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La fachosphère contre Corbyn : Caroline Fourest

posté le 15/08/18 Mots-clés  antifa 

Le succès médiatique de sœur Caroline, comme tout succès médiatique, ne s’explique pas par la pertinence de ses analyses, tant s’en faut, mais par le fait qu’elle contribue à la campagne islamophobe, sous toutes ses formes avec un argumentaire de « pseudo » gôche, un poison qui nous est inoculé à doses massives. Caroline Fourest, une empoisonneuse !


Coupable d’amitiés sulfureuses, Corbyn ?

L’élection de Jeremy Corbyn à la tête du parti travailliste britannique a fait réagir, en France, l’essayiste Caroline Fourest, qui y a consacré sa chronique hebdomadaire sur France Culture lundi 14 septembre. Sa thèse : si son programme économique est défendable, le nouveau patron des travaillistes défend en revanche, sur le plan de la politique extérieure, des positions sulfureuses. Problème : les arguments avancés par Fourest pour appuyer sa thèse relèvent au mieux du raccourci maladroit, au pire du mensonge.

Un programme économique « très rafraîchissant » et même « défendable« , mais des « prises de position douteuses » en matière de politique internationale : lundi 14 septembre, Caroline Fourest a entrepris de dévoiler « le vrai visage » de Jeremy Corbyn, nouveau patron des travaillistes britanniques. Les exemples qu’elle cite ont de quoi interpeller, en effet :

Dans la foulée, Fourest poste une version écrite – plus étoffée – de son billet sur son blog. Son titre est clair : « Les amis intégristes de Jeremy Corbyn« . Intrigué par ce député dont le média « préféré » serait Russia Today, @si est parti à la recherche des sources de Fourest. Le résultat : pour quasiment chaque cas cité, l’essayiste déforme ou surinterprète les faits.

Affirmation n°1 : « C’est chez ses amis de la Mosquée de Finsbury, l’une des plus radicales d’Europe, reprise tout récemment aux djihadistes par les Frères musulmans, que Jérémy Corbyn a ses bureaux… Un « endroit merveilleux » à l’entendre.« 

• Corbyn n’a pas « ses bureaux » à la mosquée de Finsbury Park. Ses bureaux se trouvent au 86 Durham Road, indique son site, et pour cause : il est député du district d’Islington (qui comprend le quartier de Finsbury), et habite dans le quartier.

Fourest a raison… à 0,5 mile près :

les bureaux de Corbyn, à gauche ; la mosquée de Finsbury Park, à droite.
Source probable de la (grosse) confusion de Fourest : il lui est bien arrivé de « rencontrer des fidèles musulmans » à la mosquée, ou de participer aux journées portes ouvertes de celle-ci (activités mentionnées dans son agenda ici ou encore ici), qui est aussi un centre social et culturel où se tiennent des conférences, des séances de natation, de football, de gymnastique, ou encore des cours d’informatique. Le site de la mosquée indique simplement que Corbyn y tient souvent des « rencontres« .

Rencontrer des administrés dans une mosquée : une pratique surprenante vue de France, mais relativement fréquente outre-Manche. En quelques clics, @si a ainsi pu retrouver la trace de rencontres– régulières ou non– dans des mosquées (mais aussi dans des Eglises) par le député travailliste Jon Ashworth à Leicester, par la députée libérale-démocrate Lynne Featherstone à la Fatih Mosque de Londres, ou encore par le député conservateur David Lidington à Aylesbury. D’autres institutions britanniques utilisent les lieux de culte pour tenir des réunions et des permanences, dont la police.
• La mosquée de Finsbury Park est-elle « la plus radicale d’Europe » ? C’était effectivement sa réputation à la fin des années 1990, lorsque l’imam radical Abu Hamza y prêchait. Mais depuis 2005, elle a changé de conseil d’administration, d’équipe et d’imams. À en croire la presse britannique, l’opération d’ouverture est plutôt réussie. Le Guardian assurait ainsi en juillet 2015 que la mosquée, « liée au prêcheur radical Abu Hamza à la fin des années 1990« , avait « lors de la dernière décennie cherché à en finir avec son passé extrémiste« . The Independent estimait de son côté, en mai 2014, que « cela fait neuf ans que le bâtiment a été repris et ses franges extrémistes détruites de l’intérieur« .

Affirmation n°2 : « Toujours au chapitre des positions douteuses, Corbyn donne volontiers des interviews à la télévision iranienne et à Russia Today, la chaîne de propagande du régime russe, celle qu’il préfère. Il l’a même décrite comme la chaîne la plus « objective » du paysage audiovisuel. Ce qui en dit long sur sa vision du monde.« 

En 2011, alors que le mariage royal sature les médias, occultant la révolution libyenne, Corbyn répond à un Twittos qui se plaint que « les infos vont être inregardables pour le reste de la semaine » : « Essayez Russia Today. Sans mariage royal, et plus objective sur la Libye que la plupart« . Sous la plume de Fourest, une chaîne « plus objective sur la Libye que la plupart » des autres médias devient donc « la chaîne la plus objective du paysage audiovisuel« .

