Hécatombe dans les asiles psychiatriques belges durant la guerre 14-18
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À la veille de la Première guerre mondiale, la Belgique compte environ 20.000 personnes internées dans des institutions psychiatriques. Hébergées dans des grandes structures, tributaires des rations officielles, celles-ci seront touchées durant la guerre par une surmortalité hors norme. C’est à cette population fragilisée et oubliée par un grand nombre, que Anne Roekens professeure d’histoire à l’Université de Namur et Benoît Majerus professeur à l’Université du Luxembourg consacrent leur ouvrage « Vulnérables. Le sort des patients psychiatriques en Belgique (1914-1918) », publié par les Presses universitaires de Namur. Un éclairage inédit sur la première guerre mondiale !
Derrière l’image consensuelle d’une petite Belgique unie dans l’adversité du premier conflit mondial, se dessinent des réalités bien complexes. Un des angles morts de ces années de guerre réside dans le sort des patients psychiatriques. Internés dans de grandes structures ceux-ci sont touchés par une surmortalité hors norme. Sans que cela n’émeuve grand monde…
Cent ans plus tard deux historiens, Anne Roekens de l’Université de Namur et Benoît Majerus de l’Université de Luxembourg, se sont plongés dans les rares archives d’institutions psychiatriques, de congrégations religieuses, notamment, pour découvrir les parcours de centaines de patients psychiatriques durant la Première guerre mondiale en Belgique.
Dans cet ouvrage, Anne Roekens et Benoît Majerus évaluent le plus précisément possible la surmortalité qui sévit au sein de cette population psychiatrique et expliquent les actes et les omissions qui ont mené à un tel état de fait : quelles circonstances de guerre (déplacement de patients, pénuries, atermoiements politiques), quels processus ou dysfonctionnements ont fragilisés et décimés une catégorie sociale déjà marginalisée avant le conflit ?
Une étude qui vise à enrichir les recherches actuelles dans l’histoire de la psychiatrie et de la Première Guerre mondiale en Belgique et qui offre un éclairage nouveau sur le système des valeurs des Belges à l’époque. Elle montre aussi à quel point un contexte de crise approfondit les processus d’exclusion existant en temps de paix.
Originalité : un texte très court (moins d’une centaine de pages), dont l’écriture fluide est animée par les « bribes de vie » d’Elise, une femme internée touchée personnellement par les événements de la guerre et par le contexte d’occupation. Ce jeu d’écriture « cinématographique » permet au lecteur de percevoir avec davantage de réalisme la profonde détresse humaine que révèle cette analyse.
Extrait : « 22 décembre 1916 - Élise fixe d’un regard morne l’écuelle que Sœur Julienne vient de poser sur la table du réfectoire. La soupe est aussi transparente qu’une tisane de menthe. Sœur Agathe, elle, distribue des tranches de pain noir qui, de jour en jour, paraissent plus minces. Chaque aliénée retient son souffle, dans l’espoir de recevoir une croûte un rien plus épaisse que celle de ses voisines… Un silence de mort règne dans la pièce emplie de cris il y a encore quelques minutes. Folles ou pas, les patientes le savent toutes : il faudra attendre Noël pour manger un tout petit bout de viande … »
(…) Les conditions de vie dans les asiles belges se durcissent tout au long du conflit. La survie des patients est en jeu. Mais qui en prend conscience ? Qui entreprend l’une ou l’autre démarche pour écarter la menace de mort qui plane autour des malades mentaux ? Sur le terrain, en tout cas, les directeurs d’établissement (qu’ils soient ou non supérieurs d’une congrégation) ne peuvent que constater le caractère problématique du fonctionnement des asiles et de la gestion de leurs populations en temps de guerre. Avec plus ou moins de pugnacité et de réussite, nombre d’entre eux prennent des initiatives pour améliorer le sort des patients qui sont à leur charge.
Les auteurs
Anne Roekens : professeure d’histoire contemporaine à l’UNamur
Benoît Majerus : professeur d’histoire contemporaine à l’Université du Luxembourg
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