RSS articles
Français  |  Nederlands

Drame au béguinage

posté le 13/03/15 Mots-clés  luttes sociales  sans-papiers  solidarité 

Je partage ce message par rapport au drame qui a eu lieu à l’église du béguinage dernièrement, où des réfugié afghans vivent encore aujourd’hui, toujours en demande de régularisation en Belgique. Même si une partie d’entre eux a été régularisée, même si leur lutte dure déjà depuis deux ans, certains sont toujours en train de se battre pour avoir le droit à une vie digne...

"Moheb, notre ami afghan, avait 48 ans, mais il en paraissait bien 70. Il était marqué par une vie qui ne lui a jamais fait de cadeaux. On l’appelait « le vieux Moheb » . Moheb est mort ici, chez nous, dans une église, alors qu’il était ici justement pour ne pas se faire tuer en Afghanistan.
Cela fait 15 mois que plusieurs d’entre nous fréquentons et soutenons les Afghans qui occupent l’église du Béguinage. Moheb était toujours présent dans l’église, discret et calme, assis ou couché sur son matelas car il était malade, diabétique.
Nous étions fort préoccupés par lui et de ce qu’il pouvait bien devenir. Les autres Afghans, plus jeunes, s’en faisaient aussi pour lui et ils s’en occupaient comme d’un père. Il parlait en néerlandais, mais il avait peu de vocabulaire, alors qu’il avait tout de même habité un bon bout de temps en Flandres. Avant, il avait un travail, ce qui lui permettait d’envoyer de l’argent à sa femme et ses 8 enfants restés là-bas et vivant dans la plus grande précarité. Il s’en faisait beaucoup pour eux et il essayait de leur téléphoner le plus possible. Il aurait tant voulu leur envoyer des bonnes nouvelles d’ici. Par exemple qu’il reçoive la protection en tant que victime de guerre et qu’il puisse vivre et travailler en paix pour aider sa famille qu’il a dû abandonner à cause de cette guerre. Il expliquait que quand son dossier de demande d’asile a été refusé la première fois, le choc a été tellement grand qu’il en a oublié le néerlandais. Pourtant, ça lui revenait parfois par vagues, quand il se sentait bien. Car il ne manquait pas de courage et d’espoir : il attendait avec résignation qu’on vienne le sortir de cette église froide et humide pour le soigner. Il me disait dernièrement que son dossier médical avait été accepté et que ce n’était plus qu’une question de jours…
Et puis, il a reçu cet avis négatif, avec l’ordre de quitter le territoire, il y a tout juste quelques jours. Il a pu en informer sa femme par téléphone, il était en pleurs.
Et puis, il y a eu cette malheureuse altercation avec un autre Afghan, lui aussi avec une histoire personnelle lourde, faite de drames, déboires et déceptions.
En tant que diabétique Moheb avait parfois, en cas de manque d’insuline, des montées d’agressivité. Tout d’un coup, il se mettait à insulter les siens, sans aucune raison. Il se faisait toujours rabrouer par les autres Afghans qui lui disaient qu’il n’avait pas le droit de parler de la sorte dans une église et qu’ils avaient tous leurs problèmes. Et puis vendredi soir, les insultes sont tombées sur ce gars, qui n’a pas supporté une remarque très personnelle. Le gars était revenu d’Allemagne où il avait retenté sa chance mais l’Allemagne l’avait renvoyé en Belgique. Entretemps il a perdu sa femme et ses enfants dans l’histoire. Il avait réintégré l’église depuis quelques jours seulement. A cran, il n’a pas supporté les paroles de Moheb et dans un excès de colère, il a commis l’irréparable.
Lui aussi est une victime de notre politique d’immigration inhumaine. Quand on se fait traiter comme un sous-homme, on le devient. C’est même pire que cela : ils n’ont simplement pas droit à une vie. Ce sont des vies volées, des vies perdues, alors qu’ils ont tant de choses à offrir, à expérimenter, à prouver, à vivre. Au lieu de ça, ils doivent vivre cachés, dans la crainte et la méfiance, sans pouvoir respirer, étudier, travailler, s’amuser, se loger correctement, aimer quelqu’un, fonder une famille, toutes ces choses à laquelle on aspire dans une vie.
Moheb est mort, c’est peut-être encore lui le mieux loti dans l’histoire. Et que vont devenir les Afghans du Béguinage ? Je voudrais en profiter une fois de plus pour témoigner de toute mon admiration pour ces personnes courageuses et dignes malgré les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles elles vivent (sans eau, sans toilettes, sans électricité, promiscuité constante, pas moyen de se laver, cuisiner, … on pèterait un plomb pour bien moins que ça). Leur combat continue. Ils luttent encore toujours pour obtenir des papiers et nous (un tout petit groupe, mais bien décidé) faisons tout pour les aider et nous ne les lâcherons jamais, surtout pas maintenant.
Nous sommes de tout coeur avec la famille de Moheb et lui assurons que nous resterons à ses côtés. De même qu’aux côtés de nos amis afghans et autres réfugiés et sans-papiers.

Pour info, le corps sera rapatrié en Afghanistan avec l’aide de la mosquée et de la communauté afghane. Nous faisons une collecte pour aider la famille de Moheb, chaque petit don est précieux. Vous pouvez verser sur mon compte BE36001451457981 (Sandrine Devers) avec comme communication "pour la famille de Moheb". Nous leur ferons parvenir le plus rapidement possible.


posté le Alerter le collectif de modération à propos de la publication de cet article. Imprimer l'article
Commentaires
  • Aucun commentaire

Avertissement

Les commentaires ont pour objectif de compléter l’information donnée dans l’article, argumenter, apporter une interrogation ou un questionnement par rapport au sujet de la contribution. Les avis personnels qui n’apportent rien de plus à l’article pourront être considérés comme discussion de forum ne répondant pas aux objectifs pré-cités.Tout commentaire ne répondant pas à ces objectifs, ou étant contraire aux règles éditoriales sera supprimé définitivement du site.

Lien vers la politique éditoriale du collectif

le site est archivé