RSS articles
Français  |  Nederlands

1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10

Contre la fachosphère pro-islamiste et antisémite : Royaume-Uni : les étranges fréquentations de Jeremy Corbyn

posté le 16/08/18 Mots-clés  antifa 

Jeremy Corbyn, le nouveau leader du Parti travailliste britannique (Labour), est célébré par toute une partie de la gauche pour son programme anti-austérité. Pourtant, depuis son élection à la tête du Parti travailliste, la polémique enfle au Royaume-Uni, s’agissant des amitiés de Jeremy Corbyn avec des cadres du Hamas et du Hezbollah, mais aussi avec Paul Eisen, un théoricien négationniste. Le journal classé à gauche The Guardian a par exemple publié plusieurs articles depuis mi-août sur le sujet. Le point sur la question.

Jeremy Corbyn, le nouveau leader du Parti travailliste, est depuis longtemps engagé à gauche : membre de la campagne pour le désarmement nucléaire, soutien du Sinn Féin irlandais dans les années 1980, membre d’Amnesty International, il s’est également engagé pour que le général Augusto Pinochet soit jugé en Angleterre en 1999. Il a aussi pris des positions en faveur de causes écologistes, contre la corruption ou pour la protection des libertés publiques. Il est membre du comité de direction de la Stop the War Coalition, qui a fait campagne contre la guerre en Irak en 20031. Corbyn a aussi participé à des meetings antifascites contre le British National Party en 2001 et 2007. Enfin, son programme anti-austérité à la tête du Parti travailliste inclut la renationalisation de certains secteurs-clé de l’économie.

Cependant, à côté de ce portrait flatteur, il ne faudrait pas oublier ses fréquentations sulfureuses, auxquelles on ne peut que donner un sens politique, puisqu’elles se situent dans le cadre de son engagement anti-impérialiste. Parmi les faits les plus connus, il y a par exemple sa complaisance avec le Hamas et le Hezbollah. Lors d’un meeting tenu en 2009 dans le cadre de la Campagne de solidarité avec la Palestine, il a par exemple déclaré : « Ce sera pour moi un plaisir et un honneur d’accueillir un événement au Parlement lors duquel nos amis du Hezbollah pourront s’exprimer. J’ai aussi invité nos amis du Hamas à venir et à prendre la parole également… Pour autant que je sache, c’est exactement la fonction des ressources parlementaires. »2 Corbyn, qui a récemment exprimé son désaccord avec les deux formations islamistes prétend aujourd’hui avoir utilisé le terme « nos amis » « de manière collective », pour les inviter à prendre la parole dans le cadre de la construction d’un processus de paix. Une explication peu convaincante : l’usage d’une telle formulation est-elle vraiment indispensable pour inviter quelqu’un à une tribune ? D’autant que par ailleurs Corbyn tient des permanences parlementaires à la mosquée londonienne de Finsbury Park, qui compte parmi ses administrateurs un cadre du Hamas, Muhammad Sawahla3. De plus, les représentants du Hamas et du Hezbollah ne sont pas les seuls « amis » problématiques du monsieur.

Conspirationnistes et négationnistes

En 2012, Corbyn a par exemple décrit comme un « citoyen très honorable »4 Raed Salah, chef de la branche nord du Mouvement islamique en Israël. Or, cet individu est un chaud partisan des théories du complot antisémites. Il s’est notamment illustré en 2007 en affirmant que les juifs utilisaient le sang d’enfants pour fabriquer leur pain rituel et en expliquant en 2011 que selon lui 4000 Juifs, avertis au préalable des attentats, n’étaient pas venus travailler le matin du 11 septembre 2001, reprenant ici une rumeur initialement véhiculée par l’extrême droite américaine5. Au même moment, il a aussi pris comme référence une fausse citation de Benjamin Franklin contre l’acceptation de l’immigration juive dans les jeunes Etats-Unis, encore une fois une invention d’un journal néo-nazi américain. Enfin, en 2014, Salah a souhaité dans un prêche que Jerusalem devienne prochainement la capitale d’un « califat mondial ».

Mais ce n’est pas tout : en février 2015, Corbyn a apporté son soutien à un pasteur, Stephen Sizer, qui a été banni des réseaux sociaux par la hiérarchie de l’Église anglicane pour avoir posté sur Facebook un lien affirmant qu’Israël était responsable des attentats du 11-Septembre (une affirmation qu’il avait déjà faite en note de bas de page dans un livre de 2004 consacré au sionisme chrétien). Le député a écrit aux autorités ecclésiastiques, suggérant que ce prêtre faisait l’objet d’une campagne de dénigrement car « il osait s’exprimer contre le sionisme », indiquant que selon lui il « était attaqué par des individus résolus à discréditer l’excellent travail que fait Stephen pour mettre en lumière les injustices de la situation en Israël et en Palestine ». Pourtant, Sizer n’en était pas à son coup d’essai : participant en 2014 à la conférence New Horizon organisée par le régime iranien contre le « sionisme » (et où s’est retrouvé le ban et l’arrière ban du négationnisme mondial), il y est intervenu pour présenter la question du « lobby israélien ». Sizer est également un supporter du Hezbollah et du régime de Bachar Al-Assad.

