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Détention et fichage illégaux de militant.es le 18 mai 2016 à Evry ( + màj 10 juin 2016 )

posté le 11/06/16 par Maj le 10 juin Evry Mots-clés  luttes sociales 

Ce mercredi 18 mai 2016 à Evry (91), Manuel Valls, ex-maire de cette ville, est venu inaugurer La Fabrik, une "structure visant à accompagner les 16-25 ans dans leurs projets" à 17h30 pour ensuite se rendre au gymnase de la ville à l’occasion d’une "rencontre avec les Français" à partir de 20h. Nous étions un petit groupe d’étudiant.es et jeunes travailleurs.euses mobilisé.es contre la Loi Travail et décidé.es à montrer leur mécontentement face à l’utilisation autoritaire de l’article 49.3, choqué.es qu’après une humiliation pareille le Premier Ministre tente encore de faire croire aux Français.es qu’il est à leur écoute.

Ce jour-là nous sommes monté.es sur le toît du bâtiment qui faisait face à La Fabrik. Nous sommes resté.es assis.es sous la pluie pendant 1h30, et 10 mn avant l’arrivée du Premier Ministre une quinzaine de policier.es armé.es de flashball, taser et gazeuse nous ont interpellé.es et nous on demandé de descendre du toît.

Le premier d’entre nous à descendre l’échelle menant au toît mettait un peu de temps, à cause du vertige et des barreaux rendus très glissants par la pluie. Malgré la hauteur et les conditions météorologiques, aucune précaution de sécurité n’a été prise, et notre ami s’est vu hurler dessus par un des policiers en civil : "On va pas passer la journée sous la pluie, faut se grouiller !".

Nous n’avions commis aucune dégradation, aucune provocation, nous étions calmes et coopératifs, nous n’étions munis ni de projectiles ni d’armes. Ce qui n’a pas empêché certains de ces policier.es de nous tutoyer, de nous traiter de "branleurs", de dire à l’un de nous qu’il était un "petit con", ou encore de répondre “tu vas fermer ta gueule toi ?” à une militante qui affirmait ne pas avoir de fumigènes dans son sac.

On nous a accusé.es de "manifestation interdite" en flagrant délit, alors même que nous étions simplement assis.es sur un toît considéré comme faisant partie de la voie publique (c’est ce que mentionnaient nos procès-verbaux), muni.es de banderoles, pancartes, confettis, semoule, casseroles, un sifflet, pétards et fumigènes inoffensifs rangés dans nos sacs. A la vue de l’un de ces fumigènes, un des agents, confiant que lui-même en fabriquait pour s’amuser lorsqu’il était jeune, a affirmé que ce n’était pas dangereux.

Le décalage entre les attentes de ces policier.es et la réalité était hallucinant lorsque l’une des policières affirmé avec excitation à son collègue : "On a fait une grosse récolte là ! On a frôlé la catastrophe !"

Nous sommes placé.es en ligne face au mur, les garçons sont palpés intensément, tandis qu’aucune des trois filles n’est fouillée, malgré la présence de deux policières.

Nous leur présentons nos pièces d’identité, puis sans explication nous sommes conduit.es au poste de police, les garçons agrippés par le sac ou les épaules. Quelques heures plus tard, lorsqu’on leur demande quel est notre statut (puisque rien ne nous a été dit), on nous répond : "vérification d’identité". Celle-ci était totalement illégale, nous n’étions pas dans l’obligation de les suivre puisque nous avions d’ores et déjà justifié de nos identités et n’avions pas été placé.es en garde à vue.

Au poste nous sommes placé.es par quatre dans deux box, la porte reste ouverte tout le long de notre détention. Pour aller aux toilettes les garçons doivent faire leurs besoins la porte grande ouverte sous les yeux d’un policier, mais aussi à la vue de tou.tes celles et ceux qui sont dans le box. Après avoir fait remarquer du sang sur le sol, un policier se permet de répondre que"c’est du sang de roumain".

On nous annonce après un peu d’attente qu’on va passer en "audition libre", je cite ici le site officiel de l’administration française, www.service-public.fr : "L’audition libre ne peut pas s’appliquer à une personne amenée par la force au commissariat ou à la gendarmerie. Elle concerne uniquement les personnes ayant répondu à une convocation et venant par leur propres moyens."

