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Culte de la virilité sur BFMTV et culture du viol dans “TPMP”

posté le 01/06/17 par Samuel Gontier Mots-clés  médias  répression / contrôle social  genre / sexualité 

Seul un “dur” de la trempe d’Emmanuel Macron saura éviter la “finlandisation” de la France, arguent des éditorialistes de BFMTV. Une heure plus tard, chez Cyril Hanouna, Julien Courbet juge qu’il serait inconvenant de parler de “sexisme” si l’auteur d’une agression sexuelle a abusé de l’alcool.

« Les emplois familiaux, ça n’est pas en soit amoral », estime Guillaume Tabard, du Figaro, alors qu’une tablée d’éditocrates débat de « la moralisation de la vie politique » sur BFMTV. Le présentateur rebondit : « Est-ce qu’on ne va pas trop loin dans cette volonté de laver plus blanc et d’avoir des responsables politiques plus propres que propres ? » Ça va finir par leur abîmer la peau. Bruno Jeudy opine : « Je crois que se lancer dans la finlandisation de la vie politique française, ça va aller dans le mur direct. » Tiens, un nouveau sens au terme « finlandisation ». Dans mon jeune temps, il désignait plutôt un pays condamné à la neutralité pour ne pas froisser son puissant voisin (l’URSS, dans l’exemple de la Finlande).

Sur BFMTV, la « finlandisation » qualifie le lavage plus blanc que blanc des responsables politiques (ça sonne mieux que « suédisation » ou « norvégianisation »). « Y a des choses qui ne marcheront pas dans la façon de vouloir absolument tout purifier, de jouer la transparence partout, explique Bruno Jeudy. Il faut adapter les choses en fonction des pays. » Respecter la culture de la corruption et du conflit d’intérêt des pays où elle fait partie de l’identité nationale.

Maurice Szafran, de Challenges, vient à la rescousse de son confrère : « On va construire des châteaux sur des châteaux, des lois sur des lois, de la répression sur de la répression ! » Encore un peu et on va rétablir le pal pour les politiques. « Mais c’est infernal ! » Démoniaque. « Ça fait depuis que les hommes sont hommes qu’ils ont trouvé les moyens de contourner les lois… » Tout le monde se souvient de la femme de ce député néandertalien qui avait monté une SCI pour louer une caverne aux Mutuelles du Moustérien. « Ça continuera pour la [loi] suivante et pour la suivante… » A quoi bon voter des lois ? Pour les petits malfrats sans défense, passe encore, mais pour les dirigeants de mutuelles ou les ministres, ça ne sert à rien, ils auront toujours les moyens de les contourner.

« C’est une question de déontologie », tente de l’amadouer Ruth Elkrief. « Non, c’est une question politique !, s’emporte Maurice Szafran. Le premier soldat d’Emmanuel Macron, l’homme qui tient le parti, qui sera très probablement le parti majoritaire à l’Assemblée nationale, est dans une position qui rend la situation de son chef et de son parti compliquée. » C’est affreux. « C’est ça qui nous préoccupe aujourd’hui. » Je suis terrassé d’angoisse.
Seul Guillaume Daret parvient à me rassurer, commentant le dernier sondage dans le 20 heures de France 2 avec une telle conviction qu’il en invente des liaisons : « Emmanuel Macron semble en mesure de réussir son pari, obtenir une majorité zabsolue. » Voire une majorité zécrasante : « Certains instituts vont même jusqu’à créditer son mouvement de 320 à 350 sièges. » Preuve que les électeurs sont zabsolument zopposés à la finlandisation de la France.

« Quoiqu’on pense de Macron, poursuit Maurice Szafran sur BFMTV, son parcours est assez formidable depuis quinze jours, trois semaines. » Assez merveilleux, même. « Tout marche bien. » Le sacre jupitérien, le serrage de paluches stallonien, le code du travail bientôt réduit à rien… « Le président de la République a montré depuis trois semaines que c’est un dur. » Un vrai, un tatoué. « Parce qu’en réalité, ce président-là, contrairement aux deux précédents, est un dur. » Pas une couille-molle. Ruth Elkrief en convient, « il est moins affectif, en tout cas ». Moins chochotte, en fait. « Il est beaucoup moins affectif, reprend Maurice Szafran, beaucoup plus froid, logique, lucide que les deux précédents qui étaient des affectifs. » De vraies femmelettes.

