L’atroce assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre 2020, aurait dû entraîner une réelle union nationale autour du deuil nécessaire et du soutien à la famille de la victime, aux enseignants et élèves du collège, à toute la ville de Conflans-Sainte-Honorine. Il devrait servir à penser la question des exclus de la République, il devrait permettre une réflexion approfondie sur la recherche des causes qui produisent de tels crimes, et sur les effets de l’exclusion, de la marginalisation qui ouvrent le chemin vers un fanatisme assassin revendiqué par une frange ultra minoritaire des populations qui les subissent et qui n’a rien à voir avec l’Islam vécu par l’immense majorité des Musulmans de notre pays.
Au lieu de cela c’est une déferlante anti musulmane globalisée conduite par le gouvernement français à laquelle nous assistons ces derniers jours. L’union nationale qui est appelée est exclusive, c’est une véritable croisade qui étend la responsabilité du crime à tous les musulmans. A la fois sommés de se désolidariser d’un crime avec lequel ils n’ont rien à voir et qui les affecte autant que tous les autres français , et rejetés vers la responsabilité collective de ce crime. Leurs institutions sont menacées, leurs associations violemment perquisitionnées. Et menacées d’interdiction. Est-ce ainsi que la République envisage le lendemain ?
La politique du clivage et de la division entamée depuis longtemps autour des Musulmans, venait précisément de prendre un tournant avec le projet de loi contre les séparatismes qui devait conclure la (première) crise du Corona.
Cette politique a préparé le terrain depuis des années, accusant les Musulmans de ne pas respecter la laïcité, d’être le nid d‘un fanatisme meurtrier ultra minoritaire qui se revendique de l’islam , de refuser la liberté d’expression en priorisant la loi religieuse sur la loi républicaine. Les attentats de janvier et novembre 2015 ont permis le développement d’une défiance antimusulmane généralisée et organisée par les gouvernements et par les médias. Défiance qui s’est installée d’autant plus aisément qu’elle se prétendait fondée sur des valeurs démocratiques comme la laïcité et la liberté d’expression opposées aux 5 millions de musulmans, ou supposés tels, accusés de ne pas les respecter. Quel groupe humain accepterait d’être pris en otage par les actes meurtriers de quelques fanatiques et considéré responsable de ces crimes ?
Le développement des actes racistes antimusulmans a été constaté ces dernières années dans tous les rapports de la CNCDH. Le pouvoir a nié l’existence même de l’islamophobie et annonce vouloir interdire les organisations qui luttent contre les actes racistes, les discriminations et pour le vivre ensemble.
La victoire de ces attentats terroristes, c’est d’avoir permis la généralisation de discours vénéneux contre les Musulmans et l’Islam et d’avoir fait reculer la démocratie. Or ce sont précisément les Musulmans qui sont privés du droit à la parole (qui a entendu des musulmans dans les médias ces derniers jours ?), qui sont quotidiennement menacés et atteints dans leurs droits civiques.
Les interdictions d’associations musulmanes annoncées dont celle de l’association humanitaire Baraka City et du CCIF association de défense des droits humains sont d’autant plus scandaleuses qu’elles prétendent s’inscrire dans la défense de la démocratie menacée. Nous sommes indignés par les accusations infondées portées contre un membre de notre plateforme antiraciste, le CCIF, à qui il est scandaleux de vouloir attribuer un quelconque rapport avec le fanatisme criminel, pour servir des intérêts fort éloignés des valeurs de la démocratie.
Nous, associations membres d’une plateforme antiraciste qui ne tolère le racisme sous aucune de ses formes, refusons la logique de guerre des civilisations qui est relancée par le crime odieux du 16 octobre contre un enseignant, pour que ce crime ne gagne pas nous appelons à une véritable union nationale autour de toutes les victimes du racisme et de l’exclusion.
BAN - CRAN - UJFP - Voix des Rroms
Le 20 Octobre 2020