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Grèce : le monde parallèle de Pierre Moscovici

posté le 25/08/18 Mots-clés  médias  répression / contrôle social  économie 

Pierre Moscovici était l’invité de la matinale de France inter le 20 août dernier. Il a pu ainsi nous apprendre que la Grèce était sortie d’affaire. N’hésitant pas à clamer que c’était « un jour historique pour la Grèce », que celle-ci pouvait désormais « marcher seule sur ses deux pieds », il nous a en fait fourni les preuves qu’il vivait bien dans un monde parallèle.

Pierre Moscovici était l’invité de la matinale de France inter le 20 août dernier. Le Commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, à la fiscalité et à l’union douanière a pu ainsi nous apprendre que la Grèce, après presque de dix années de crise, était sortie d’affaire, ou était du moins en passe de l’être. N’hésitant pas à clamer que c’était « un jour historique pour la Grèce », que celle-ci pouvait désormais « marcher seule sur ses deux pieds » grâce à l’assistance financière fournie par ses partenaires européens, « fruit d’une solidarité » certes difficile mais réelle, il nous a en fait fourni les preuves qu’il vivait bien dans un monde parallèle.

Suite à l’« aide » fournie par ses « partenaires », la situation de la Grèce est pourtant loin de faire rêver. Tandis que l’objectif avoué était de désendetter la Grèce, 90% des sommes prêtées lors des deux premiers « plans de sauvetage » – en 2010 et en 2012, qui représentent au total 240 milliards d’euros – vont servir à rembourser ses principaux créanciers privés – principalement des banques allemandes et françaises – afin de leur permettre de s’extraire d’une situation délicate dont ils sont pourtant en partie responsables. Car, contrairement au discours abondamment relayé par la désormais célèbre Troïka – Commission européenne, BCE et FMI –, la dette grecque n’est pas le fruit de dépenses publiques trop élevées puisque celles-ci sont en effet inférieures à celles des autres pays membres de la zone euro, à l’exception des dépenses dans le domaine de la défense – la Grèce y consacre 3% de son PIB contre 1,4% en moyenne pour les pays de la zone euro[1]. Elle est plutôt le résultat des taux d’intérêt élevés qui lui ont été appliqués, d’un manque à gagner fiscal dû à la fuite illicite des capitaux ou encore de la recapitalisation par l’État des banques privées touchées par la crise.

Après trois « plans de sauvetage » qui ont condamné la Grèce à l’austérité perpétuelle, le bilan est sans appel. Le PIB de la Grèce a baissé de 25 % depuis 2008 tandis que les salaires et les pensions de retraite ont diminué de 40 %, tout comme les dépenses de santé et d’éducation. Le système de santé public a ainsi vu ses effectifs amputés de 60 % tandis que la moitié des établissements scolaires fermaient leurs portes[2]. Le taux de chômage reste au-dessus des 20% même s’il a légèrement diminué depuis 2014. Près de 40 % de la population vit à la limite de la pauvreté ou de l’exclusion sociale[3]. Le taux de suicide a cru de plus de 40% entre 2009 et 2016. Quant à la dette publique, que les politiques imposées par la Troïka étaient supposées réduire, elle est passée de 110 % du PIB en 2008 à… 180 % aujourd’hui.

Il est dès lors difficile de partager l’optimisme de Pierre Moscovici, a fortiori quand, dans un pays de 10 millions d’habitants, 500 000 jeunes de 20 à 30 ans l’ont quitté depuis 2008… Mais rien n’arrête l’indécence de notre Commissaire européen, qui fustige « l’inconséquence et la démagogie de [Yannis] Varoufakis » – l’éphémère ministre des finances grec en 2015 qui osa s’élever contre l’inanité et l’inefficacité des politiques d’austérité – et les « mesures irresponsables » qu’il proposait alors, qui se résumaient à sortir de la logique mortifère de l’austérité. A moins qu’il ne règle ses comptes avec celui qui l’avait dépeint comme faible et opportuniste[4]…

Mais Pierre Moscovici a un grand cœur et, s’il salue la « mission réussie » de l’Union européenne, il milite pour que des mesures sociales soient prises. Petit bémol, celles-ci devront être prises dans le cadre (le carcan ?) de la « surveillance renforcée » que l’Union européenne et le FMI vont exercer afin de voir si la Grèce respecte bien ses engagements à poursuivre l’application de mesures qui ont montré toute leur inefficacité, ce que notre Commissaire européen, jamais à cours d’euphémisme, qualifie de « solidarité bienveillante ».

La Grèce ne va malheureusement pas « marcher seule sur ses deux pieds » mais plutôt sur ses deux moignons.


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