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L’échec de la stratégie centriste de Jean-Luc Mélenchon

posté le 19/05/15 par Musée de l'Europe & de l'Afrique Mots-clés  luttes sociales 

Jean-Luc Mélenchon avait fait une formidable campagne présidentielle, notamment sur le thème qui intéresse particulièrement ce blog, celui de l’Europe. Lors de ses meetings, il avait fait preuve d’une pédagogie inouïe de l’imposture européenne, cache-sexe à douze étoiles des pouvoirs les plus authentiquement réactionnaires. Il est embourbé depuis dans la logique inhérente au champ politique. En se présentant aux élections européennes pour renouveler son mandat là où il importait de dénoncer une vaste mascarade (mais qu’allait-il faire à Hénin-Beaumont au lieu de s’assurer la tribune de l’Assemblée Nationale là où l’euro-fascisme progresse sur tous les bancs ?). Ensuite par la nécessité de l’alliance avec un PC dont la survie de l’appareil dépend d’alliances avec le PS aux élections locales nationales, puis dans la recherche d’une troisième force alternative avec les Verts et les frondeurs. Il se trouve que malheureusement ces derniers, qu’ils soient de centre droit ou de centre gauche, sont de fidèles catholiques zombies du culte européen et des images d’Épinal de Mitterrand et Köhl à Verdun, mais aussi d’une idéologie non-moins catholique zombie de l’amitié en général entre les peuples qui annulerait magiquement les rapports de puissance entre entités qui sont tout autre chose que l’interactionnisme entre des myriades d’objets se prenant pour des sujets. La réaction de Cécile Duflot au livre de Mélenchon, le Hareng de Bismarck sonne déjà la fin de la messe. C’est d’ailleurs cette incapacité à penser, au-delà du sujet narcissique, les terrifiantes puissances du monde social que les Grecs Anciens (dont les homonymes contemporains crèveront puisque Cécile Duflot donne la priorité à "une autre Europe") représentaient comme des Dieux soufflant sur la voile d’Ulysse, contre laquelle met en garde, en historien et sociologue, le très courageux Emmanuel Todd. Cette incapacité repose aussi sur la désastreuse vulgate historique qui tient lieu de catéchisme scolaire, même quand elle prétend enseigner plus largement les civilisations du monde pour lutter contre l’ethnocentrisme et pour la concorde universelle de sociétés sans classes dont le projet fumeux d’abolition s’est réalisé en esprit, même quand elle se présente comme le Manuel d’histoire critique du Monde Diplomatique qui doit faire se retourner Marc Bloch dans sa tombe. Tout cela ne fait qu’alimenter des polémiques médiatiques parfaitement vaines entre pseudo intellectuels soit-disant progressistes et réactionnaires qu’il faut renvoyer dos-à-dos sans être dupe de ces stratégies narcissiques petite-bourgeoises en quêtes de parts de marché médiatique menant à diverses prébendes à l’occasion de la énième réforme des programmes (comme si tel était le problème du Collège, mais là encore c’est la sociologie que ce faux débat permet d’enterrer). S’opposant en apparence, ils et elles sont parfaitement d’accord sur l’essentiel, c’est par l’âme ou le nombril (ce qui est un peu la même chose) qu’on explique l’histoire, certainement pas par des forces historiques qui finissent toujours par échapper en apocalypse même aux groupes sociaux les plus dominants et les mieux organisés.

La réaction de Cécile Duflot au livre de Jean-Luc Mélenchon dit assez combien c’est son mode de vie et le kitsch intellectuel qui l’accompagne (il fut un temps où on appelait ça "porter sa classe") qui prédomine sur le sens de l’histoire, tel qu’historiens et sociologues ont su développer des outils pour la comprendre et qui n’ont strictement rien à voir avec la fabrique scolaire de l’histoire scolaire. Elle dit l’échec programmé de toute stratégie politique qui s’entête à se concentrer sur le seul marché électoral qui paraisse solvable en terme de demande, celui des classes moyennes ayant connu leurs premiers émois lors d’un échange linguistique en Allemagne ou un Forum Social Mondial en Afrique.

Ajoutons des propos mélenchoniens qui ont le don de faire dresser le poil de nos compatriotes de culture musulmane et pas seulement le soutien pompier à la bourgeoisie tunisienne hystérique sous faux nez gauchiste, l’hommage récurrent à son mentor, Mitterrand, assorti du chapeau et de l’écharpe, qui ne fait pas enrager que les chômeurs dunkerquois), l’acte de foi dans les classes moyennes en réponse à Emmanuel Todd, et et il est clair qu’on n’obtient pas un mouvement populaire !

On peut bien sûr considérer l’auteur de ces lignes particulièrement naïf et que l’homme Mélenchon n’est jamais que la gauche du PS acquise aux thèses électoralistes de la deuxième gauche, donc un homme du passé. Mais au-cours de la campagne présidentielle, nous avions cru percevoir comme la possibilité d’un "politique collectif" appuyé par un "intellectuel collectif" pour arrêter la marche en avant de la contre-révolution politique et symbolique. Soit une toute autre façon de faire de la politique évoquant le formidable moment politique que fut la campagne référendaire de 2005. Illusion ou non, il nous semble que cette utopie rationnelle mériterait d’être pensée et tentée. L’heure est proche où d’autres cristallisations comme celle du 11 janvier achèverons de nous faire basculer dans un "autre monde" qui ne sera pas celui de l’utopie kitchissime des alter-mondialistes...

Le Concierge


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