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La crise transite vers son dénouement en Syrie comme avec Cuba en 1962

posté le 21/09/13 Mots-clés  répression / contrôle social  réflexion / analyse 

Savoir qui a gagné et ce qui a été gagné, est vital pour scruter l’avenir de la situation sachant qu’il va de soi que, dans ce monde globalisé, les éternuements qui éclatent en Orient ont des répercussions sérieuses sur l’Occident.

Octobre 1962

Durant ce mois de l’année 1962, survenait ce qui serait connu comme la « crise des missiles », l’incident international qui mènerait pour la première fois l’humanité à dessiner les contours d’une guerre nucléaire et à envisager en temps réel les angoisses et les craintes préfigurées dans la littérature d’anticipation, tant dans celle des cénacles d’élite que dans les feuilletons de divulgation populaire. L’holocauste dont il s’agissait maintenant était l’holocauste nucléaire.

L’URSS avait installé, dans la Cuba castriste, des missiles portant à 1200 miles dotés d’ ogives nucléaires, qui pouvaient exploser partout aux États-Unis d’Amérique (EUA). Il faut rappeler que peu de temps avant, en avril 1961, les Usaméricains avaient provoqué le débarquement contre-révolutionnaire de la « Baie des Cochons » et échoué avec fracas. La Forces Armées Cubaines et tout le peuple avaient défait l’agression étrangère et humilié l’orgueil de l’empire. Vers le milieu de cette année 1961 le mur de Berlin était construit et la guerre froide installait la confrontation des deux superpuissances.

Le 15 Octobre 1962 John F. Kennedy annonçait que ses avions espion avaient photographié les emplacements des missiles soviétiques avec leur charge de menace atomique sur les USA et décrétait une « mise en quarantaine » navale, en bloquant l’île des barbus. Simultanément les avions étasuniens commençaient à survoler les zones stratégiques chargés à leur tour de bombes atomiques. Treize jours mouvementés et d’une tension extrême ont marqué les intentions de la politique internationale : les hommes politiques, les analystes, et aussi des hommes et des femmes ordinaires, tout le monde faisait le calcul des milliers (des dizaines, et centaines de milliers ?) de morts probables qu’apporteraient les premiers jours de la guerre probable.

Castro et khrouchtchev discutaient, on dit avec ardeur, des pas nécessaires à franchir. Les négociations entre l’URSS et les USA avaient lieu, bien qu’un avion espion U2 des EUA fut abattu par l’artillerie de l’île le 27 Octobre. Mais le jour suivant, 13 jours après le début de la crise, Nikita Khrouchtchev lâche prise et donne l’ordre de retirer les missiles. Le danger de la confrontation directe commence à s’éloigner malgré les hauts et les bas et les tensions qui s’étendent durant tout le mois de novembre, comme les négociations qui, à ne pas en douter, avaient une portée plus vaste que le destin de l’Île de Cuba et portaient sûrement sur des territoires lointains où ils s’opposaient, cherchant à agrandir leurs sphères d’influence et à établir des règles provisoires, jamais respectées, qui prendraient fin seulement avec la chute du Mur en 1989 et l’implosion de l’Union Soviétique. Il est très probable que le monde serait autre si le dénouement du 28 Octobre 1962 avait été différent.

Août 2013

Presque quarante-et-un ans après le monde se trouve encore secoué par une nouvelle crise, la soi-disant crise de la Syrie, qui comme celle de Cuba dans son temps, exprime l’affrontement de sphères d’influence. Après plus de deux ans de guerre indirecte provoquée visiblement depuis l’Arabie Saoudite et le Qatar et encouragée par l’ambition des USA de redessiner la carte politique du Moyen-Orient, les forces mercenaires entraînées au Liban, les insurrections internes financées depuis l’extérieur et un Front d’opposition infiltré par Al Qaeda et la CIA, la tentative de renverser le régime de Al Assad commençait à faire naufrage devant la contre-offensive de l’armée et de l’aviation régulière syrienne, avec des livraisons russes et le renfort du Hezbollah. La tactique générale d’Obama de ne pas se montrer en premier ligne des interventions armées et de placer à sa place ses associés de l’OTAN ou d’armer une armée de mercenaires démontre son inconsistance et le Prix Nobel se trouve obligé de menacer par un bombardement des USA, pour lequel il s’est proposé d’organiser une « coalition » fidèle qui a échoué avant de naître.

Septembre 2013

La réalité a imposé ses propres limites et près de quinze jours après, la possibilité d’une aventure belliqueuse dangereuse par l’attaque de missiles étasuniens, commence à se dissoudre dans une négociation avec la Russie de Poutine, dans un processus franc de recomposition de son rôle de puissance de première ligne sur l’échiquier international. La distillation de l’esprit de la « Grande Russie », héritage culturel de l’époque du Tsarisme, qui a demeuré dans les entrailles de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques sous la conduite de Staline, revit dans le leadership de Poutine imprégnant sa volonté de joueur de première ligne. Un jeu d’échecs politique endiablé met en sourdine les tambours de la guerre, qui persistent comme musique de fond.

Savoir qui a gagné et ce qui a été gagné, est vital pour scruter l’avenir de la situation sachant qu’il va de soi que, dans ce monde globalisé, les éternuements qui éclatent en Orient ont des répercussions sérieuses sur l’Occident. Pas moins important est de comprendre les raisons qui ont conduit à cette crise, dans le cas où les EUA auraient brisé militairement les barrières symboliques et en même temps réelles, érigées par la Russie avec sa menace de répondre fort à une attaque à la Syrie, auraient déclenché un conflit armé au résultat imprévisible, dans une région qui est une poudrière. Sans oublier que le silence relatif de la Chine ne la distrait pas de sa conscience que le but de la stratégie yanqui est de l’avoir pour principale cible. Pour la première fois des navires chinois ont été déplacés lors de moments préalables aux actions militaires des EUA.

