnonnes communistes libertaires égyptiens qui se sont opposés durant le printemps arabe aux sbires de Moubarak, ont combattu de front capital, Etat, racisme et religion apprécieront ou auraient apprécié.
Nous sommes de ceux et celles qui pensent que cette vieille, obsolète et idéologique idée de révolution sociale, « la sociale », comme on disait avant, reste d’actualité. Une révolution qui bouleverse à la fois les fondements de ce monde et nos existences, les structures sociales et nos êtres. C’est en ce sens que nous nous sentons solidaires, malgré bien des divergences, des compagnons et compagnonnes de la Discordia. Et que nous envisageons ceux et celles qui les attaquent de la sorte comme des ennemi-e-s.
Nous ne sommes pas que ce que la nature, la culture, le capitalisme, l’Etat ou la technoscience ont pu produire en nous,
Que crève ce vieux monde et que vive la sociale,
Sans dieu, sans maître.
Notes
[1] L’été dernier les compagnons et compagnonnes qui font vivre la bibliothèque la Discordia ont découvert dans l’école de pédagogie alternative Montessori qui leur fait face qu’un dispositif policier de surveillance avait été déposé sur place. Ce dispositif de caméras qui filmaient les entrées et les sortie a été « récupéré », disséqué et détruit. L’affaire a eu quelques échos dans la presse. Les compagnons et les compagnonnes ont refusé de leur côté de se prêter au jeu médiatique.
[2] Par indigéniste, nous entendons ceux et celles qui parlent des indigènes de la république et qui font du prisme dé-colonial leur unique grille de lecture politique.
[3] A ce propos, on peut lire le texte de Claude Guillon, Et dieu créa l’islamophobie !
[4] Ce groupe qui a appelé à participer à la manif pour tous participait à la marche pour la dignité et contre le racisme à laquelle ont choisi de participer de nombreux et nombreuse camarades.
[i] Dieudonné, les juifs et nous, Communiqué du PIR, 12 janvier 2014. Dans un communiqué de 2009 Hourria Bouteldja dénonçait le choix d’alliance de Dieudonné avec l’extrême droite coloniale française, mais pour mieux l’enjoindre à renouer avec les combats décoloniaux panafricains. Extraits du communiqué Houria Bouteldja dénonce le rapprochement de Dieudonné avec l’extrême - droite , parut en mai 2009 : « Nous ne pouvons pas, nous n’avons pas le droit de nous allier à des forces racistes, colonialistes et prétendument antisionistes ! Les ennemis de nos ennemis ne sont pas forcément nos amis ! Le combat antisioniste, le combat de Azzedine Elqassam, de Arafat, de Georges Habbache, de cheikh Yassine (Allah yarhamhom !), le combat anticolonialiste et antiraciste de Mandela, Fanon, Césaire, Malcolm X, Angela Davis, Sankara, Lumumba et bien d’autres est beaucoup trop précieux pour le corrompre aujourd’hui avec une extrême droite française toujours fière d’avoir torturé en Algérie ; une extrême droite qui a organisé des ratonnades contre les arabes et les noirs ; une extrême droite qui dénonce l’islamisation de la France, qui exige toujours plus de répression contre l’immigration et dans nos quartiers, qui justifie la chasse aux sans papiers. Une extrême droite qui, au nom du patriotisme, rêve de faire de nous les nouveaux tirailleurs de l’impérialisme bleu/blanc/rouge. Nous n’avons aucun intérêt commun avec ces gens - là !!! »
[5] Jeannette Vermeersch, femme de Maurice Thorez, leader du PCF, dénonçait jusqu’au milieu des années 60 les femmes qui voulaient accéder à la contraception et l’avortement. « Depuis quand les femmes travailleuses réclameraient le droit d’accéder aux vices de la bourgeoisie ? Jamais » « Le « Birth control », la maternité volontaire, est un leurre pour les masses populaires, mais c’est une arme entre les mains de la bourgeoisie contre les lois sociales » écrivait-elle sous le regard bienveillant de la direction du Parti, dans l’Humanité du 10 avril 1956.
[6] Ce qui ne veut pas dire que des dessins et articles de Charlie Hebdo n’étaient pas misogynes ou porteurs de relents racistes. Juste que ce n’est pas la raison essentielle de l’assassinat de la rédaction en janvier 2015.
