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Historique : La radio de la CNT-FAI - 1936

posté le 17/11/17 par Ernest Alós (traduction : Floréal Melgar) Mots-clés  médias 

La programmation de la station ECN1, depuis ses studios situés au quatrième étage du siège réquisitionné de Foment, le patronat catalan, commençait et se terminait sur l’air de Hijos del pueblo (« Hijos del pueblo, te oprimen cadenas / Y esa injusticia no puede seguir ») [1] et d’A las barricadas (« Negras tormentas agitan los aíres / Nubes oscuras nos impiden ver ») [2].

Dans la programmation figuraient des allocutions de Durruti, Federica Montseny, Juan Peiró, Juan García Oliver ou Marianet, des informations consacrées à la guerre, des chroniques venues des premières lignes depuis la colonne Durruti, des reportages, et les programmes habituels diffusaient des conférences contre la prostitution ou en faveur de la pédagogie moderne ou sur l’hygiène. Toutes ces paroles, bien que non enregistrées, ne se sont pas toutes envolées au vent.

L’écrivain Ferran Aisa en a récupéré dans son dernier livre, ECN1, Radio CNT-FAI Barcelone. La voix de la révolution (éditions Entre Ambos).

L’ouvrage, comprenant une introduction consacrée au contexte dans lequel fut créée la station du mouvement anarchiste, active de septembre 1936 à juin 1937 – moment où elle cessa d’émettre après les événements de mai –, et une vaste sélection des contenus d’émissions, a été rendu possible parce qu’une partie de la programmation était retranscrite pour être publiée dans la presse anarchiste de Barcelone, ou en brochures ou sur feuilles volantes. Quelques émissions – peu – furent enregistrées sur disque ou filmées (les magnétophones n’étaient pas encore arrivés).
Avec Radio Barcelone contrôlée par le gouvernement de la République, et Radio Associació du côté de la Generalitat, la CNT prit dès juillet 1936 le contrôle de Radio Badalona, la Voz de la Costa (la future Radio Miramar), et ensuite, comme le firent également le POUM, l’UGT et le PSUC, lança le 3 septembre sa propre station, encadrée par le bureau de propagande de la CNT-FAI que dirigeait depuis le siège du mouvement, dans l’immeuble réquisitionné du patronat catalan, le journaliste Jacinto Toryho, également directeur de la station et du quotidien Solidaridad obrera. Sous sa direction, et avant même la création du Commissariat de propagande de la Generalitat, toutes les activités – la presse anarchiste (Solidaridad obrera, La Veu de Catalunya ainsi que Tierra y Libertad, le journal de la FAI), les meetings, les conférences, les spectacles, les informations – étaient coordonnées. Elles fournissaient le contenu de la radio, qui se distinguait en combinant les langues catalane et castillane, à la différence de Radio Associació, et par ses espaces de diffusion, aux heures de moindre audience, en espéranto, portugais, allemand, français, anglais, russe, suédois, italien, tchèque, polonais ou arabe.
« Le rôle de la radio fut moindre durant la Première Guerre mondiale, la guerre civile fut la première à se faire aussi par les ondes, rappelle Ferran Aisa, auteur de plusieurs livres sur l’anarchisme et lauréat du prix Ciutat de Barcelona pour son travail sur l’Ateneu Enciclopèdic Popular. Son but était la propagande de guerre. Diffuser l’enthousiasme sur le front et à l’arrière-garde », précise-t-il.
Parmi les intervenants oubliés de ECN1 figure surtout Toryho lui-même (qui, en exil, travaillera pour Canal 7 de Buenos Aires) et les noms de Joaquín Montero, Jaume R. Magriñá, Ada Martí et pratiquement toute la rédaction de Solidaridad obrera, qui offraient une version à lire au micro du contenu quotidien du journal de la CNT.
Les positions officielles de la CNT étaient retransmises dans les moments clés (se démarquant de l’action des patrouilles incontrôlées, fixant la position de l’organisation sur le catalanisme [voir la déclaration de Jacinto Toryho ci-dessous], défendant le fédéralisme ibérique ou appelant au calme durant les événements de mai 1937), mais la programmation, qui était chaque jour annoncée dans la presse, comme le sont aujourd’hui les programmés télé, comprenait des émissions régulières, comme « La boîte aux lettres du milicien » avec lecture de courrier venu du front et des exposés au contenu pédagogique par Mercedes Comaposada (féminisme), Floreal Ocaña, Violeta Baget ou Joan Puig Elies (pédagogie), Gonzalo de Reparaz (histoire), Félix Martí Ibáñez (sexologie et hygiène), Alberto Carcí (science et économie)… Les conférences et meetings des principaux dirigeants de la CNT étaient également retransmis, ainsi que des entretiens avec d’illustres visiteurs, comme Thomas Mann ou John Dos Passos. Aisa a sélectionné des matériaux restés inédits depuis leur diffusion en 1937 ; tous retransmis par les ondes, à l’exception d’une conférence de León Felipe qui ne fut pas diffusée « parce qu’il s’en prenait à tout le monde ».

Notes
[1] « Fils du peuple, des chaînes t’oppriment / Et cette injustice ne peut continuer ».
[2] « De noires tourmentes agitent les airs / De sombres nuages nous empêchent de voir ».
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    • La CNT et les libertés en Catalogne
      (déclaration de Jacinto Toryho, 29 juillet 1936)

« Du sinistre Cambó* jusqu’à l’extrême opposé de la politique catalane, presque tous les partis et journaux ont affirmé à plusieurs reprises que la FAI et la CNT sont des organismes exotiques et anticatalans (…). Ce ne sont pas des organisations exotiques. Elles sont nées toutes deux sur le sol catalan** ; elles se constituèrent dans une atmosphère rebelle, et de là gagnèrent tous les peuples de la péninsule Ibérique. La Catalogne est le berceau de la CNT. La Catalogne est la terre de la FAI. Dans ces organisations milite le plus grand contingent d’ouvriers catalans. Dans sa langue se répandent nos idées, dans sa langue et dans toutes les langues du monde. La CNT et la FAI portent le fédéralisme jusque dans la moelle. Mais leur fédéralisme est un fédéralisme sans frontières, sans barrières qui divisent, sans égoïsme de terroir. L’organisation confédérale et anarchiste combat avec la même ferveur et la même intensité le capitalisme de Catalogne que le capitalisme castillan. »


* Francesc Cambó : homme politique catalan, conservateur, fondateur de la Ligue régionaliste en 1901.
** En réalité, la FAI fut créée lors d’une réunion clandestine tenue sur une plage de Valence (qui ne se trouve pas en Catalogne) les 25 et 26 juillet 1927.


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