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Le monologue du désespoir d'un migrant coincé sur la barrière de Melilla

posté le 28/04/14 par Elise Vincent Mots-clés  sans-papiers  solidarité 

Il n’était pas très loin de 19 heures, jeudi 24 avril, quand une centaine de migrants se sont rués sur la barrière qui sépare le Maroc de l’enclave espagnole de Melilla. Cette séparation haute de 6 à 9 mètres, constituée de barbelés et d’un triple grillage, est l’une des frontières extérieures de l’Europe les plus difficiles à franchir. Seulement une vingtaine de migrants a donc pu finalement la franchir, jeudi. Un assaut durant lequel l’un d’entre eux s’est cependant retrouvé coincé, plusieurs heures durant, sur la barrière.

Melilla connaît un regain de tensions depuis le mois de mars. Le 18 mars, quelques 500 clandestins ont réussi à franchir sa frontière, soit l’assaut le plus important depuis 2005. D’autres tentatives de passage ont eu lieu le 28 mars et le 3 avril. A chaque fois, des migrants sont restés accrochés au sommet du mur dans l’espoir vain que les forces de police les laissent passer. La Guardia Civil n’a en effet pas le droit de les faire descendre de force. Mais une fois qu’ils ont le pied à terre, elle les interpelle systématiquement.

A Mellila, le 24 avril.

Ce 24 avril, l’un de ces migrants s’agrippe au grillage, les pieds à peine soutenus par une barre de métal transversale. Il crie : « Ne me laissez pas ici ! » Un peu plus loin, un autre groupe est en train de se battre avec la Guardia Civil. Une poignée d’entre eux va réussir à s’échapper. Mais la nuit approche, et le jeune homme va finalement se retrouver complètement isolé sur la barrière, cerné de policiers qui se relaient autour de lui.

A plusieurs reprises, la Guardia Civil va tenter de le convaincre de descendre, en grimpant sur des échelles notamment. Sans succès. Hésitant, le jeune migrant passe son temps à escalader puis désescalader les quelques mètres qui le séparent des policiers. De plus en plus fatigué, ses chaussettes trouées par le grillage coupant, il va seulement finir par accepter de poser les pieds sur le premier barreau de l’une des échelles, et rester ainsi jusqu’à la tombée de la nuit.

« NOUS AVONS LE DROIT À L’ÉGALITÉ »

Ce n’est qu’au bout de deux heures, transi de froid à cause du vent, qu’il va d’un coup se lancer dans une bravoure de la dernière chance : se raconter. Il parle français. La Guardia Civil nous interdit de lui poser des questions, mais lui peut s’exprimer. Sa voix porte mal à cause du bruit des voitures : une route nous sépare du grillage où il est suspendu.

A Mellila, le 24 avril.

Voici le long monologue qu’il se met alors à hurler comme une bouteille à la mer : « C’est la deuxième fois que je tente de passer… Alors cette fois, je reste… Je m’appelle Hassan David… Je suis de Côte d’Ivoire…. Je suis footballeur… Je suis né en 1996… Cela fait trois mois que je dors dans la forêt de Gourougou [située côté marocain, où les migrants se cachent avant les assauts]. Je suis malade, je ne mange pas bien…. Je n’ai pas pris de bain depuis trois mois… J’appelle l’Union européenne… Ça fait deux ans que j’ai quitté mon pays… Nous sommes des êtres humains… Nous avons le droit à l’égalité… Nous avons le droit de vivre… Nous avons le droit au bonheur comme tous les Européens… J’en ai marre de cet enfer. »

Hassan David va encore donner son numéro de téléphone, son mail et son adresse Facebook. Avant de s’arrêter net : « Voilà tout ce que j’avais à dire. » Il a fini par accepter de descendre de la barrière vers 22 h 15. José Palazon, le président de l’organisation de défense des migrants Prodein, raconte l’avoir vu tenter de s’échapper ; les policiers l’ont alors plaqué au sol et frappé, avant de lui faire une piqûre de sédatifs et d’ouvrir une porte dans le grillage pour le repousser côté marocain. L’association, qui dispose de photogaphies et de vidéos de la scène, a annoncé son intention de saisir le défenseur des droits.


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