Or, nous avons été contraint.es, et nous n’avons bien entendu reçu aucune convocation. Il est également mentionné que "La personne entendue comme suspect libre peut quitter le commissariat ou la gendarmerie quand elle le veut. Elle ne peut pas être retenue de force dans les locaux" et que la convocation écrite ainsi que la personne qui pose les questions à l’oral doivent mentionner : "l’infraction dont elle est soupçonnée, son droit d’être assisté par un avocat au cours de son audition, les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle, les modalités de désignation d’un avocat d’office, et les lieux où elle peut obtenir des conseils juridiques avant cette audition."

Rien de tout cela ne nous a été dit, on nous a en plus carrément menti à de nombreuses reprises. Ainsi, alors qu’il était tout à fait légal pour nous de répondre aux questions par la phrase "je n’ai rien à déclarer", nous avons subi des pressions. L’une des policières a menacé l’un d’entre nous, qui est cheminot, d’appeler son employeur et de le faire virer s’il persistait à ne pas répondre à ses questions, alors qu’il n’y avait en réalité strictement aucun risque qu’on lui attribue un casier judiciaire (pour rappel, on ne peut pas être cheminot lorsqu’on a un casier judicaire). Les policiers ont dit à d’autres que s’ils ou elles ne répondaient pas, "on" viendrait les chercher sur leur lieu de travail ou chez leurs parents. Quant à moi, l’agente qui a réalisé mon audition m’a dit que je pouvais quitter les lieux à tout moment, mais que selon ses propres termes c’était un "faux droit" puisque si je faisais ça elle me placerait en garde à vue.

C’était encore une fois complètement faux puisque, toujours selon www.service-public.fr : "Une personne peut être mise en garde à vue seulement s’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction punie par une peine de prison (et non par une simple amende). En outre, la garde à vue doit constituer l’unique moyen de parvenir à au moins un des objectifs suivants :
- poursuivre une enquête impliquant la présence de la personne concernée,
- garantir la présentation de la personne devant le procureur afin qu’il
décide si des poursuites sont nécessaires,
- empêcher la modification ou la destruction d’indices,
- empêcher une concertation entre la personne concernée et d’éventuels
complices,
- empêcher que la personne concernée ne fasse pression sur des témoins
ou la victime,
- faire cesser l’infraction en cours.”

La rédaction des procès-verbaux était émaillée de commentaires méprisants et de reformulations de nos dires par les policier.es. Nous avons signé ces documents sous la pression, alors même que nous n’avions pas été informé.es de nos droits.

Avant l’audition libre pour certains mais après pour d’autres, on nous a annoncé qu’on allait nous prendre en photo et enregistrer nos empreintes digitales au fichier de Traitement d’Antécédents Judiciaires, ce qui est absolument illégal, selon www.service-public.fr : "S’il n’y a pas d’autre moyen d’établir l’identité, le procureur (ou le juge d’instruction) peut autoriser la prise d’empreintes digitales et de photos seulement. La vérification d’identité donne lieu à un procès-verbal." Or nous avions immédiatement justifié nos identités, aucune demande ne semble avoir été faite au procureur.e, et la prise d’empreintes digitales et de photos n’a pas été mentionnée au procès-verbal.

On nous a également demandé de donner des détails incongrus et intimes sur nous tels que notre pointure de chaussures, si nous avions tatouages, cicatrices et piercings, comme si nous étions de dangereux terroristes. Certaines policières continuent de nous dénigrer pendant cet énième interrogatoire : "ça doit venir de l’éducation" "j’espère que mes enfants ne deviendront pas comme ça".

Au bout de 3 heures on nous laisse enfin sortir du poste de police, pile quand la manifestation organisée par la CGT devant le gymnase où Manuel Valls est venu faire son petit spectacle se termine. On nous a remis à chacun un Rappel à la Loi, aux durées complètement arbitraires : certain.es sont tenu.es de ne pas commettre d’autre infraction dans un délai de 6 mois quand d’autres le sont pendant un délai de 3 ans, sans lien apparent avec sa possession ou non de "matériel de manifestation".

Nos camarades venus prendre de nos nouvelles au commissariat, inquiets qu’aucun.e d’entre nous ne réponde au téléphone donc soupçonnant que nous nous étions fait.es embarquer, se sont vus refuser toute information : les policier.es n’ont pas confirmé qu’ils nous retenaient et leur ont seulement dit de partir.

Ce qui s’est passé le 18 mai est extrêmement grave, il s’agit d’un fichage et d’une détention injustifiés de militant.es, c’est une pratique autoritaire qu’il faut absolument dénoncer.


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