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Édouard Drumont, maître à penser de Mme Houria Bouteldja : les Indigènes de la République réussissent leur examen d’entrée dans l ’ extrême droite nationaliste françaies.

posté le 24/08/18 Mots-clés  antifa 

Dans une allocution à la Maison de la Littérature à Oslo, le 3 mars 2015, lors d’une conférence sur le thème « Minorités, nationalisme et États-Nations », allocution intitulée « Racisme(s) et philosémitisme d’Etat ou comment politiser l’antiracisme en France », Mme Houria Bouteldja, porte-parole du Parti des Indigènes de la République, a récemment dénoncé le prétendu « philosémitisme » des gouvernements français et les Juifs qui joueraient le rôle de « bonne conscience blanche ». En effet, selon elle, « les Juifs » occulteraient « la mémoire de la traite négrière », la mémoire du colonialisme « blanc », mais aussi « la mémoire du génocide des Tziganes » – ce qui expliquerait l’hostilité « de la part des sujets post-coloniaux envers les Juifs » qui les voient comme les « enfants chéris de la République ». Selon Mme Bouteldja, les Juifs seraient aussi les « porte-paroles de l’Occident ou plus exactement ses goumiers notamment par le biais d’un autre État-Nation colonial : Israël ».

Croyant sans doute innover en dénonçant le « philosémitisme d’Etat » (1), Mme Bouteldja rejoint ainsi une vieille tradition de l’extrême droite gauloise antisémite qui va d’Edouard Drumont à Alain Soral....

En effet, dans ses polémiques contre les partisans de l’innocence du capitaine Dreyfus, l’écrivain antisémite Edouard Drumont dénonçait déjà ceux qu’il appelait les « philosémites », qui, pour lui, étaient des traîtres, des individus en voie de devenir « juifs ». Dès la première page de La Libre parole il dénonce « le philosémite Leroy-Beaulieu ».

Dans un article de Jean-Paul Honoré (« Le vocabulaire de l’antisémitisme en France pendant l’affaire Dreyfus », Mots, mars 1981, n° 2, pp. 73-92), on découvre que la notion de « philosémitisme » est utilisée depuis longtemps comme un euphémisme pour dénoncer ceux qui luttent contre l’antisémitisme... d’Etat ou populaire. A l’époque, le concept de « politiquement correct » n’avait pas encore été inventé, mais l’extrême droite antisémite française dénonçait déjà le « philosémitisme » et les « compromissions philosémites ».

On m’objectera que le terme de philosémitisme est employé dans les milieux universitaires et intellos et qu’elle n’est pas seulement péjorative. C’est ainsi, par exemple,qu’un journaliste du quotidien « Haaretz », Yitzhak Laor, a publié un livre, cité d’ailleurs par Mme Bouteldja dans son allocution d’Oslo, ouvrage intitulé « Le nouveau philosémitisme européen ».

A propos du terme « philosémitisme », on pourra lire l’article de Catherine Poujol publié dans la revue Archives juives (2007, 1, vol. 40, http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=AJ_401_0014) « Oscar de Férenzy ou les limites du philosémitisme dans l’entre-deux-guerres ». L’auteure conclut ainsi son article : « Je partage en cela la définition que Pierre Pierrard donne du “philosémitisme” : “un contre-courant formé soit par humanisme, soit par conviction religieuse, né après la Shoah, grâce à Jules Isaac en France et au concile Vatican II ; courant qui a fait alors un grand bond en avant”. Je crois, en effet, que ce contre-courant chrétien a été une conséquence de la tentative génocidaire qu’a vécu le peuple juif, dans la mesure où des chrétiens se sont alors posés, sans aucun prosélytisme, comme gardiens d’Israël aussi bien d’un point de vue territorial (approbation de la création de l’État et défense de cette existence) que catéchétique (enseignement de l’estime et épuration des manuels et de la liturgie). »

Mais l’auteure de l’article remarque quand même, à propos de la presse chrétienne des années 30 qui se prétendait « philosémite » : « Ces philosémites-là font la distinction entre les valeurs judéo-chrétiennes que le peuple juif véhicule et auxquelles ils adhèrent, et leur aversion traditionnelle pour le rôle supposé néfaste des Juifs dans le monde politique et dans l’économie, pour eux indiscutable. »

Pour ma part, je me méfierai donc toujours des « philosémites », chrétiens ou athées, de droite ou de gauche, mais pas du tout pour les raisons avancées par l’extrême droite complotiste et Mme Bouteldja du PIR. Tout simplement parce que des gens qui se prétendent « philosémites » ne défendent ni un point de vue de classe, ni une position anti-étatique ou anti-nationaliste....

