Disons le tout de suite : J. Corbyn n’est pas communiste (voir ci-après sa bio publiée par Wikipédia). Mais il se trouve que cet honnête militant travailliste, proche des milieux syndicaux, qui postule avec de fortes chances de succès à la tête du Labour, veut rompre avec le blairisme et propose des mesures sociales du type keynésien comme la renationalisation des chemins de fer, du secteur de l’énergie et de la poste, ainsi que la réouverture des mines de charbon du pays de Galles, fermées par Thatcher. Plus grave encore sans doute aux yeux de certains il est un militant de la paix, fervent défenseur de la cause palestinienne, pour la sortie de son pays de l’OTAN, militant contre les guerre d’Afghanistan ou d’Irak, solidaire du combat pour la réunification de l’Irlande, il fut du combat anti-apartheid et demeure…républicain !
Bref de quoi faire avaler de travers la sainte clique qui, de Cameron à Blair en passant par Buckingham sans parler des mânes de Maggie, a brisé le mouvement ouvrier, fait muté le parti travailliste en parti de l’ordre capitaliste (le new labour), a confirmé la Grande-Bretagne comme vassal le plus avili de l’Oncle Sam et a plongé les travailleurs et les masses populaires dans une précarité sans fin, dans une austérité sans fin, dans une désespérance sans fin..
Et ils s’en donnent à coeur joie. Citons le plus cynique d’entre eux, sachant que la bataille pour la première place est rude, Anthony Blair :
“Le Parti travailliste court un danger mortel comme jamais depuis plus de cent ans qu’il existe” A Blair
ce qui ne manque pas de culot de la part de celui qui a euthanasié le Labour historique. Pour Blair et ses amis, la victoire de Corbyn à la primaire travailliste augurerait sans aucun doute une cinglante défaite contre le Parti conservateur aux prochaines élections d’ici à 2020 : ses choix feraient fuir l’électorat centriste, celui qui emporte la décision dans le système bip-artisan. Il est donc interdit d’être de gauche car cela fait gagner la droite, donc soyons tous de droite pour gagner les élections et nous gaver de ses avantages. Le peuple, le pays, les ouvriers, les paysans, les couches moyennes ? Mais voyons : There Is No Alternativ (il n’y a pas d’alternative).
Mais il semble que les adhérents du Labour, le mouvement syndical, les citoyens britanniques ne partagent pas ce point de vue puisqu’on assiste à une mobilisation énorme autour de la candidature de Corbyn malgré les attaques de tous les médias de masse, des autres candidats à la tête de Labour et de tous ceux qui veulent que se poursuive sans trouble la dictature du parti unique du grand capital financier de la City (New Labour et parti conservateur alternant dans ce rôle).
George Osborne, aristocrate, baronnet et chancelier de l’Échiquier, fait mieux : pour lui Corbyn est “une menace pour la sécurité nationale, une alliance impie des insurgés de gauche du Labour et des nationalistes écossais”. Ce langage versaillais parce que Corbyn comme le parti national écossais se prononcent contre le renouvellement du système de missiles Trident….
Mais ce que nous devons noter avec délectation ce sont les réactions paniquées de la presse de ce côté-ci du Channel : Libération fait sa “une” sur Corbyn et son directeur lance dans son édito la bulle d’excommunication contre ce pelé, ce galeux, ce “travailliste congelé dans les dogmes d’un autre âge, qui n’a rien appris et rien oublié, et mènera immanquablement le Parti travailliste à la déconfiture sur fond de nostalgie à la Ken Loach .” Ah bon ? Parce que Blair ou Cameron la mène où la Grande-Bretagne ? Sinon à la misère du XIXe siècle sur fond de nostalgie thachérienne.
Le Point, Le Monde et l’Express le dénoncent , chacun à sa façon, parfois avec une délicatesse qu’il faut noter : (à propos de Corbyn qui a 66 ans) “(il) n’est pas vraiment d’une extrême fraîcheur”.
La presse française parvient au niveau des tabloïds hystériquement anti-communistes de Grande-Bretagne qui ont publié une photo de Corbyn avec Chavez, preuve du bolchevisme du travailliste anglais….
En tous les cas Corbyn a déjà montré par les réaction qu’il suscite que nous vivons vraiment une forme de fascisme idéologique qui transforme un honnête homme progressiste mais absolument pas révolutionnaire en homme au couteau en les dents. Cela en dit beaucoup sur nos classes dirigeantes dont le vernis civilisé est bien fin et craque et la haine de classe s’affiche dès qu’un homme dit non, même d’une toute petite voix. Il faut le savoir.
Bien entendu en ce qui nous concerne nous soutenons nos camarades britanniques et c’est à eux seuls qu’incombe le choix de la stratégie et de la tactique des communistes de Grande-Bretagne.
Rappelons simplement que la situation en G-B fut toujours particulière : n’est-ce pas Lénine lui-même qui écrivait :
Je ne puis m’arrêter ici sur le second point qui divise les communistes anglais : Faut-il ou non adhérer au Labour Party ? Je suis trop peu documenté sur cette question, rendue particulièrement complexe par l’extrême originalité du “Labour Party” britannique, trop différent, par sa structure même, des partis politiques ordinaires du continent. Mais une chose est certaine, c’est que, d’abord, sur cette question comme sur les autres, c’est s’exposer à une erreur fatale que de s’imaginer pouvoir déduire la tactique du prolétariat révolutionnaire des principes dans le genre de celui-ci : “Le Parti communiste doit conserver pure sa doctrine et immaculée son indépendance vis-à-vis du réformisme ; sa mission est de marcher en tête, sans s’arrêter et sans dévier de sa route, d’aller tout droit vers la révolution communiste.” En effet, de pareils principes ne font que reprendre l’erreur des communards-blanquistes de France qui “répudiaient” hautement en 1874 tous les compromis et toutes les étapes intermédiaires. En second lieu, il est évident qu’ici comme toujours, la tâche est de savoir appliquer les principes généraux et fondamentaux du communisme aux particularités des rapports entre les classes et les partis, aux particularités du développement objectif vers le communisme, propres à chaque pays et qu’il faut savoir étudier, découvrir, deviner.
MA pour www.initiative-communiste.fr – article écrit le 1er septembre
Depuis, Corbyn a été élu triomphalement, principalement par la jeunesse, à la tête du parti travailliste avec un score de 60%