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Indigènes de la République sont des racistes et fascistes : les fractures de l’antiracisme

posté le 17/07/18 par https://www.lexpress.fr/actualite/societe/indigenes-de-la-republique-les-fractures-de-l-antiracisme_1934485.html Mots-clés  antifa 

Repli identitaire à potentiel explosif ou militantisme désespéré d’une mouvance exsangue ? Après la récente pétition en faveur d’Houria Bouteldja, les intellectuels s’inquiètent. Enquête.

Au début de l’été, une pétition signée par plusieurs intellectuels d’extrême gauche -dans laquelle on a la tristesse de trouver, au milieu d’obscurs inconnus en mal de reconnaissance et de quelques ternes philosophes sans œuvre, les noms d’Annie Ernaux et d’Isabelle Stengers- a appelé, avec lyrisme, à soutenir la personne et les thèses d’Houria Bouteldja, porte-parole du Parti des indigènes de la République (PIR).

Cette mobilisation fait suite à un éditorial à charge du patron du Monde des livres, Jean Birnbaum. S’en est suivi un trouble légitime, le discours du mouvement des Indigènes fédérant, selon le politologue Philippe Raynaud, "des courants contradictoires sur la base du ressentiment et de la haine". Les paroles indignées de l’essayiste et universitaire Laurent Bouvet, tenant pour un "crime contre l’esprit" que des universitaires se joignent à pareille pétition, témoignent elles aussi du malaise ressenti.

L’idéologie des Indigènes de la République

Que dit Mme Bouteldja, dont les vues sont récapitulées dans son livre Les Blancs, les Juifs et nous (La Fabrique, 2016) ? A lui seul, le titre est déjà tout un programme : une catégorisation selon la race fait son retour. La race explique tout. La race est la clef, comme la classe chez Marx. "La lutte de race [...] se produit tous les jours sous nos yeux", nous dit Houria Bouteldja qui, en substituant la "lutte de race" à la "lutte de classe", se place involontairement dans les pas des théoriciens racistes de la fin du XIX siècle.

Comme eux, elle développe un biologisme, envisageant les humains avec l’oeil d’un maquignon. Et exprime une vision des rapports sociaux qui rappelle la partie raciste de l’extrême droite de l’entre-deux-guerres. Elle glisse, nous confie Pascal Bruckner, "d’une protestation anticoloniale classique à un discours raciste et prosélyte au point de devenir un Ku Klux Klan islamiste".

Houria Bouteldja et les Indigènes fragilisent le contrat social.

Que dit Mme Bouteldja, dont les vues sont récapitulées dans son livre Les Blancs, les Juifs et nous (La Fabrique, 2016) ? A lui seul, le titre est déjà tout un programme : une catégorisation selon la race fait son retour. La race explique tout. La race est la clef, comme la classe chez Marx.

    • "La lutte de race [...] se produit tous les jours sous nos yeux", nous dit Houria Bouteldja qui, en substituant la "lutte de race" à la "lutte de classe", se place involontairement dans les pas des théoriciens racistes de la fin du XIX siècle.

Comme eux, elle développe un biologisme, envisageant les humains avec l’oeil d’un maquignon. Et exprime une vision des rapports sociaux qui rappelle la partie raciste de l’extrême droite de l’entre-deux-guerres. Elle glisse, nous confie Pascal Bruckner, "d’une protestation anticoloniale classique à un discours raciste et prosélyte au point de devenir un Ku Klux Klan islamiste".

Ce primat de la race la conduit à justifier et à exalter la haine de la France, des Blancs et des juifs, des institutions, de la police, bref tout un magma de passions obscures et dangereuses auxquelles succombe une partie de la jeunesse. Son antiracisme est moins une lutte contre le fléau réel du racisme que l’exacerbation assumée de tensions raciales, et ce, comme nous le précise l’écrivain colombien Pablo Montoya, qui vécut en banlieue parisienne, en "incendiant les esprits".

Un antiracisme racialiste de conception différentialiste

Résultat, l’antiracisme unitaire des années 1980 a explosé, laissant face à face deux conceptions irréconciliables : l’universaliste, à laquelle la guerre est déclarée, car supposée blanche et coloniale, et la différentialiste, qui se renverse aisément en un néoracisme.

Le PIR, Houria Bouteldja et leurs soutiens organisent le retour d’une vision de l’homme que l’on croyait renvoyée au grenier des idéologies disqualifiées par l’histoire. L’homme se définit de prime abord par sa couleur de peau, son appartenance ethnique, son clan racial et religieux. La domination est moins celle du capital que celle des Blancs et des juifs, qu’ils soient patrons du CAC 40 ou manutentionnaires chez Carrefour !