Gonflé à bloc par cet afflux de testostérone, je zappe sur C8 retrouver Cyril Hanouna, l’animateur qui ne kiffe pas les « pleureuses ». « Y a une vidéo qui fait beaucoup parler, c’est le tennisman Maxime Hamou qui a saisi une journaliste en pleine interview et a tenté de l’embrasser. Regardez. »

L’animateur lance la séquence où le tennisman tente par trois fois d’embrasser une journaliste d’Eurosport qui essaie vainement de lui échapper. Je suis impatient de savoir ce qu’en pensent les chroniqueurs de Touche pas à mon poste, particulièrement Jean-Michel Maire, qui a lui-même embrassé de force la poitrine d’une invitée de l’émission.

Cyril Hanouna lit d’abord le message publié par la journaliste d’Eurosport, Maly Thomas : « Si je n’avais pas été en direct, je lui aurais collé une droite. […] Ce sont des situations de la vie courante que l’on banalise et qui ne devraient pas l’être. Mon intention n’est pas de banaliser cette scène. Mais je ne souhaite pas en faire une polémique. » « Bonne réaction quand même de la journaliste, apprécie Cyril Hanouna, qui ne souhaite pas en faire une polémique… » Pas comme tous ces charognards qui cultivent des polémiques sur le dos de Touche pas à mon poste. « C’est trop tard, elle l’a fait, la polémique ! », s’indigne Benjamin Castaldi, rejoint par Isabelle Morini-Bosc : « C’est trop tard, c’est fait ! » Quel culot, cette journaliste ! Elle se fait agresser et, en plus, il faut qu’elle la ramène !

« Dites-nous ce que vous en pensez », propose Cyril Hanouna… Quel dommage ! Jean-Michel Maire n’est pas là pour donner son avis d’expert. L’animateur témoigne : « J’ai vu des gens qui disaient : “Là, ça va aller encore très-très loin cette affaire. » C’est dingue toutes ces blagues juste pour rire dont certains font des affaires qui vont très-très loin. « Il y a le petit bisou-rigolade entre copains, analyse Valérie Benaïm. Mais là, il la tient et il l’embrasse à plusieurs reprises alors que visiblement elle n’est pas réceptive. » C’est juste un petit problème de réceptivité, en fait. Elle avait ses ragnagnas, peut-être.

« Il avait passé la journée au Player Land, il était ivre mort », révèle soudain Géraldine Maillet. « Ah, c’est ça », fait Cyril Hanouna. Tout s’explique. La chroniqueuse détaille : « Il a l’alcool agressif, stupide, débile. » Et puis la journaliste était vêtue très légèrement, il me semble. « Je connais un peu ce garçon, révèle à son tour Cyril Hanouna, qui est vraiment un garçon charmant. » S’il est charmant, c’est un accident. « Là, je pense qu’il avait passé un petit peu trop de temps au mini-bar, voilà. » N’en parlons plus. « Il s’est excusé. » C’est tout à son honneur. Un vrai gentleman.

« Moi, ce qui m’amuse, répète Isabelle Morini-Bosc, c’est qu’elle dit qu’elle ne veut pas déclencher une polémique… » Alors qu’elle l’a déclenchée. Sans doute pour faire parler d’elle. « Ça veut pas dire que son comportement [au tennisman] est bien mais effectivement on voit qu’il est sous influence. » On l’aura forcé à boire de l’alcool. « C’est vrai que c’est dommage. » Mais ce n’est pas de sa faute.

Pour Gilles Verdez, « c’est la suite de sa carrière qui est en question… » Les chroniqueurs se récrient à l’unanimité. « Oh la la !!! Non mais Gilles, arrêtez !, ordonne Cyril Hanouna. Je veux plus entendre des conneries pareilles ! » Comme si la carrière d’un tennisman ou d’un animateur télé pouvait dépendre de ses agressions sexuelles ou de ses blagues homophobes… Allons, ce n’est pas sérieux.

« Quand vous défendez TPMP, quand on a des polémiques qui sont parfois graves ou pas, argumente Cyril Hanouna, vous dites : “Oui, on en fait des caisses” [contre TPMP, ndlr]. Et maintenant [vous en faites des caisses] sur le joueur de tennis… » Ça revient à se tirer une balle dans le pied. « Je veux pas entendre ça, Gilles ! Là, vous dites n’importe quoi ! Là, je suis énervé. » On ne va pas commencer à accabler un tennisman qui ne fait que reproduire le comportement de l’animateur et des chroniqueurs de TPMP.

