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Le discours d’Abbas aux Nations Unies : un pétard mouillé !

posté le 14/10/15 par Sharif Nashashibi Mots-clés  solidarité  antifa  Peuples natifs 

Les rumeurs allaient bon train avant le discours de Mahmoud Abbas à la 70e Assemblée générale des Nations Unies ce mercredi, au cours de laquelle le drapeau palestinien a été déployé pour la première fois. La spéculation était alimentée par Abbas lui-même qui aurait promis que son discours serait une « bombe ».

Allait-il annoncer sa démission ? Le démantèlement de l’Autorité Palestinienne (AP) ? Son abandon officiel des désastreux Accords d’Oslo dont il était un des architectes ? Rien de tout cela. Son discours est interprété par certains comme l’abandon des accords, mais il n’a rien dit de précis.

Il a dit que l’AP ne serait plus liée par des accords précédemment signés, mais il est impossible de dire de quels accord il s’agit. Abbas aurait pu si facilement lever l’ambigüité dans sa déclaration mais son manque de clarté était certainement délibéré.

Nous avons eu droit à un discours lénifiant, semblable à ceux donnés précédemment aux Nations Unies. Pas étonnant que les médias internationaux l’aient largement passé sous silence, en donnant finalement plus d’importance à la levée de drapeau. Abbas a pour l’essentiel porté des accusations contre Israël et demandé un soutien international - et c’était à peu près tout. Pas de nouvelle vision ni de stratégie pour conduire les Palestiniens vers leur autodétermination, niée depuis si longtemps.

Le discours était aussi symbolique et sans conséquence que la levée de drapeau. Ce fut sans surprise, et ce qui est surprenant, c’est que l’on ait pu attendre quelque chose de différent de la part d’Abbas. Il a été fidèle à lui-même et sa prévisibilité n’a en rien fait avancer la cause palestinienne.

La seule chose remarquable qu’il ait dite est venue vers la fin de son discours : « Tant qu’Israël refuse d’appliquer les accords signés avec nous ... et tant qu’Israël refusera de cesser les activités de colonisation et de libérer le quatrième groupe de prisonniers palestiniens, conformément à nos accords, il ne nous laissera aucun autre choix que d’insister sur le fait nous ne resterons pas les seuls engagés dans la mise en œuvre de ces accords », a déclaré Abbas.

« Nous déclarons donc que nous ne pouvons pas continuer à être liés par ces accords, et qu’Israël doit assumer toutes ses responsabilités en tant que puissance occupante. » Cependant, ses paroles sont si vagues qu’il les a rendues pratiquement dénuées de sens.

Ce n’était pas involontaire. Abbas se donnait ainsi suffisamment de marge de manœuvre n’être tenu par aucune promesse ou menace précise. Cela pourra lui permettre ensuite de reculer ou faire volte-face. La réponse d’Israël et de ses alliés sera probablement un simple haussement d’épaules.

Occasion manquée

C’était pourtant l’occasion pour Abbas : une plate-forme mondiale, un anniversaire important pour les Nations Unies, la levée du drapeau palestinien... à un moment où d’autres crises dans la région et au-delà poussaient la cause de son peuple hors des priorités internationales et des médias. Il a tout raté.

Lequel des nombreux accords signés par l’Autorité palestinienne depuis 22 ans Abbas pensait-il abandonner ? Tous ? Il ne l’a pas précisé, bien sûr.

De plus, le seul moyen efficace pour forcer Israël à assumer ses responsabilités en tant que puissance occupante serait de démanteler l’Autorité palestinienne. Depuis sa création, celle-ci a permis à Israël de sous-traiter de manière efficace son occupation. Cette possibilité a été évoquée dans le passé. Cependant, il n’y avait aucune allusion à cette possibilité, ni aucun détail sur la façon dont Abbas prévoyait de passer le fardeau de l’occupation à Israël.

Le boycott, la collaboration répressive et les élections

Il a rappelé à son auditoire que « les décisions du Conseil central palestinien en mars dernier sont précises et contraignantes ». Il ferait bien de s’en rappeler. Ces décisions incluent la suspension de la coordination de « sécurité » avec Israël, le boycott de « tous les produits israéliens et non seulement ceux en provenance des colonies israéliennes, » et la tenue d’élections présidentielles et parlementaires.

Six mois plus tard, Abbas n’a pas encore mis en œuvre une seule de ces décisions. Son discours aux Nations Unies ne mentionne ni boycott, ni fin de la coordination dite de « sécurité » avec Israël. Il a déclaré : « nous voulons tenir des élections présidentielles et législatives », mais sans jamais rien faire pour cela (la fin de son mandat actuel remonte a six ans), comme si la simple expression d’un souhait suffisait.

Abbas n’a rien de nouveau à offrir à son peuple - ce qui est clair depuis trop longtemps. Selon un sondage le mois dernier par le Centre palestinien pour la politique et la recherche, 65% des Palestiniens veulent qu’il démissionne.

Il n’est pas surprenant qu’il n’ait aucun empressement à tenir des élections. Ses principales politiques, comme la coordination de « sécurité », les négociations qui ne servent à rien, l’opposition à un boycott des produits israéliens, son opposition aux souhaits de son propre peuple... tout cela s’exprime sondage après sondage.

Il est temps qu’il s’en aille

Il est grand temps pour lui de démissionner et que des élections aient lieu pour le remplacer, avec entre autres candidatures celle de Marwan Barghouti, le dirigeant du Fatah emprisonné en Israël depuis 13 ans. Le secrétaire général de l’OLP et négociateur en chef Saeb Erakat, qui est un proche d’Abbas, a reconnu la semaine dernière que « personne n’est mieux positionné dans les sondages » que Marwan Barghouti.

Une victoire de Barghouti placerait Israël dans la situation inédite de retenir en prison un président élu. Cela donnerait enfin aux Palestiniens un réel sentiment d’espoir, dont ils ont été privés depuis si longtemps. Cela contribuerait à effacer les divisions nationales et politiques, ce qui est crucial pour la réalisation des droits des Palestiniens. Et les Palestiniens auraient enfin un président pour le peuple et par le peuple.


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