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Canular intellectuel: deux chercheurs piègent une revue de sociologie

gepost op 21/10/18 door https://www.philomag.com/lactu/breves/canular-intellectuel-deux-chercheurs-piegent-une-revue-de-sociologie-11235 Trefwoorden  réflexion / analyse 

Deux chercheurs sont parvenus à faire paraître un article mystificateur dans une revue de sociologie, afin d’en démasquer la « fumisterie » et le manque de sérieux.

Michel Maffesoli rit jaune. Le directeur de la revue de sociologie Sociétés a été la victime d’un canular. Sous le pseudonyme de Jean-Pierre Tremblay, deux chercheurs sont parvenus à faire publier dans le journal qu’il dirige une imposture sociologique explosive.


Postmoderne

- L’article à prétention scientifique prend pour objet l’Autolib’, le véhicule de partage en service à Paris, comme signe des « automobilités postmodernes ». Il « vise à mettre au jour les soubassements imaginaires d’un objet socio-technique urbain contemporain : l’Autolib’.

- Sur la base d’une enquête de terrain approfondie, elle-même couplée à une phénoménologie herméneutique consistante, nous montrons que la petite voiture de location d’apparence anodine, mise en place à Paris en 2011, se révèle être un indicateur privilégié d’une dynamique microsociale sous-jacente : soit le passage d’une épistémè̀ “moderne” à une épistémè̀ “postmoderne”. » Bien… Comprenne qui pourra.

- Le comité scientifique de la revue – deux universitaires en l’occurence –, ne s’est pas arrêté à ce galimatias, ni aux énormités sociologiques, aux circonlocutions cryptiques et aux jeux de mots boursouflés, de purs effets de manche parodiques.

Pour rire et par exemple, Jean-Pierre Tremblay note qu’« ainsi la masculinité effacée, corrigée, détournée même de l’Autolib’ peut-elle (enfin !) laisser place à une maternité oblongue – non plus le phallus et l’énergie séminale de la voiture de sport, mais l’utérus accueillant de l’abri-à-Autolib’ » ou encore, que « cette voiture qui me conduit plus que je ne la conduis, dans laquelle je me fonds pour pouvoir me déplacer, qui ne m’appartient pas et me libère pour cette raison même, témoigne bien de ce présentéisme multiforme, de cette épistèmê non plus projective, mais tragique, définalisée. »

    • Jean-Pierre Tremblay, n’existe évidemment pas, comme l’ont révélé rapidement les deux auteurs de ce pastiche amusé bien que remonté, dans un article publié le 7 mars 2015 sur le site Carnet Zilsel. Il « est l’avatar d’une imposture intellectuelle calculée, un nom d’emprunt qui ne laissera heureusement pas d’empreinte scientifique. »

Fumisterie

Les deux chercheurs masqués, anciens étudiants de Michel Maffesoli, assurent n’avoir jamais mis le pied dans une Autolib’. Aucune importance ; l’essentiel n’étant pas « d’explorer les objets, mais de les convertir dans un langage de description déjà̀ constitué et autosuffisant » afin de « démonter de l’intérieur, en toute connaissance de cause, la fumisterie de ce que nous appellerons le “maffesolisme” – c’est-à-dire, bien au-delà de la seule personnalité de Michel Maffesoli, le fondateur et directeur de la revue Sociétés, une certaine “sociologie interprétative/postmoderne” à vocation académique. »

- Ce faisant, ils s’inspirent d’un illustre prédécesseur : Alan Sokal, auteur avec le Belge Jean Bricmont des Impostures intellectuelles en 1997, dans lequel ils dénoncent l’usage abusif des concepts scientifiques par les philosophes. À charge de preuve, le physicien américain a fait publier en 1996 dans la revue Social Text un article « généreusement assaisonné de non-sens » à prétention scientifique, cependant : « Transgressing the boundaries : towards a transformative hermeneutics of quantum gravity » (« Transgresser les frontières : vers une herméneutique transformative de la gravité quantique »).

  • Le papier mêle dans un baragouin élaboré et fumeux les théories scientifiques et les considérations philosophiques. Peu après la publication, Alan Sokal révèle lui-même l’imposture dans un second article du magazine Lingua Franca. Il détaille la cible de son coup d’éclat : « l’arrogance intellectuelle » des penseurs « postmodernes », et notamment les représentants de la « French Theory » de Jacques Derrida à Jean Baudrillard en passant par Jacques Lacan ou Julia Kristeva. À leur tour, des intellectuels comme Bruno Latour, François Châtelet ou Isabelle Stengers prennent la plume pour contre-attaquer, moquant la « niaiserie boy-scout » (François Châtelet) de ces « policiers de la pensée » et, pensant aux Impostures intellectuelles, fustigeant un « monument d’arrogance et de mépris » (Isabelle Stengers).

Quant à Michel Maffesoli, déjà vilipendé par le passé pour avoir dirigé la thèse de l’astrologue Élizabeth Teissier, que répond-il à cet affront ? Quelques mots en guise d’excuse et une conclusion sans ambages : « Il s’agit de collègues qui se vengent par jalousie, parce que je suis invité partout, parce que je suis publié et traduit »… Est-ce bien sérieux ?


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