« Vous savez qu’il aura du mal à s’en remettre, insiste Gilles Verdez. Il a un devoir d’exemplarité. » Mais son patron le rembarre une nouvelle fois. « Vous faites les mêmes reproches que ce qu’on fait à TPMP et qu’on regrette ! » « Des procès d’intention ! », ajoute quelqu’un, sans doute Benjamin Castaldi. Comme si des kilomètres de « blagues » homophobes prouvaient une quelconque intention diffamatoire.

Pour prévenir tout nouveau dérapage, Cyril Hanouna rappelle les termes du débat à ses chroniqueurs : « C’est un comportement répréhensible, il s’en est excusé et moi je pense surtout à la jeune fille et on lui fait des gros bisous à la jeune fille. » Euh… justement, la jeune fille, elle n’apprécie pas forcément qu’on lui fasse des gros bisous sans lui demander son avis… « On veut pas accabler ce garçon… » J’avais cru comprendre. « … Moi j’espère que la jeune fille s’en est remise, en tout cas on lui fait des gros bisous. » C’est une manie. Il faut dire que les bisous de Cyril Hanouna, de Gilles Verdez ou de Benjamin Castaldi ont une saveur incomparable.

Magnanime, Cyril Hanouna ajoute : « On comprend qu’elle ait pu être choquée. » C’est très sensible, une jeune fille. « Et je trouve qu’elle a eu un comportement exemplaire. » Elle n’a pas collé de droite à son agresseur, elle n’a pas fait de scandale, elle ne l’a même pas réprimandé, elle a continué son interview… Belle conscience professionnelle.

Julien Courbet tient à préciser une notion de droit : « Si vraiment il a bu, faut pas qu’on tombe encore dans un débat sur le sexisme et tout. » Ce serait déplacé. Un peu comme si on parlait de crime parce qu’un viol par été commis par un homme en état d’ébriété. Rappelons que Julien Courbet est un spécialise du sexisme, c’est même sur lui qu’il a bâti construit sa carrière d’humoriste à la télé comme sur scène ou sur Twitter :

« Il faut pas faire ça, évidemment, rappelle Julien Courbet. Mais s’il a bu un coup, faut pas que ça prenne une ampleur… Faut juste dire qu’il était plein et qu’il ne s’est pas rendu compte de ce qu’il fait. » C’est bien ce que je disais : il aurait aussi bien pu la violer, il ne s’en serait même pas rendu compte. « Il ne faut pas non plus que ce soit un déferlement sur lui », approuve Cyril Hanouna. Seulement un déferlement sur la journaliste qui cherche à se faire de la publicité avec cette affaire.
« Je suis d’accord avec Julien qu’il est bourré. Mais ça excuse rien », proteste enfin quelqu’un – Jean-Luc Lemoine. « J’ai pas dit que ça l’excusait, rétorque Julien Courbet. C’est par rapport au fait que ce soit une femme, il aurait pu peut-être taper sur un homme… » D’ailleurs, on ne compte plus le nombre d’hommes qui se font violer par des mecs bourrés.

« Voilà, on voulait montrer ça parce que tout le monde en parle… » Mais on s’en serait bien passé. « … Et j’espère qu’ils vont se parler tous les deux… » Oui, en général, les victimes d’agressions sexuelles sont impatientes de sympathiser avec leur agresseur. « Et on embrasse très fort la journaliste. » Là, ça va, je crois qu’elle a son compte de bisous. « Et si elle veut venir nous voir, ce serait avec plaisir parce qu’on aime le tennis ici. » Et puis aussi embrasser les femmes contre leur gré et leur bander les yeux pour leur faire tâter le sexe de Cyril Hanouna…
Chère Maly Thomas, journaliste à Eurosport, je ne vous connais pas mais je vous encourage à honorer l’invitation de Cyril Hanouna. Malgré vos scrupules à user de violence dans une émission en direct, sachez que je serai ravi de vous voir coller quelques droites de ma part à Cyril Hanouna et à ses ami(e)s. Tant que vous y êtes, faites un détour par le studio de BFMTV pour en coller une dernière à Maurice Szafran, histoire de voir si elle est assez « dure » à son goût.


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