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Désaccords et perspectives dans les luttes antiracistes en Allemagne

posté le 28/11/16 par Timult Mots-clés  réflexion / analyse 

Le No Border Camp de Cologne, campement autogéré, antiraciste et contre les frontières, a rassemblé de nombreux/euses militant·es et a été fortement marqué par des conflits. Les divergences ont éclaté sur la question de comment faire face aux rapports de domination et
aux accès différents à des « privilèges » qui existent forcément entre les participant·es à un tel campement venant de contextes divers et avec des conditions de départ inégales.

Ces conflits se sont cristallisés autour d’une interprétation jugée autoritaire et identitaire des critiques de la blanchité (Critical Whiteness*), parce qu’elles définissaient de manière trop catégorique les rôles possibles des personnes dans les luttes antiracistes, selon qu’elles étaient blanches ou racisées/of Color*. [1]Ces conflits ont été vécus comme extrêmement violents par un grand nombre de participant·es au campement et plus largement par les réseaux militants antiracistes. Notamment, une partie des activistes réfugié·es ont reproché à ces débats d’écarter leurs propres luttes et préoccupations très concrètes concernant, par exemple, leurs conditions de vie et possibilités d’activités politiques en Europe.

Ces débats ont créé des scissions à l’intérieur des réseaux antiracistes germanophones, et ont eu un effet paralysant sur certaines luttes menées par ces réseaux. Ils ont donné lieu à la publication de nombreux textes et les débats continuent actuellement dans les réseaux militants. Parmi ces publications, une série d’articles parus dans le journal analyse & kritik a retenu notre attention.

Le premier article de la série a été écrit par plusieurs militant·es antiracistes racisé·es et blanc·hes, reprochant aux théories de la blanchité d’être globalement néfastes pour les mouvements antiracistes.

Puis, d’autres militant·es également antiracistes et racisé·es, ont publié en réponse un second texte, qui défendait cette fois les théories et les pratiques en question. La polémique a mené à la parution d’un troisième texte, sous forme d’une discussion entre des partisan·nes de ces deux positions. Tous ces articles ont finalement été republiés, avec d’autres, à l’automne 2013, dans un hors-série dédié à ces débats. [2]

Ces trois textes nous ont paru intéressants pour plusieurs raisons. D’abord, nous avons été contentes de lire une discussion dans laquelle s’expriment plusieurs points de vue, de trouver rassemblées dans un même journal des personnes qui partagent des luttes, mais qui ne pensent pas pareil et peuvent en discuter.

Cette forme nous a touchées parce qu’elle met en avant que penser c’est difficile, que parfois on pense de manière contradictoire et que dans nos luttes concrètes on doit trouver des manières de composer avec ces contradictions et de les dépasser. Puis, nous avons vu dans ces textes une occasion de réfléchir aux alliances possibles dans les luttes antiracistes depuis l’extérieur du cadre national toujours trop étriqué.

Déplacer ce débat de l’Allemagne à la France, c’est peut-être se donner la possibilité de traduire ce particulier-là dans notre local, et donc de prendre du recul, pour mieux prendre position. Bien sûr, ce qui nous a importé, en traduisant et publiant ces textes, c’est aussi de contribuer aux discussions et organisations actuelles des luttes contre les racismes, ceci dans les limites de nos points de vue blancs.

S’attaquer aux racismes est un enjeu urgent à l’heure actuelle, en France, en Allemagne et en Europe, et ce à plein de niveaux : inégalités socio-économiques très fortes (en Europe, mais aussi entre nord et Suds), non-reconnaissance des passés coloniaux, quasi inexistence de politiques de la mémoire et de réparation des exploitations coloniales et esclavagistes, installation toujours plus violente de citoyennetés à plusieurs vitesses, violences étatiques et acharnement médiatique contre des populations désignées comme risques intérieurs (migrant·es, réfugié·es, musulman·es, rroms...), invisibilisation du racisme dans les réseaux politiques historiquement progressistes, non-reconnaissance des luttes de personnes racisées...

Au vu de l’ampleur de la tâche, nous avons envie de trouver comment les débats et les conflits qui traversent nos luttes antiracistes peuvent nous enrichir plutôt que nous affaiblir. Il nous a paru que ces textes y contribuent. Nous vous recommandons la lecture des trois textes dans l’ordre, pour suivre les arguments du désaccord mais aussi les consensus qui se dégagent dans ce dialogue à nombreuses voix.

Revue

https://timult.poivron.org/09/timult-09-201603.pdf

Notes

[1] Si vous avez envie de lire plus à ce sujet, nous vous recommandons la lecture de la brochure « Comment ta liberté est liée à la mienne » que le réseau Transact a publié suite au campement. Elle existe en allemand, en français et en anglais, téléchargeable ici (Certaines des traductions françaises sont difficiles, si vous pouvez lire l’une des autres versions, c’est encore mieux.)

[2] Le hors-série est téléchargeable en pdf, en allemand : https://www.akweb.de/themen/sonderbeilage_cw.htm


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