Communiqué du Clea - 05/03/2014
Ce mercredi matin, Deniz Demirkapi a eu une entrevue au ministère de la Justice à Rome. Interpol venant de bloquer le signalement de Bahar Kimyongür, la jeune femme espérait qu’on lui annonce enfin une bonne nouvelle en l’Italie, où son époux est retenu depuis 105 jours sous la menace d’une extradition vers la Turquie. Mais lors de cet entretien, la directrice du deuxième département pour les affaires de justice s’est contentée de lui apprendre que le dossier de son mari était à nouveau entre les mains de la Justice.
Depuis le 31 janvier 2014, le cas Kimyongür était « sous évaluation » au ministère mais le 17 février, l’exécutif a renvoyé le dossier à l’expéditeur, la Cour d’appel de Brescia.
Les institutions italiennes se refilent donc toujours la « patate chaude » : le dossier Kimyongür est à nouveau à la case départ. Il faut désormais attendre que les juges de Brescia fixent une audience pour statuer sur le sort du citoyen belge.
Combien de temps faudra-t-il patienter cette fois-ci : un jour, une semaine, un mois, un an ? Personne ne le sait.
Une chose est sûre cependant : chaque jour qui passe, chaque nouvelle péripétie de ce dossier, mettent en lumière les limites de la démocratie « made in Europe ». L’Europe donne des leçons de démocratie au monde entier. Que l’Italie, la Belgique, l’Espagne balayent d’abord devant leur propre porte. Car au cœur même de l’Union, un citoyen belge qui ne fait qu’user de sa liberté d’expression se trouve dans une situation kafkaïenne, séquestré depuis 15 semaines en Italie. Et cette situation risque de perdurer.
Il est peu de dire que nous sommes déçus, désenchantés, en colère. Il faut mettre fin à cette mascarade au plus vite !Chose promise, chose due : nous allons réfléchir aux manières de persuader la Cour de clôturer rapidement ce dossier vide ; à la façon de faire percevoir notre indignation aux juges de Brescia (ceux-là même qui ont laissé 13 jours durant Kimyongür en prison à Bergame, qui l’ont assigné à résidence à Marina Di Massa et qui doivent désormais juger la demande turque d’extradition).
Place à votre créativité, place à l’action ! Restons en contact, déterminons les actions à entreprendre pour mettre la pression sur l’Italie et la Belgique ; afin que Bahar soit libéré dans les plus brefs délais.
Voici le message rédigé par Bahar à la suite de cette dernière nouvelle :
« APRÈS BAHAR LE BOULET, VOICI BAHAR LE BALLON »
par Bahar Kimyongür
Ce mercredi 5 mars à 11h, une délégation familiale composée de mon épouse Deniz et de nos deux enfants (3 et 5 ans) était accompagnée de notre avocat Federico Romoli pour une rencontre avec Maria Antonietta Ciriaco, directrice des affaires de justice à Rome afin de débloquer la situation kafkaïenne dans laquelle je me trouve et me permettre de rentrer chez moi en Belgique.
Nous avions toutes les raisons pour espérer une fin rapide et heureuse dans le chapitre italien de mon odyssée judiciaire.
D’abord parce que le dossier turc d’extradition est vide et obsolète.Ensuite parce que même Interpol a décidé de mettre fin à ma "notice rouge".Enfin, parce que 105 jours de privation de liberté pour rien, c’était un peu trop cher payé.
Comme nous l’avions annoncé dans nos précédents communiqués, le dossier turc d’extradition est parvenu au ministère italien de la justice le 31 décembre 2013, soit au 40e et ultime jour du délai légal dont disposait la Turquie pour faire parvenir sa demande.
Le 7 février dernier, nous apprenions par le biais du juge de la Cour d’appel de Brescia en charge de l’affaire, M. Enzo Platé que la ministre italienne de la justice Annalisa Cancellieri avait décidé de gérer personnellement mon dossier d’extradition.
Le juge Platé aurait reçu un courrier le 31 janvier 2014 établissant que la décision finale serait donnée par le ministère de la justice.
En fait, depuis fin décembre, nous attendions inutilement les conclusions de la justice italienne étant donné que la décision serait politique.
Mais devant le peu d’empressement de la justice italienne à trancher l’affaire, un mois et un gouvernement plus tard, ma famille décide de se rendre à Rome afin de rencontrer des responsables du ministère de la justice.
Ce mercredi matin, ma femme et mes deux enfants apprennent que le dossier d’extradition a été renvoyé au juge Platé car "une décision judiciaire aurait plus de poids pour obtenir la radiation de M. Kimyongür de la liste d’Interpol".
M. Kimyongür n’étant plus signalé par Interpol, il semblerait que l’argument du ministère relève plus de la parade rhétorique.
En clair, en donnant la décision finale, le gouvernement italien craint un incident diplomatique avec son puissant partenaire outre-Evros.
En terme peu diplomatique, on peut appeler cela un foutage de gueule de la taille du Colisée.
Et puisque nous parlons spectacle, en trois mois de vie en exil sur la côte toscane, j’ai pu mesurer, médusé, l’omniprésence du calcio, du football, et le ravage des paris sur les matchs, dans la vie quotidienne des Italiens.
Aujourd’hui, mon sort paraît aussi improbable qu’un jeu de hasard du genre Fantacalcio.
Je suis comme un ballon de football rebondissant à l’aveuglette entre le politique et le judiciaire.
A quand le grand dégagement hors du stade italien qui mettra fin à ce match interminable, insipide et médiocre.
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