Pareille rhétorique ne s’entendait plus dans notre pays depuis l’écroulement du régime de Pétain. Pour preuve, cet étrange propos, livré en 2015 à la revue Vacarme : "L’un des angles morts de l’antiracisme français est de ne pas avoir résolu la question juive." Non seulement, selon cette dame, la question raciale vient en premier, mère de toutes les questions sociales et politiques, mais, en plus, il existe dans notre pays une "question juive" !

Devant pareil vocabulaire, Drumont peut se retourner d’aise dans sa tombe... "Bouteldja se sent un destin grandiose, elle est la France arabo-islamique en marche contre les Blancs et les juifs. Son livre soulève le coeur. Encore les juifs, toujours les juifs... décidément une maladie incurable", s’alarme l’écrivain Boualem Sansal.

Les ressorts d’une rhétorique

"Fusillez Sartre !", ordonne Houria Bouteldja dans son livre. Elle se justifie ainsi : "Sartre n’a pas su être radicalement traître à sa race. Il n’a pas su être Genet... qui s’est réjoui de la débâcle française en 1940 face aux Allemands, et plus tard à Saïgon et en Algérie. De la raclée de Diên Biên Phu. Parce que, voyez-vous, la France occupée, c’était bien aussi une France coloniale, n’est-ce pas ?"

L’acte d’accusation tombe : Sartre est mort blanc, car sioniste. Ces égarements d’un esprit en perdition ne seraient que comiques et pitoyables s’ils n’étaient l’indice d’un mal plus collectif, que l’essayiste et femme politique Lydia Guirous nous décrit : "Bouteldja symbolise la pensée d’une partie de la jeunesse issue de l’immigration qui a développé un rejet de la France, se construit en opposition systématique à notre système de valeurs." Intellectuellement, Bouteldja n’est rien ; sociologiquement, elle est un symptôme ; politiquement, elle est un haut-parleur.

Selon le politologue Pierre-André Taguieff, "il s’agit d’abord d’une rhétorique sollicitant avant tout le ressentiment contre les sociétés occidentales ’judéo-chrétiennes’". Ensuite, "d’un sociolecte militant, ou plus exactement d’un ’médialecte’ adapté aux attentes des ’jeunes des quartiers’, ce dialecte médiatique charriant des mots magiques au sens flou".

Enfin, d’un discours de style démagogique "visant à plaire à un public déterminé, à le mobiliser, à orienter ses engagements politiques et culturels en lui offrant une idéologie pseudo-révolutionnaire séduisante". Magma indigeste aux références non maîtrisées, la logorrhée de Mme Bouteldja est à double détente : elle cherche à enflammer à partir de délires identitaires le ressentiment d’une partie de la population, tout en agressant par sa violence verbale le reste des habitants, y compris l’ouvrier et l’employé blancs de peau. On frôle dangereusement un discours de guerre civile.

Du petit-lait pour les islamistes

Philippe Raynaud discerne un autre aspect : "La plupart des accusations portées par les adversaires de Houria Bouteldja et du PIR (antisémitisme, homophobie, ’racisme’ antiblancs, etc.) peuvent être acceptées, dès lors qu’on applique à ce mouvement les mêmes règles de méthode que l’on utilise pour analyser les mouvements d’extrême droite.

Comme Jean-Marie Le Pen en son temps, les IDR jouent sur un certain nombre de représentations imaginaires socialement identifiables et des jeux de mots douteux, qui sont en fait très clairs si on a un peu d’oreille (les ’souchiens’, que l’on peut comparer aux ’sidaïques’ ou à ’Durafour crématoire’)." Ces Indigènes paraissent avoir bien retenu la leçon de l’ex-leader d’extrême droite. Même usage des sous-entendus afin de réveiller les mêmes passions haineuses.

Boualem Sansal, qui continue de vivre en Algérie malgré la censure dont il fait l’objet, prolonge l’analyse : "Houria Bouteldja a trouvé la formule choc, qui allie la chahada islamique ’Je témoigne qu’il n’y a de dieu qu’Allah et que Mahomet est son prophète’ et le slogan du cheikh Ben Badis, fondateur de l’association des ulémas dans le mouvement nationaliste algérien des années 1930-1940, ’L’islam est ma religion, l’arabe est ma langue, l’Algérie est ma patrie’. Pour les islamistes, c’est du petit-lait, ils ne manqueront pas de recrues. Tout cela est bien inquiétant pour la république, pour la laïcité, pour la nation."

Comment expliquer certains soutiens ?

Mais comment rendre compte de l’attrait exercé par ces Indigènes autoproclamés ? D’après Pascal Bruckner, "leur soutien à peine voilé au terrorisme leur vaut la sympathie d’un certain nombre d’intellectuels et de médias fascinés par la violence".

