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Ecriture « inclusive » ou posture élitiste au service de l’idéologie dominante ?

posté le 10/12/17 par Yves Mots-clés  réflexion / analyse 

Précédée par plusieurs années de « féminisation » et de « genrisation » de l’orthographe et de la grammaire dans les milieux universitaires de gauche et gauchistes (où l’on retrouve le plus souvent les mêmes personnes, même si elles ne font pas carrière dans les médias ou l’université) la discussion prend actuellement de l’ampleur dans les médias français, déclenchant toutes sortes de polémiques qui nous détournent des questions essentielles, celles de l’exploitation et des dominations réelles.

Dans cette discussion biaisée, une seule question nous intéresse :
La féminisation de l’orthographe et de la grammaire a-t-elle un lien déterminant, essentiel, avec la domination des hommes sur les femmes ou avec le système dit du « patriarcat » ?

S’il s’agit de mettre la marque du féminin à des mots habituellement masculins comme auteur, écrivain, pompier ou soldat, cela ne me pose aucun problème, mais cette réforme ne changera rien à la domination masculine dans toutes les sociétés existantes.
Par contre, les promoteurs et promotrices de ces réformes avancent des raisons idéologiques
« radicales » qui ne tiennent pas debout sur le plan historique et politique, seule dimension qui nous intéresse ici.
Je ne prendrai que deux exemples :
1. De nombreuses langues asiatiques ne comportent aucune marque du genre (féminin ou masculin) dans les articles (inexistants), les adjectifs et les verbes. Cela n’est nullement le signe d’une domination masculine moins importante. Je dirais même bien au contraire. Les sociétés asiatiques marquées notamment par le confucianisme et le bouddhisme sont des sociétés particulièrement
« patriarcales », y compris depuis qu’elles sont entrées dans la modernité et la mondialisation capitalistes. L’absence de domination du masculin sur le féminin dans la grammaire et l’orthographe de ces langues n’a eu aucune conséquence sur ces sociétés asiatiques qui constituent une part très importante de la population mondiale, n’en déplaise aux postmodernes européens et américains.
2. Certains universitaires et journalistes invoquent le fait que jusqu’au XVIIIe siècle le masculin ne l’emportait pas sur le féminin dans la grammaire française. Mais ils se tirent eux-mêmes une balle dans le pied parce que cela supposerait qu’avant le XVIIIe siècle la société française aurait été moins
« patriarcale » qu’après... J’attends avec impatience que nos réformateurs de l’orthographe nous le démontrent mais je crains fort qu’ils en soient incapables. Ce qui n’a aucune importance pour eux puisqu’ils propagent une idéologie complètement idéaliste et irrationnelle.
En effet, l’idéalisme en politique (qui se manifeste ici par la croyance antimatérialiste selon laquelle la langue et la grammaire formateraient radicalement les rapports de domination et d’exploitation) ne convainc que celles et ceux qui ne sont pas très difficiles sur la qualité scientifique et rationnelle des idées qu’ils reprennent à leur compte.
Fondamentalement, tout ce bruit médiatique ne couvre qu’une seule chose : selon l’idéologie bourgeoise dominante aujourd’hui, y compris à gauche et à l’extrême gauche, il suffirait de changer le langage et la grammaire pour significativement changer la société et il faudrait multiplier les lois régulant l’expression écrite et orale pour permettre une véritable égalité entre les hommes et les femmes.
Le vieux mouvement ouvrier (qu’enterrent tous les postmodernes, les gauchistes et les féministes1) avait lui une perspective plus concrète et réaliste : les rapports de domination et d’exploitation se
1 Une récente émission sur France Culture expliquait que selon une récente enquête internationale, lorsque les entreprises sont dirigées et encadrées par des femmes, la productivité (donc

changent uniquement par la lutte commune et constante des exploités, quel que soit leur sexe ou leur origine ethnique ou nationale. Les réformes démocratiques et les conquêtes juridiques, toujours partielles et temporaires, n’ont de sens que si elles sont soumises à la pression organisée des travailleurs et des travailleuses qui doivent rester constamment sur leurs gardes et si possible à l’offensive et ne jamais se laisser par les beaux discours, les manœuvres, des capitalistes, des gestionnaires d’entreprise et des bureaucrates syndicaux ou partidaires.
Tout le reste n’est que du blabla élitiste.
Chacun sait que dans cette société les postes de pouvoir reviennent, dans l’immense majorité des cas, à celles et ceux qui maîtrisent bien l’orthographe et la grammaire (ou en tout cas qui sont épaulés par des experts et des expertes en communication écrite et orale chargés de fabriquer leur image et de justifier leur domination au nom d’une « compétence », y compris linguistique, souvent imaginaire).
Les militants et militantes de gauche, d’extrême gauche, féministes ou anarchistes qui sont passés par les bancs de l’université depuis, disons, une vingtaine d’années partagent les illusions de leurs enseignants et enseignantes élitistes, postmodernes, qui leur font croire que changer la langue et la grammaire permettrait de changer la société.
S’ils veulent renforcer le fossé social et culturel qui sépare les exploités des exploiteurs, ces militants et ces militantes n’ont qu’à continuer dans la voie qu’ils ont choisie. D’ailleurs leurs tracts, leurs articles et leurs livres écrits dans une langue de bois élitiste et de surcroît illisible en sont le triste témoin.
Mais qu’ils ou elles ne nous vendent pas leur élitisme petit bourgeois et leur idéalisme antimatérialiste pour une tentative de changement égalitaire !
Inventer une nouvelle langue élitiste et pour initiés (voire une novlangue comme en témoigne le terme « inclusive » qui accompagne ce marketing idéologique) n’a rien à voir avec le combat pour la suppression des différentes formes d’exploitation et de domination ! Et tout à voir avec une posture radicale-chic, symptôme de leur impuissance politique camouflée par une arrogance linguistique !

Y.C., Ni patrie ni frontières, 12/11/2017

http://www.mondialisme.org/IMG/pdf/inclusive_ou_eI_litiste_ajout_16_novembre_.pdf


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