L’interminable erreur
Illustrations (CC BY-SA) : Lundi Loiseau
Textes (CC BY-NC-ND) : Guillaume Derclaye
Publié le 09/09/2021
En 2010, le Fonds des accidents médicaux (FAM) était créé. Sa raison d’être ? « Le droit pour toute victime d’accident médical d’être indemnisée », assurait la ministre de la Santé de l’époque, Laurette Onkelinx. Le tout dans une procédure rapide, gratuite et simple. Dix ans plus tard, seul un dossier sur 20 connaît une issue favorable. Et ce, au bout de quatre ans de procédure.
Mai 2010. Ce matin, comme tant d’autres jours, ce n’est pas la sonnerie du réveil qui tire Marie (1) du sommeil, mais la douleur. Une douleur, qui se campe le long de la colonne vertébrale, irradie dans le dos. Aujourd’hui, Marie est à bout. Depuis cinq ans, ses lombaires la tenaillent du lever au coucher. Elle a pourtant tout essayé. Diazépam, Tradonal, Dafalgan… Elle en a avalé, des comprimés. Avant les médicaments, la quinquagénaire s’est aussi essayée à la marche : « Le meilleur des traitements dans votre cas », lui avait dit le médecin. C’est vrai, l’exercice aide, mais ne fait pas disparaître le mal qui la ronge. Les hospitalisations et les infiltrations ont aussi fait leur effet. À court terme seulement. Mais Marie entrevoit enfin ce qui pourrait être « la » solution. Le 11 mai 2010, elle va passer sur le billard. Son chirurgien lui place une prothèse discale « L5-S1 de type Maverick ». Derrière ce nom austère se cache un alliage métallique de chrome, de molybdène et de cobalt.
« Son cas n’est qu’une farde s’ajoutant aux 2 530 autres en attente. »
L’opération se déroule sans accroc, Marie ne fait pas de complications, note alors le médecin. Quatre jours plus tard, elle est libre de quitter l’hôpital. Lors d’une visite de contrôle quelques mois après, son évolution est jugée « favorable », la douleur a nettement diminué. L’espoir est là, il tombera bien vite.
Les souffrances reviennent, elles redoublent. Personne n’a d’explication sur l’origine de ce regain. Les examens se multiplient, mais ne mènent à rien. Après plusieurs mois, une analyse dermatologique finit par pointer une allergie au cobalt. Il faudra attendre deux ans avant que les pièces du puzzle ne s’emboîtent. Un neurochirurgien fait le lien entre l’allergie et l’appareillage porté par Marie. Le médecin prend alors la décision de retirer immédiatement la prothèse et de la remplacer par une autre. L’opération se déroule bien, la douleur finit par diminuer, mais les déficits neurologiques persistent. Marie se plaint entre autres de pertes d’équilibre qui l’obligent à marcher avec des cannes.
Aucune stat
Elle ne le sait pas à l’époque, mais la première opération a fait d’elle la victime d’un accident médical – soit une prestation de santé qui a donné lieu à un dommage. Marie n’est pas un cas isolé. Selon des estimations de l’Organisation mondiale de la santé, 8 à 12 % des interventions médicales en milieu hospitalier effectuées en Europe donnent lieu à des erreurs médicales. Pour le détail belge, il faudra repasser. Contrairement aux Pays-Bas par exemple, aucune base de données ne permet de savoir exactement combien d’accidents médicaux ont lieu chaque année en Belgique.
Face à sa situation, Marie peut en principe compter sur certaines indemnités de la sécurité sociale et, éventuellement, des assurances auxquelles elle a souscrit. Ces aides ont le mérite d’exister, mais ne couvrent pas l’ensemble du dommage subi.
Avril 2015. Trois ans après sa dernière opération, la femme de 57 ans hésite. Doit-elle se diriger vers le tribunal ou plutôt vers le Fonds des accidents médicaux (FAM) ? Le 7 avril, elle fait finalement le choix d’introduire une demande d’avis auprès du FAM. En s’adressant au Fonds, Marie évite de passer par les tribunaux où les procédures sont chères, longues et incertaines. Devant les juges, il faudrait aussi que Marie apporte la preuve de toute une série d’éléments pointant la responsabilité du chirurgien dans la survenance de l’accident médical, ce qui n’est pas une mince affaire.
Ce Fonds que Marie contacte a été créé le 2 avril 2010 pour proposer une procédure gratuite, rapide et simple aux victimes d’un accident médical. Auparavant, les victimes d’erreurs médicales n’avaient comme option que les longues et coûteuses procédures judiciaires.
Quand Marie dépose le pli recommandé bourré de documents au bureau de poste, elle espère des conclusions endéans les six mois. C’est en tout cas le délai stipulé par la loi. Marie attendra six ans.
Lourdes sans les miracles
(...)
(1) Prénom d’emprunt. Son histoire est reconstituée ici sur la base d’éléments réels.
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