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Le modèle AmériKKKa

posté le 23/08/17 Mots-clés  antifa 

Le traitement par la presse de la manifestation de Charlottesville et la manière dont les agitateurs de droite en font le récit sont un bel exemple de la bascule idéologique à droite de « l’Occident ». Dans la presse mainstream personne ne s’émeut de voir des gens habillés comme des nazis et revendiquer la supériorité « d’une race » dans les rues des USA. Le fait qu’ils manifestent leurs opinions de suprématistes blancs en étant armés dans les rues, nous est même parfois présenté par une partie de la presse comme une réaction défensive face au chaos racial et social nord-américain. On ne compte plus le nombre de reportages complaisants fait par les médias sur les milices patriotiques nord-américaines, ou sur ces groupes de vigilants américains, symbole de « la liberté d’expression » de la plus puissante démocratie du monde.

Chaque dénonciation de la violence de ces groupes est toujours modérée par un « il est vrai que » qui reprend les poncifs de l’extrême droite sur le déclin économique des blancs américains et sur les fables de l’Amérique éternelle submergée par les latinos, les blacks et maintenant les musulmans.

Alors évidement, quand un véhicule fonce dans cortège pour tuer des manifestants antiracistes, puis recule écrasant sciemment les victimes de son passage dans foule. Dans la presse ça donne un pudique « on ne connaît pas trop les motivations du conducteur ».

La réaction des médias et des classes dominantes joue la ritournelle classique de « la violence c’est mal ». Trump qui promet le feu et la colère à la Corée du Nord le jour des commémorations de l’anéantissement nucléaire de Nagasaki peut donc tranquillement dénoncer sans honte le sectarisme et la violence des « diverses parties » qui ont causé cette tragédie. Il le fait évidemment sans dire qui est l’agresseur et qui est la victime. Tactique classique qui permet de renvoyer dos à dos agresseur et agressé. Cette ritournelle est reprise en boucle dans la plupart des médias y compris français.

Vu de loin, un paquet de gens en France vont se dire que les ricains sont bien bêtes et que chez nous c’est autre chose. Le niveau est plus élevé, exception française oblige.

Pourtant il suffit de lire le journal « le Monde » pour se rendre compte du contraire. Le monde peut être considéré comme la girouette du sens du vent de l’idéologie dominante . Ce quotidien fait un compte rendu de la situation à Charlottesville qui donne une idée de ce qu’est la situation dans l’hexagone. Le journal « le Monde » traite une manifestation de racistes et néofascistes en reprenant la quasi-totalité des arguments de la droite et de l’extrême droite et en renvoyant dos à dos les militants antiracistes et ceux du KKK et des groupes ouvertement racistes, tout comme Trump. Cela en dit long sur la situation de l’hégémonie politique de la droite en France. Pourtant les journalistes de la presse pourraient s’intéresser aux rapports officiels du Congrés Us et de nombreux travaux qui confirment que la majorité des attaques terroristes aux USA émanent de l’extrême droite blanche (depuis le 11 septembre 2001, sur 85 attaques terroristes recensées aux USA, 62 sont le fait de suprémacistes blancs). En Europe la catégorie de terrorisme d’extrême droite n’étant pas retenu pas les autorités européennes, il ne faut pas s’étonner que la presse et une grande partie du public redécouvre régulièrement la violence néofasciste en Europe et aux USA.

Résumons tout d’abord les faits : des racistes violents et armés se regroupent et se disent prêt à lutter physiquement contre les forces de l’ordre pour empêcher le retrait d’une statut d’un chef militaire du camp esclavagiste de la guerre de Sécession. Les opposants de cette manifestation sont plus nombreux et n’ont pas pour mot d’ordre de s’en prendre aux forces de l’ordre et veulent juste par des moyens démocratiques et la force du nombre faire comprendre à ces racistes que les temps ont changés. A l’arrivée, on compte un mort et des dizaines de blessés parmi les antiracistes et antifascistes. Sachant que le bilan risque s’alourdir.

Le Monde transforme ces faits en considérations sur une atmosphère « belliqueuse », et diffuse l’argumentaire des militants d’extrême droite. Concrètement, ce que ce journal de « référence » français retient de la journée et donne à lire c’est avant tout la parole des autorités qui restent prudent sur les motifs du conducteur qui a tué une antiraciste et les paroles des racistes qui se sentent assiégés dans leur beau pays. Pour ce journal, les « extrêmes » c’est pareil : antiracistes et racistes c’est la même chose, c’est de l’idéologie. Soit en langage de la Macronie militante, des gens qui ont des idées et qui se battent pour elles au lieu de créer leur entreprise .
Pour le monde et la quasi-totalité des médias français le récit d’une journée pareille reste celle des forces de l’ordre, sans aucune remise en question de la proximité idéologique de la police nord-américaine avec les idéologies racistes. Mais il semblerait que faire ce lien aujourd’hui pour les journalistes du « Monde » soit hors de leurs portées. Les crimes des forces de l’ordre étasuniennes sont pourtant reconnues depuis des décennies, y compris par un journal comme Le Monde qui les traitent sous l’angle des questions raciales et sociales structurelles aux USA. Mais là : RIEN …

Au Monde on se contentera donc de la version de la police (une fois n’est pas coutume).

