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Laïcité : les échecs en série de la formation des imams

posté le 23/10/18 par http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/09/21/01016-20180921ARTFIG00378-laicite-les-echecs-en-serie-de-la-formation-des-imams.php Mots-clés  réflexion / analyse 

Si les diplômes « laïcité » se sont multipliés depuis les attentats de 2015, formant 400 personnes par an, peu de participants sont des imams. Tout au plus 5 sur des promotions de 20 à 30.

Droit, laïcité, histoire religieuse, philosophie, sociologie… C’est le programme des diplômes universitaires (DU), qui existent depuis 2008 pour permettre aux imams de se familiariser avec le contexte français, son cadre juridique, son régime républicain et laïque, son histoire. Le premier ayant été ouvert à… la Catho de Paris. À cette époque-là, les universités parisiennes, comme Paris-IV, déclinent l’offre, jugeant le mélange des genres inapproprié dans l’université publique.

Aujourd’hui, 22 DU de ce type couvrent le territoire, de Lyon à Nantes, en passant par Toulouse, Strasbourg ou Paris. Subventionnés en partie par le ministère de l’Intérieur, qui a défini une charte commune, ils se sont multipliés ici et là, après les attentats de 2015, sous l’impulsion des pouvoirs publics. Quelque 400 personnes y sont formées chaque année, explique-t-on à Beauvau, sans pouvoir donner de chiffres précis concernant les imams. Selon les responsables de différents diplômes, ils seraient tout au plus cinq sur des promotions de vingt à trente participants. Car au fil des années, le concept de « formation des imams » s’est dilué. Les diplômes, dans un esprit désormais « interreligieux », accueillent des fonctionnaires appelés à gérer la question religieuse dans l’État laïque, des cadres d’association cultuelle venus chercher des réponses concrètes, des étudiants attirés par le sujet, des aumôniers, des représentants des cultes… Sur les mêmes bancs, peuvent se côtoyer le trésorier d’une mosquée, un policier municipal, un enseignant, un prêtre orthodoxe, une directrice d’école juive, un imam…

Un mélange a priori séduisant, mais qui ne prend pas vraiment. D’autant que ces formations, souvent pointues en droit, nécessitent de maîtriser le français. En réalité, ces DU peinent à attirer les imams, à commencer par ceux qui sont les plus éloignés des valeurs républicaines. Et passent tout simplement à côté de leurs ambitions. Les universités, elles, n’ont pas toutes la même approche. À Paris-I, le diplôme « connaissance de la laïcité », ouvert en 2015, accueille, en partenariat avec la Grande Mosquée, une quinzaine d’imams détachés d’Algérie. À Strasbourg, on explique que le but originel du DU, « avant que l’État ne s’en mêle », était non pas de former des imams, mais des « cadres associatifs cultuels ou des cadres institutionnels ». « L’ambition est de transmettre des connaissances, pas de formater des gens à un langage, un catéchisme », résume sa responsable, Céline Pauthier. À Rennes, le DU « religions, droit et vie sociale » a diplômé Rachid Abou Houdeyfa, imam de Brest et figure controversée du salafisme, qui avait créé la polémique en 2015. De quoi se racheter une vertu et prétendre pouvoir devenir un « référent laïcité ».

Du côté des musulmans, on accepte difficilement cette formation civique et civile décrochée de la formation théologique. « Il faut une formation religieuse reconnue en France. Ni plus ni moins que le séminaire et les instituts rabbiniques », martèle Nathalie Goulet. La sénatrice (UDI) de l’Orne veut croire à une fusion des instituts qui, sur le territoire français, forment à l’imamat. « Ils pourraient proposer un corpus commun, globalement malékite, avec des options. Ils seraient labellisés, sous l’égide du Conseil français du culte musulman (CFCM) », développe la sénatrice.

Du côté des musulman-e-s, on accepte difficilement cette formation civique et civile décrochée de la formation théologique. « Il faut une formation religieuse reconnue en France. Ni plus ni moins que le séminaire et les instituts rabbiniques », martèle Nathalie Goulet. La sénatrice (UDI) de l’Orne veut croire à une fusion des instituts qui, sur le territoire français, forment à l’imamat. « Ils pourraient proposer un corpus commun, globalement malékite, avec des options. Ils seraient labellisés, sous l’égide du Conseil français du culte musulman (CFCM) », développe la sénatrice.

Pour Bernard Godard, il faudrait, à terme, que l’université française et l’islamologie puissent intervenir dans ces formations religieuses. « Mais en Égypte, les futurs imams ne vont pas suivre des cours d’histoire ou de droit à l’université du Caire », explique-t-il.

Aujourd’hui, la France compte quelque 2500 lieux de culte musulman. Qui sont les imams ? Des naturalisés, des personnes issues de l’immigration, des Français convertis, auxquels s’ajoutent 300 imams étrangers « détachés », envoyés et financés par l’Algérie, le Maroc et la Turquie. Leur formation théologique ? Ils l’ont reçue dans des pays du Maghreb, en Égypte, au Yémen, mais aussi en France, à l’Institut Al Ghazali de la Grande Mosquée de Paris ou encore à Château-Chinon, où l’ex-UOIF (Union des organisations islamiques de France), proche des Frères musulmans, a ouvert en 1992 un institut qui a formé 200 imams. Un univers peu homogène, donc, à l’image de « l’islam de France ».


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