Si nous affirmons que l’usage d’armes chimiques a seulement été une excuse de justification pour l’attaque, cela veut dire que l’acceptation syrienne à la proposition russe, de se défaire de ses armes chimiques et de signer le traité international qui interdit son usage, n’a pas été l’élément central qui a mené Obama à faire marche arrière sur sa décision de bombarder Damas. Et en conséquence, et malgré l’importance pour un pauvre pays comme la Syrie d’avoir un armement chimique pour contrecarrer le pouvoir nucléaire israélien, ce « recul » tactique ne constitue pas une retraite dans la déroute pour la Syrie et encore moins pour la Russie.

Révisons : le parlement britannique a dit non à Cameron et l’intervention britannique dans l’armada imaginée par Obama a coulé à pic. C’est la première fois depuis la deuxième guerre mondiale que le fidèle associé et subordonné des aventures des USA dans le monde ne répond pas présent. Et si la France du « socialiste » Hollande s’est empressé d’occuper la place vacante, presque immédiatement, l’Italie a manifesté son refus d’appuyer l’attaque hors ONU ordonnée par Obama. Dans ce pays, en crise l’ambiance chaude n’est pas soutenue par un gouvernement à l’équilibre précaire et maintenant marqué par un Pape argentin qui fait son propre jeu d’influence, et influencera fortement les italiens. Et en complétant le panorama européen, Merkel a sèchement mit terme à la possibilité de l’OTAN de soutenir la décision des USA. Et finalement, mais non moins important, les sondages d’opinion ont révélé que le peuple des USA désapprouvait à 60 % la perspective de s’embarquer dans une nouvelle guerre d’outre mer. La pression par la droite du partie républicain avec à la tête Mc Cain et un vote incertain au parlement de Washington en ont fini avec les prétentions d’ouvrir un nouveau front militaire au Moyen-Orient qui pouvait être le point de départ d’une guerre mondiale.

Octobre 2013

La négociation qui a pour but la remise des armes chimiques syriennes sera une lutte avec des arêtes visibles et invisibles. La plus évidente : le président syrien exige la fin de l’aide des EUA aux forces mercenaires qui luttent pour le renverser. Et cela va de soi sans l’intervention à coup de missiles des EUA, pour affaiblir le pouvoir de l’armée et de l’aviation syrienne ; les troupes irrégulières soutenues depuis l’extérieur vont vers un collapsus certain. Mais il est probable que la Russie et la Chine sont disposées à ce qu’il y ait des changements dans le régime syrien. Cela dépendra des autres fronts de négociation, qui passent par la demande russe et chinoise pour en finir avec la tendance générale à créer un « cercle » stratégique pro–US dans la région. Ce travail entrepris par Obama a atteint son sommet maximal avec l’intervention qui s’est terminée par l’assassinat de Kadhafi et l’infiltration et la liquidation du soi-disant printemps arabe, rapidement transformé en hiver, sans passer par l’été, ni l’automne. Le remplacement du moubarakisme en Égypte et la trahison de la Turquie, base stratégique et décisive pour les EUA, sont des liens fondamentaux du dispositif pour dessiner un Nouvel Moyen-Orient qui ne dépend pas d’un Israël peu amiable (et surtout insuffisant) pour la politique d’Obama. Heureusement le monde n’est pas déjà plus si facilement malléable aux besoins des États-Unis d’Amérique. La réalité dessine ses propres contours, en général surprenants.

Reste à dire quelque chose sur les causes qui ont donné lieu à la décision d’Obama et surtout à la précipitation bizarre et peu prudente dans la gestion de la décision de mener le raid aérien, en acceptant que fût vrai l’improbable caractère limité et préventif du « bombardement humanitaire ».

Les hypothèses économiques apparaissent fortes, poussées par la perspective d’une rechute dans la crise économique postérieure à l’insuffisante - et limitée à des secteurs partiels – reprise des indices de croissance. D’un côté la bulle boursière grandit au rythme de la croissance d’une masse monétaire qui suit sans trouver des canaux productifs et d’une expansion de l’économie réelle. On est près de la limite légale de 16 900 milliards du déficit approuvé, à quelques voix près, par les républicains et qui met à genoux les démocrates face à l’alternative entre la rigueur ou l’accord avec les faucons. C’est-à-dire la frontière entre l’économie et la politique. D’autre part l’audace des chinois, qui ont envoyé leur président signer un juteux traité économique à la frontière, avec Le Mexique, pourrait indiquer que les USA ne sont pas disposés à tolérer la stratégie chinoise de s’inviter dans le récit politique, et même de tolérer des incursions style Libye, tandis qu’ils gagnent du temps pour esquiver les coups de queue de la crise « occidentale », en avançant dans leurs relations économiques globales, en même temps qu’ils repositionnent vers la consolidation de leur marché interne, les prévisions en baisse du marché nord-américain.

L’histoire des va-et-vient des empires et spécialement le gros plan sur les conséquences des décisions qui sont adoptées au moment des crises, des moments charnières de l’histoire, sont des clés parce que ceux qui devinent juste peuvent transformer les faiblesses en force et rapidement multiplier les opportunités de la conjoncture ou sombrer dans ses impasses. La politique est l’histoire qui s’écrit plus vite que jamais, et il n’y a pas de politique nationale possible sans une bonne vision de la situation politique internationale.

Lido Lacomini, Septembre 2013

Traduit de l’espagnol [1] pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

[1] Version espagnole

http://www.elcorreo.eu.org/La-crise-transite-vers-son-denouement-en-Syrie-comme-avec-Cuba-en-1962


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