Au mieux ils font ce que Chomsky décrivait avec mépris : la démocratie vue par ses idiots. Cela aurait été en 39-45 : 5 minutes de parole pour les nazis, 5 minutes de parole pour les juifs ; les tziganes ; les slaves, les communistes et toutes les autres victimes de la barbarie hitlérienne. Avec quelque part au fond, l’intime conviction imbibée des mots de Zemmour que mine de rien les noirs et les minorités génèrent le racisme.
Ce traitement par la presse française de ces attaques de l’extrême droite américaine est caricatural au regard de la façon dont ces mêmes journaux traitent une action d’ouvriers désespérés par un plan de licenciements massifs, une manifestation contre la loi travail, ou un quartier prêt à exploser suite à la mort d’un de ses habitants. Comparez le vocabulaire, et vous verrez que le ton général de la presse sera moins « atténuant » pour la violence et la colère des ouvriers ou de nos quartiers que pour celles réactionnaires et racistes des « Petits Blancs » américains. Le pire étant la précaution journalistique d’usage qui révèle beaucoup de choses. Ces derniers temps en France, à chaque fois qu’un véhicule a percuté une foule ou des forces de police, la piste « musulmane radicalisée » a été évoquée par anticipation par l’ensemble de la presse. Dans le contexte de Charlottesville il semble que nos brillants journalistes français n’aient pas d’hypothèse à faire sur l’identité politique du conducteur. Le définir comme un militant d’extrême droite c’est trop compliqué ? Pas assez nuancé dans l’analyse ? Quand un suprémaciste blanc tue quelqu’un, il est sans doute menacé ou bien c’est un déséquilibré.

Il ne s’agit pas pour nous d’écrire que ces journalistes sont sur la même ligne politique que l’extrême droite américaine, mais de relever que le racisme ne dérange pas le fonctionnement de l’économie et donc leur vie de petit bourgeois ou de petite classe moyenne, fussent-ils précaires dans la presse. Le racisme est un des piliers de notre société, il justifie la colonisation, la hiérarchie des salaires, pousse les classes populaires à s’entretuer. Il a toutefois l’inconvénient d’être peu présentable parce qu’indéfendable de tout points de vue, surtout pour des gens qui ont fait les grandes écoles de la République.

Alors, on l’occulte pour le maintien de l’ordre social car il ne faudrait surtout pas que le grand public s’intéresse à ces militants de par le monde, venus de tous horizons sociaux et raciaux qui luttent contre le racisme articulant question de classe et race comme le font les militants et manifestants pris pour cible par le conducteur raciste de Charlottesville. Heather Heyer tuée à Charlottesville était engagée dans la lutte contre les discriminations. Parce que le véhicule n’a pas foncé au hasard sur le cortège : les militants antifascistes et antiracistes ont une longue histoire de répression aux USA. Avec un peu de maquillage rhétorique, on met sur un pied d’égalité le camp des lyncheurs et ceux qui s’y opposent. On met dans le même sac « les extrêmes » et toute forme d’idéologie déconseillant ainsi au lecteur d’aller s’intéresser au pourquoi de la protestation de milliers d’américains contre cette manifestation raciste. Circulez, y a rien à comprendre. Telle est l’injonction journalistique dominante et pour cela on relativise le poids des morts en fonction de leur camp politique. Une antiraciste morte c’est la faute de « toutes les haines ». On doit en déduire que les gens qui militent pour la Justice sociale et l’ égalité de traitement des minorités sont les nouveaux fascistes. Ce traitement médiatique français de Charlottesville est le même que celui des affaires tragiques nationales comme celle des crimes racistes et sécuritaires ou comme lors de l’assassinat de Clément Meric par des militants d’extrême droite : placer sur le même plan d’équivalence politique, raciste et antiraciste, fasciste et antifasciste.

Pour ceux qui croient encore que la situation est différente dans le pays des lumières qu’ils regardent juste les faits. En France, la Justice républicaine condamne à la même peine de 4 mois de prison avec sursis un militant antiraciste qui aide les migrants et un type qui leur tire dessus.

Plus proche de la vie de nos quartiers il suffit de regarder le traitement judiciaire de la lutte de la famille Traoré pour constater qu’en France comme aux USA, l’état et ses supplétifs médiatiques et policiers utilisent les mêmes stratagèmes pour masquer qui est la victime et qui l’oppresseur.

https://quartierslibres.wordpress.com/2017/08/14/le-modele-amerikkka/


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