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Contre l’anarcho-racisme et la confusion des idées

posté le 14/01/19 Mots-clés  antifa 

Pour en finir avec le terme « racialisateur »

Face à l’émergence politique de la question raciale en France, on peut voir se dégager plusieurs types de réponses de gauche, qui ont toutes en communs d’être des d’avatars « respectables » d’un même discours raciste. Un même discours raciste qui fait des immigrés et des fils d’immigrés des facteurs de division et qui justifie leur invisibilisation, donc leur exclusion de la sphère politique.

Le discours humaniste social- démocrate [2] fait du racisme une cause morale abstraite, soluble dans un grand fourre- tout qui regrouperait indistinctement toutes les formes de dominations, réduites à de simples discriminations [3] et les dépolitise ainsi en empêchant de les analyser dans leurs spécificités respectives.

Il est assez proche, finalement, du discours anarchiste- individualiste à ce sujet, dans la mesure où l’anarchisme individualiste ne s’est ouvert ni à la critique de l’économie politique (comme les communistes- libertaires), ni aux sciences- sociales : dépourvue de méthode et de critique de la méthode, ce courant est donc resté bloqué au paradigme de la philosophie des Lumières et sa réflexion est essentiellement moraliste.

De façon assez parlante, l’anarchisme-individualiste et la sociale- démocratie ont également en commun le fait d’être les courants idéologiques les plus virulents contre la non-mixité politique, allant jusqu’à la comparer au fascisme [4].

De son côté, le discours marxiste- orthodoxe [5], s’il n’essaie évidemment pas d’évacuer en douce la question de classe, essaye d’y inféoder la question raciale en faisant du racisme un simple faux discours dont le seul effet néfaste serait de briser la solidarité au sein du prolétariat. Le racisme n’est donc pas traité pour lui- même, comme rapport de domination particulier, mais comme simple idéologie, qui ne serait problématique que du point de vue de la classe.

Bien que ces discours soient de gauche, l’accusation de division, typique de l’argumentaire raciste, n’est jamais bien loin. Pour la gauche, le racisme reste au mieux une lutte secondaire, et sa mise sous tutelle paternaliste est obligatoire. Les racisés doivent accepter de rester de simples victimes du Racisme, dont on prend généreusement soin comme les petits- enfants de l’aide humanitaire, et ne doivent surtout pas tenter de se constituer en sujets politiques autonomes. Dès que les racisés n’acceptent plus de dissoudre la spécificité de leur oppression et de la rendre invisible ou secondaire voila que les potes d’hier auxquels il ne fallait pas toucher deviennent soudain ni plus ni moins que les nazis d’aujourd’hui pour avoir commis le crime de prétendre s’organiser en non- mixité.

Cette nostalgie de l’unité et de la conscience de classes perdues que déplore Alain Soral est partagée par de nombreux gauchistes qui, au lieu d’en rendre l’immigration responsable comme le fait l’extrême- droite, adoptent le discours, plus respectable, d’en rendre les mouvements antiracistes responsables. Ce sont donc les luttes spécifiques qui feraient barrage à l’unité du prolétariat. Au sujet de ce mythe de l’unité du prolétariat nous avions écrit :

Pour résumer, il faut bien comprendre que le prolétariat n’a pas été crée en bloc à un moment X originel, puis divisé artificiellement à un second moment Y par un faux discours dont il suffirait de dévoiler la fausseté pour que le prolétariat renoue avec son essence unitaire. Le critère vrai/faux qui opposerait le racisme à la solidarité de classe repose sur une conception idéaliste du social : pour un prolétaire blanc, le racisme offre de réels avantages à courts termes, comme toute attitude égoïste, parce que l’on ne fait pas croire aux prolétaires qu’ils sont en concurrence sur le marché du travail, ils le sont réellement.

La division du prolétariat est une division réelle, une réalité empirique, qu’on n’abolit pas, et qu’on ne dépasse pas, en lui opposant une essence qui existerait on ne sait où, dans un ciel des idées. On peut, à la limite, tenter de produire cette unité dans la lutte, mais cette lutte ne fera pas l’économie de la mise en jeu d’un certain nombre de contradictions internes à ce que l’on appelle le prolétariat.

Au delà de cette accusation de division des luttes, les deux seuls arguments, qui tournent en boucle, sont :

– « Mais les races n’existent pas biologiquement ! »

Merci, on le savait, on parle de catégories socialement construites qui font fonctionner des mécanismes que l’on essaie d’analyser, pour cela nous avons besoin d’en parler.

- « D’accord, mais même si ce sont des constructions sociales, ce ne sont pas des catégories binaires, il y a les métis par exemple, et tout un tas de facteurs qui rendent cette histoire plus-compliquée-que-ça. »

Merci, on le savait aussi, personne n’a dit que la racialisation était binaire, c’est un processus complexe, qui touches à beaucoup de formes de mécanismes de contrôle social, pas uniquement raciaux d’ailleurs. On essaie d’analyser tout cela, pour cela nous avons besoin d’en parler.

L’argument de « c’est- plus- compliquée- que- ça » est un argument fallacieux classique qui consiste à dire une évidence (« C’est plus compliqué ! », merci, on le savait) pour en tirer les mauvaises conclusions : du coup il faudrait nier cette question et elle disparaitra toute seule. Auquel cas nous répondons que, justement, il faut d’autant plus étudier cette question de fond en comble qu’elle est complexe.

On a donc vu récemment se populariser un concept pour disqualifier ceux qui tenteraient de politiser l’antiracisme : les « racialisateurs ».
Le fond du discours sous-tendu par ce terme est parfaitement similaire au vieux discours d’extrême- droite : il s’agit de dire qu’en fait ce sont les racisés qui sont un facteur de division (de la Nation, du Prolétariat, des luttes etc.), en tout cas au moins autant que le racisme institutionnel lui-même, y compris le racisme de gauche. [6].

Ce discours va même plus loin grâce au terme « racialisateur » on fait des racisés qui tentent de politiser leur oppression les nouveaux racistes.
Les prétextes ne manquent pas pour détailler les manifestations de ce nouveau racisme des racisés : non- mixité, religion, burkini, racisme anti- blancs…

De fait, cette idée n’est pas neuve, les féministes en font déjà les frais depuis longtemps avec l’appellation féminazies. On connaissait aussi les enfants- tyrans, terme qui désigne les enfants (c’est-à-dire sûrement une des catégories socialement les plus opprimée) qui ne supportent pas d’être assis sur des chaises 8 heures par jour pendant 18 ans… quelle bande de petits Hitler en culottes-courtes, en effet.

On peut décliner le concept autant de fois qu’il existe de formes d’oppressions : racialisateurs, féminazies, enfants- tyrans, homofascistes, transdictateurs, une vraie ligue de super- vilains post- modernistes.
Rien de neuf dans ce genre de réactions cela- dit : la situation de domination étant la norme, la rébellion est toujours vécue par les dominants comme une insupportable violence, une injustice qui leur est faite.


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