Aux yeux de Philippe Raynaud, ces sympathies actives viennent "soit des professionnels de la protestation, qui entretiennent leur image en cultivant une posture critique avantageuse [...], soit des ’entrants’, qui s’efforcent d’acquérir une notoriété que leurs oeuvres ou leurs travaux ne suffisent pas à leur donner".

Boualem Sansal pointe l’attirance vers le pire, fréquente dans notre intelligentsia : "Lorsque la guerre civile faisait rage en Algérie, nombreux étaient ceux qui voyaient les assassins du FIS comme des combattants de la liberté, ils les ont défendus, invités, écoutés avec des yeux béats d’admiration."

Pour Pablo Montoya, ces soutiens s’expliquent par la culpabilité devant "le passé colonial de la France", rejeton dérisoire du "sanglot de l’homme blanc" relevé par Pascal Bruckner. Pierre-André Taguieff ajoute une explication : "On peut y voir le dernier avatar, plutôt piteux, de l’histoire des ’compagnons de route’, intellectuels, journalistes et universitaires en quête permanente de substituts du prolétariat, figure messianique centrale de la mythologie révolutionnaire."

Laurent Bouvet élargit la focale : "Les soutiens intellectuels dont bénéficient ces différents entrepreneurs identitaires que sont les associations du type du PIR et les personnalités plus ou moins médiatiques qui en sont issues ont les mêmes causes que ce qui se passe au sein de la gauche de la gauche.

Le glissement du social à l’identitaire et les dénégations en la matière sont les mêmes : toute inégalité sociale est vue et expliquée comme une discrimination se fondant sur un déterminisme inévitable dont, finalement, l’origine ne peut être que lié à l’identité particulière de l’individu." Ce soutien s’inscrit dans un phénomène planétaire, signe des temps, remarqué par Pablo Montoya en Amérique latine : la dissolution du social dans l’identitaire ethnoculturel.

Feu de paille ou danger durable ?

A-t-on affaire à un épiphénomène passager ou à une menace s’installant durablement dans le giron de notre république ? Lydia Guirous nous détaille l’objectif de ce mouvement : "C’est une haine de la France" qui est encouragée "dans les esprits et les coeurs des jeunes des quartiers dans le but de mettre en place un rapport de force pour aboutir à une scission complète avec la république et la nation."

Pablo Montoya ne dit pas autre chose : "Je pense qu’il n’y a qu’un pas entre les consignes de Mme Bouteldja et ses ’Indigènes de la République’ et l’utilisation des armes à feu ou d’une bombe." Ces projets peuvent-ils aboutir ? Couper la France en deux, détruire la nation ? Pascal Bruckner, en l’espèce, se montre plutôt rassurant : en fait, le mouvement des Indigènes "est à bout de souffle", si bien que "le soutien accordé à Mme Bouteldja paraît comme un baroud d’honneur d’une figure en fin de carrière et qui doit, pour exister encore, crier sa haine des ’Blancs’ et des ’juifs’".

Pierre-André Taguieff est nettement moins optimiste : "Ce mouvement isl@mo-gauchiste, aujourd’hui marginal, peut se transformer en un mouvement de masse à l’occasion de n’importe quelle crise profonde. Son objectif stratégique est de constituer une force d’opposition inédite au sein de la société française, qui réunirait les orphelins du communisme et du tiers-mondisme, les islamistes de tous bords, les ’anti-sionistes’ de toutes obédiences et les ennemis de la France républicaine hostiles à la ’diversité’, diabolisée en tant que ’raciste’ et ’islamophobe’."

Briser les deux pactes (le pacte républicain et le pacte national) qui structurent l’identité française -identité politique et non ethnoculturelle-, tel est l’objectif d’Houria Bouteldja et de ses alliés. Pour détruire le contrat social, afin de lui substituer un communautarisme racialo-religieux, ce mouvement se doit de répandre la haine et la violence.
Réveiller les défenses immunitaires du pays

S’ils ne s’accordent pas sur l’avenir de cette agitation, les intellectuels que nous avons questionnés sont conscients de ses enjeux et de ses dangers. Une fois le tocsin sonné, vient l’heure de réveiller les défenses immunitaires du pays.

Avec un regard distancié, depuis sa lointaine Colombie, Pablo Montoya nous en donne le coup d’envoi : "Nous ne devons pas cesser d’évoquer les noms de Montaigne, de Victor Hugo, de Camus et d’autres lumières de l’intelligentsia française afin de nous protéger de cette épidémie dangereuse représentée par ceux qui prétendent mener les causes des damnés de la terre."

Belle leçon, infligée depuis les Amériques, à nos petits pétitionnaires germanopratins transis de haine provincialiste, administrée par un romancier qui, sans nul doute, connaît mieux qu’eux ce que la France apporte au monde et à tous les damnés de la terre.


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