Affirmation n°3 : « Il soutient aussi l’association CAGE, créée par des islamistes pour soutenir les victimes de l’antiterrorisme. Oui, vous avez bien entendu les victimes de l’anti-terrorisme et non du terrorisme. Question de priorité. »

Seule forme de soutien apporté à CAGE par Corbyn : le 3 octobre 2014, le député a co-signé une lettre publiée dans le Guardian qui se félicite de la libération de Moazzam Begg, ancien prisonnier de Guantanamo et directeur de CAGE. Ce dernier venait d’être détenu sept mois par la justice britannique pour « délits de terrorisme liés à la Syrie« , avant d’être blanchi. Le texte, également signé par la députée du parti Vert britannique Caroline Lucas, s’inquiète des arrestations, détentions et accusations de terrorisme qui touchent des travailleurs de CAGE et d’autres organisation humanitaires musulmanes.

Affirmation n°4 : « Il y a ceux qu’il appelle « ses amis » : des cadres du Hamas et du Hezbollah, avec qui il partage de nombreuses tribunes en expliquant que c’est un plaisir et un honneur.« 

Corbyn a bien utilisé le mot « amis » lors d’une réunion publique, en 2009, pour désigner des représentants du Hezbollah et du Fatah. Mais il ne parle pas de « ses » amis, à la première personne du singulier, mais de « nos » amis, au pluriel. (Dans la suite de son discours, il utilise « friends » sans pronom). Le contexte ? Il participe à une réunion sur le Moyen-Orient, à la veille d’une rencontre sur le même sujet au parlement britannique, où des représentants du Hezbollah sont présents :

Corbyn a depuis assuré qu’il s’agissait de « langage diplomatique dans un contexte de dialogue« . Peut-être Corbyn est-il allé trop loin dans la diplomatie en présentant le Hamas comme une « organisation qui œuvre pour le bien des Palestiniens« , la « paix à long terme » et la « justice sociale« . Mais Fourest oublie de préciser que le député, interrogé ensuite à la télévision britannique, s’est affirmé « en désaccord » avec le Hamas :

@si n’a pu retrouver trace des autres « nombreuses tribunes » où il aurait dit son plaisir de siéger avec le Hamas ou le Hezbollah. D’où Fourest tient-elle cela ? Peut-être de la même réunion, au début de laquelle il dit « son plaisir et son honneur » d’organiser le lendemain un débat au parlement avec les mêmes représentants du Hamas. Un peu court pour évoquer de « nombreuses » tribunes.

Affirmation n°5 : « En 2006, il manifestait contre la publication des dessins sur Mahomet. En compagnie d’intégristes anglais et à côté de qui nos islamistes à nous ont l’air de soixante-huitards débridés. À part ça, il est tout à fait désolé pour ce qui s’est passé le 7 janvier. »
Difficile de connaître le détail des manifestations auxquelles Corbyn a participé, et a fortiori l’identité de tous ceux aux côtés de qui il a marché. On retrouve toutefois trace de sa présence à un rassemblement anti-caricatures en 2006 grâce à un compte-rendu de la BBC. Un repaire d’intégristes ? Ce n’est pas exactement l’impression qu’a eu le reporter présent sur place, qui débute ainsi son article : « Il y avait des craintes que le rassemblement ne soit interrompu par des extrémistes, mais cela a finalement été un après-midi sans problèmes« . Il poursuit : « L’événement avait pour but d’expliquer l’opinion des musulmans modérés vis-à-vis des caricatures publiées dans un journal danois, qui ont conduit à des manifestations à travers le monde. Les organisateurs ont expliqué qu’ils voulaient dissocier la majorité de la communauté musulmane d’une « minorité d’extrémistes ». »

Quant à Corbyn, il y a pris la parole pour demander que « les gens se montrent l’un l’autre du respect pour leur communauté, leur foi, et leur religion« . Les « soixante-huitards débridés » n’ont qu’à bien se tenir.
Affirmation n°6 (absente de la version écrite de sa chronique, mais présente dans sa chronique sur France Culture) :« Certaines associations s’inquiètent par exemple des fréquentations complotistes et antisémites, comme cet écrivain, niant la shoah, qu’il a financé« .

La chroniqueuse fait ici référence à une polémique lancée le mois dernier par des médias conservateurs britanniques. Ceux-ci ont accusé Corbyn d’avoir été associé dans le passé à Paul Eisen, un négationniste anglais. En cause, un don de Corbyn à l’association Deir Yassin Remembered, fondée par Eisen et qui commémore le massacre de civils palestiniens en 1948, ainsi que la présence du travailliste à des commémorations du massacre organisées la même association.

Suite à ces révélations, faites par Eisen lui-même, Corbyn s’est défendu en expliquant qu’Eisen ne tenait pas de propos négationnistes à l’époque des faits, rapporte le Guardian. « Il y a quinze ans, Eisen n’était pas négationniste. S’il l’était, je n’aurais eu absolument aucun lien avec lui. J’étais ému par le drame de ces personnes qui ont perdu leur village de Deir Yassin. […] Je n’ai plus aucun contact avec Paul Eisen et Deir Yassin Remembered, explique ainsi le travailliste. Le négationnisme est abominable. L’holocauste est une des parties les plus abominables de notre histoire. Les Juifs tués par les nazis sont les personnes qui ont le plus souffert au 20e siècle. »

« Plus aucun contact » avec un homme a tenu des propos « abominables » : encore des propos de Corbyn qui ont manifestement échappé à la chroniqueuse de France Culture, qui qualifie dans la suite de sa chronique Eisen « d’ami » du nouveau patron des travaillistes.

La chroniqueuse de France Culture avait déjà été épinglée par le CSA en 2014, pour avoir affirmé, sur la foi de sources peu fiables, que des para-militaires pro-Russes, en Ukraine, avaient « arraché les globes oculaires » de militaires ukrainiens.


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