Le site qui a pris le nom de « philosémitisme » est d’ailleurs aujourd’hui un site favorable à l’extrême droite pro-israélienne (Rioufol, Goldnagel, etc.), et c’est donc effectivement un terme à proscrire, surtout si l’on est un adversaire résolu de l’antisémitisme, d’où qu’il vienne, des gouvernants ou des exploités, des athées ou des croyants, de la droite ou de la gauche.

Aujourd’hui, au XXIe siècle, le terme de « philosémite » n’est pas simplement utilisé par des intellectuels pour discuter en petit comité, ou par des militants de l’extrême droite sioniste-raciste, il fait aussi partie du langage codé que pratiquent les internautes antisémites de base car il est inséparable de tout un raisonnement complotiste selon lequel les gouvernements du monde (et notamment ceux des Etats-Unis et de la France) seraient contrôlés par « les Juifs ».

Dans le langage politique courant, "philosémite" est clairement une insulte utilisée par les Gaulois d’extrême droite depuis un siècle pour désigner les "souchiens" qui prennent le parti des Juifs et des juifs.....

Et cela, Mme Bouteldja ne peut l’ignorer, pas plus qu’elle ne peut ignorer qu’en dénonçant un « philosémitisme d’Etat » et en employant sans cesse l’expression « les Juifs », elle participe à une racialisation politique négative des 600 000 juifs ou Juifs français qui sont aussi divers politiquement et socialement que les « musulmans » ou les « sujets post-coloniaux » dont cette dame prétend se faire le porte-parole.

Pour illustrer l’ignominie de sa démarche, je prendrai quelques exemples de l’usage actuel de l’expression « philosémitisme » dans les milieux d’extrême droite gaulois, composés d’individus peut-être « blancs » mais certainement aussi réactionnaires que Mme Boutelja.

Tout d’abord cette citation d’une crapule qui a choisi le pseudonyme caractéristique de « Bonsens66 », dans la rubrique commentaires de l’hebdomadaire réac « Le Point » :

« Chacun sait qu’en France ces fameuses élites, celles qui "font le politiquement correct" sont philosémites. Le monde agricole, ouvrier, employé ou marginal (l’énorme majorité de l’opinion publique) n’a pas les mêmes intérêts à se montrer favorable à ceux qui se sont réservés les métiers, les fonctions qui écrèment l’économie nationale. »

Cette prose date de 2012 et elle n’est pas du tout l’expression d’un seul allumé du clavier.

C’est ainsi que Pierre Driancourt, dans un numéro de National-Hebdo de 1991 écrit à propos du groupuscule fasciste antisémite L’Oeuvre française : « Ainsi, le philosémitisme et le sionisme en vogue jadis dans le camp national tendent aujourd’hui à disparaître, de même qu’une certaine propension à cautionner une politique atlantiste ou libéraliste. »

Le site fasciste « Le bréviaire des patriotes » présente de façon élogieuse un livre de Bernard Lazare (« L’antisémitisme, son histoire et ses causes », réédité par le fasciste Alain Soral) parce qu’il balaie les arguments des « philosémites qui eux voyaient dans les Juifs un peuple maltraité parce que différent, parce qu’unique, jalousé et persécuté en conséquence par toutes les sociétés du monde ».

Un certain « Nico » qui se dit d’ailleurs « philosémite » ( ?!) écrit dans la rubrique commentaires du journal (de gauche ?) CQFD, sans que ses propos soient censurés ou fassent même l’objet de critiques : « J e constate que de plus en plus de postes de pouvoirs et stratégiques de mon pays sont occupés par des français-juifs ! »

Ces différents individus qui défendent des idées d’extrême droite rejoignent ainsi tout à fait les propos de Mme Bouteldja nous incitant à dénoncer le « philosémitisme (2) d’Etat » qui régnerait selon elle en France depuis 1945 et ferait des Juifs les supplétifs de l’impérialisme français et du néocolonialisme « blanc ».

Le PIR mérite bien son nom : il est devenu un courant parfaitement autochtone, qui a totalement intégré le logiciel nationaliste français. Bienvenue au club, mesdames et messieurs les Indigènes de la République !


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