[7] En janvier, Al-Qaïda et Daesh s’étaient fait concurrence. Les frères Kouachi se revendiquent des premiers, Coulibaly des seconds. AQPA se précipite même pour assumer la paternité de l’attaque contre Charlie Hebdo. Ces multinationales du terrorisme obéissent parfois aux mêmes lois que leurs devancières marchandes : technophilie, hyper communication, ciblage des « clients », et mise en avant de la marque. Le sordide et le cynisme des motivations économiques et politiques qui animent certains de leurs leaders est éclairants. Haji Bakr, créateur de l’Etat Islamique et ancien cadre militaire du régime bassiste de Saddam Hussein, mort en janvier 2014, était convaincu que l’on ne peut remporter de victoire uniquement avec des convictions religieuses, aussi fanatiques soient-elles. En revanche, on pouvait très bien mettre à profit la croyance des autres. C’est ce que révèlent des feuillets découverts après sa mort. A ce propos on peut lire Haji Bakr, le cerveau de l’Etat Islamique, Christophe Reuters pour le Spiegel, article paru dans Le Monde le 25 avril 2015.
[8] La France a commencé à bombarder les positions de Daech dès 2014. C’est pour cette raison que Daech parle de « croisés » dans son communiqué suite aux attentats de Paris.
[9] Il existe également un racisme spécifiquement lié à la religion musulmane, celui qui touche notamment les convertis assimilés à un danger.
[10] Ceux et celles qui y font référence ne manquent pas de faire état des racines chrétiennes de l’occident. Même le très anticlérical Onfray. Ce qui signifie très clairement quelles intentions agitent réellement ces prétendus laïcards et laïcardes qui ne ressemblent en rien sinon dans leur peu d’intérêt pour la domination coloniale aux vieux hussards de la république.
[11] Alain de Benoist est un intellectuel d’extrême droite. Au cours des années 70, il crée au sein du Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne, le GRECE, un courant qui va être nommé la nouvelle droite. A travers le concept d’éthnodifférentialisme, il réactualise les thèses racistes en les vidant de leur contenu biologique. Pas de supériorité des races, mais la nécessité pour chacun et chacune de vivre au sein de sa propre culture.
[12] Ils appellent cela métapolitique. Inspiré aussi bien du contre-révolutionnaire de Maistre que du marxiste Gramsci, le concept signifie qu’il s’agit pas tant de prendre le pouvoir politique que d’exercer une influence culturelle sur les représentations sociales, afin qu’elle en vienne à structurer des représentations hégémoniques.
[13] A noter que bien qu’il ait été et qu’il soit encore comme bien d’autres mouvements traversés par le patriarcat, même à travers quelques uns de ses plus connus défenseurs comme Proudhon, le mouvement anarchiste a été dès son origine un mouvement où le féminisme et le refus des conventions bourgeoises ont pu à maintes reprises s’affirmer. Nous pourrions à titre d’exemple parler de l’amour libre et du refus du mariage comme prison présents chez les anarchistes du début du vingtième siècle, notamment au sein des expériences des milieux libres. Dans l’Espagne insurgée de 36, les Mujeres Libre qui réunissent jusqu’à 20000 participantes, affirment un féminisme prolétarien et libertaire. Le mouvement fourmille de bien d’autres exemples du même type que l’universalisme antiautoritaire anarchiste a encouragé.
[14] C’est encore le cas dans et certaines critiques « matérialistes » des discours décoloniaux. C’est le cas chez certains marxistes, communisateurs ou chez certains anarchosyndicalistes et/ou syndicalistes révolutionnaires. Des textes comme Tiens, ça glisse, le texte Discordia, soutien bienvenu de Léon de Mattis à la bibliothèque, l’appel au débat sur l’idéologie anti-islamophobe organisé au local le Rémouleur de Bagnolet, ou les textes de la CNT-AIT de Toulouse sont de cet ordre. Dans chacune de ces lectures de l’Histoire, c’est la domination économique qui est centrale. Si nous nous sentons donc en accord avec les camarades en question sur la critique du prisme dé-colonial et que nous sommes heureux que certains et certaines d’entre eux et elles marquent leur solidarité aux « discordistes » , nous ne les rejoignons pas sur ce point.