Parmi les amitiés très particulières du leader travailliste, on trouve aussi le négationniste Paul Eisen. Corbyn aurait ainsi fait un don à son mouvement Deir Yassin Remembered (DYR). Eisen a aussi affirmé le 6 août dernier dans un post de son blog depuis mis hors ligne que Corbyn était un fidèle de son mouvement depuis quinze ans, assistait à tous ses événements annuels et l’avait toujours soutenu. Son organisation a d’ailleurs publié une photo montrant Corbyn a un de ses meetings en avril 2013 (voir ci-contre), soit quatre mois après qu’Eisen, déjà connu pour son négationnisme, ait publié sur son blog une note intitulée “How I became holocaust denier” (“Comment je suis devenu négationniste”). Pourtant, DYR a depuis longtemps été désavoué par le mouvement pro-palestinien britannique pour ses prises de position antisémites, y compris en 2007, lorsqu’une motion a été proposée au sein de la Campagne de solidarité avec la Palestine dont Corbyn est membre pour retirer sa qualité de membre à l’organisation d’Eisen. Du coup, les explications de Corbyn affirmant n’avoir fait qu’assister à quelques meetings il y a longtemps et glisser quelques pièces dans un tronc destiné à collecter des dons alors qu’ « il y a quinze ans Paul Eisen n’était pas négationniste » sont là encore peu convaincantes, et ses propos condamnant Eisen apparaissent bien tardifs.


Un supporter de la Russie poutinienne et de l’Iran des mollahs

Soutien indéfectible de la politique impérialiste de Vladimir Poutine (voir aussi ici), il est régulièrement invité sur RT (ex-Russia Today), qu’il considère comme étant une chaîne “plus objective” que la plupart des autres médias6 :

Mais ce n’est pas tout : Corbyn a aussi animé en juillet dernier une émission sur PressTV7, la télévision officielle du régime iranien, qui compte parmi ses spécialités celle de diffuser des aveux forcés d’opposants au régime obtenus sous la torture, affirmant après coup ne pas être au courant des liens de ce média avec le régime des mollahs8. C’était pourtant déjà sur cette chaîne qu’il avait qualifié en 2012 de “tragédie” la mort d’Ousama Ben Laden, déclenchant là aussi une polémique. Et le 9 mai 2014, Corbyn a participé à l’invitation du Centre islamique d’Angleterre et de l’Association des étudiants islamiques à un séminaire commémorant les 35 ans de la révolution islamique en Iran9 :

Enfin, le 22 août dernier, Jeremy Corbyn était attendu à un colloque sur la Palestine et l’Amérique latine en présence de représentants de plusieurs ambassades dont celle de Cuba mais aussi du dessinateur négationniste Carlos Latuff 10. Face à la polémique, il ne s’y est finalement pas rendu, mais l’un de ses porte-paroles a alors justifié la participation du député à des rendez-vous douteux en expliquant qu’il “assist[ait] à un certain nombre d’événements s’il jugeait qu’ils pouvaient contribuer à résoudre le conflit entre la Palestine et Israël » mais que « cela ne signifie pas qu’il est d’accord avec les points de vue de tous les représentants du panel. Il met en avant ses propres opinions ».

A tout ceci s’ajoute aussi le fait qu’un de ses conseillers, John McDonnell, est lui proche des réseaux conspirationnistes relatifs au 11-Septembre.

Dès lors, même si le programme économique et social du nouveau leader travailliste peut sembler de prime abord séduisant, il est tout de même inquiétant qu’une certaine omerta règne parmi ses soutiens, tant au Royaume-Uni qu’en France, s’agissant de ces faits. Les questions internationales et l’antisémitisme serait-elles devenues des problématiques à ce point secondaires à gauche ?

O. G.

Mise à jour, 18 septembre, 00h25 : on nous signale que Jeremy Corbyn n’a finalement pas participé au colloque du 22 août comme nous l’avions initialement écrit. C’est corrigé. Ajout d’une phrase et d’une note sur la mosquée de Finsbury.


posté le Alerter le collectif de modération à propos de la publication de cet article. Imprimer l'article

Commentaires

Les commentaires de la rubrique ont été suspendus.