Les dernières prises de positions à propos des arrivés d’immigrés de la part des différents pays européens, dont la France macroniste, l’Espagne, l’Autriche, l’UE dans son ensemble et même l’Italie « catholique », confirment comme jamais le choix prohibitionniste vis-à-vis des immigrations. Le dernier à s’exprimer est le chef du Parti Démocratique, Renzi, qui arrive à reprendre à son compte les propos du chef de la Ligue du Nord, le parti qui a fait du racisme son principal fond de commerce. Ainsi, après Grillo (le M5S), Renzi croit se préparer aux prochaines élections politiques (début 2018) ; la quasi totalité du parlement italien est donc alignée contre l’immigration avec souvent des tons qui frôlent ouvertement le racisme.
Il est utile rappeler que c’est depuis 1990, surtout après l’institution de Schengen, que l’Europe s’est acheminée de plus en plus vers le prohibitionnisme des migrations. Dès lors la méfiance, puis l’hostilité et le racisme n’ont pas cessé d’étendre leur influence de la droite jusqu’aux rangs de ce qui avait été la gauche. Même si officiellement les différentes institutions religieuses et notamment le pape prêchent pour l’accueil des migrants, de plus en plus de fidèles des différentes religions et même nombre de religieux n’hésitent pas à afficher leur ouverte hostilité aux immigrés.
Or, à bien regarder l’« affaire » des migrations, on peut facilement constater deux principaux aspects.
Toutes les études les plus étayées et rigoureuses (y compris de la part d’institutions internationales qui se veulent neutres et qui n’osent pas critiquer les gouvernements, comme l’OCDE et l’OIM) montrent que la grande majorité des migrations concernent les « Suds » alors que seule une minorité concerne l’Union européenne, qui a presque 510 millions d’habitants dont seulement 35,1 millions nés en dehors de l’UE (6%) ; en 2016, seulement 20,7 millions de personnes sont considérées comme "étrangères", ce qui représente 4,1% de la population de l’Union européenne ; ceux-ci sont régulièrement résidents et le plus souvent bien insérés et même en voie d’acquérir la nationalité du pays de l’UE où il vivent. Rappelons aussi qu’en 1990 les États-Unis avaient environ 250 millions d’habitants, qui en 2016 sont devenus plus de 325 millions (75 millions de plus !) grâce à l’immigration, malgré la reproduction d’une immigration de sans-papiers qui a atteint 13 millions de personnes alors qu’en EU les irréguliers sont estimés à environ cinq millions (mais sur 510 millions d’habitants). En 2015, seuls 2,4 millions d’immigrés sont arrivés venant de « pays tiers » (extérieurs à l’Union européenne) et les pays qui ont accueilli davantage d’immigrés ont été (en ordre de nombre) l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France, l’Espagne et l’Italie. Par ailleurs, la majorité des étrangers résidents dans les pays de l’UE sont des citoyens européens, originaires d’un autre pays de l’UE (Roumains, Polonais, Italiens, Portugais et Britanniques sont les cinq plus grands groupes de citoyens européens vivant dans un autre État de l’Union européenne). Selon l’OIM, depuis janvier jusqu’au 3 juillet 2017, 101 210 migrants et réfugiés sont arrivés en Europe par voie de mer dont plus de 85 000 en Italie, près de 9 300 en Grèce et environ 6 500 en Espagne. L’OIM souligne aussi que durant la même période de 2016 (début janvier et 3 juillet), les arrivées en EU étaient deux fois plus nombreuses, soit 231 503 arrivants.
Ces données ainsi que d’autres montrent de manière éclatante qu’il s’agit d’un nombre d’immigrants insignifiant par rapport aux 510 millions d’habitants de l’Europe et notamment par rapport au nombre d’habitants de pays de la taille de l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne. En plus, les morts durant les tentatives de migrations n’ont fait qu’augmenter : plus de trente mille depuis 15 ans et avec une augmentation constante : toujours selon l’OIM et d’autres sources, en Méditerranée, il y aurait eu 3 276 morts en 2014 , 3 771 morts en 2015, plus de 5 000 en 2016 et jusqu’à juin 2017 déjà plus 2 000.
A cela s’ajoutent les tortures, les violences sexuelles et autres abus subis par les migrants soit de la part des passeurs ou bandes de criminels soit de la part des polices de nombre de pays dont notamment les milices libyennes, en plus épaulés par des policiers européens.
Il est aussi archi connu que si les migrations sont devenues de plus en plus désespérées c’est exactement à cause de deux facteurs qui se superposent : la reproduction des guerres permanentes et le prohibitionnisme de l’immigration de la part des pays européens et nord-américains. Nombre d’enquêtes et reportages publiés même par des médias modérés comme Der Spiegel montrent comment les pays de l’OTAN, la Russie, la Chine et en partie d’autres tels Israël, alimentent ces guerres avec la vente directe ou indirecte des armements qui produisent ainsi que des connexions satellitaires et autres marchandises tels moyens de transport etc. Rappelons que l’une des plus importantes foires annuelles d’armements se tient dans les Émirats et là vont nos industries d’armements, nos ministres de la défense, nos dirigeants des services secrets (selon le SIPRI, la vente d’armements a atteint le plus haut depuis la guerre froide).
Voilà donc que la véritable raison de la construction de l’immigration comme le « problème » ou même la menace la plus « terrible » qui graviterait sur l’Europe n’est absolument pas le nombre « trop élevé d’immigrés » et non plus le fait qu’ils seraient déjà « trop nombreux », ni que ne « font pas assez d’efforts pour s’intégrer » (lieux communs racistes alimentés entre autres par les sondages manipulateurs publiés aussi par Le Monde [1] et autres).
Cette manipulation relève non seulement de la facile instrumentalisation de lieux communs voire du racisme courants à droite et même parmi une bonne partie du peuple de gauche ; elle relève du but bien précis de créer l’illusion auprès des citoyens européens que leurs droits et leurs supériorité sont bien défendus par les pouvoirs publics et par presque tous les partis. Mais le but encore plus pervers est celui d’occulter les véritables problèmes et malaises dont souffrent la majorité des européens : la diffusion du cancer, des différents désastres sanitaires-environnementaux et les désastres économiques tels les économies souterraines et donc le travail au noir et le néo-esclavagisme. Ces problèmes et malaises sont provoqués précisément par les pouvoirs publics et privés qui ont adopté l’orientation néo-libérale, voire des activités et pratiques qui ne font que reproduire des crimes contre l’humanité.
Autrement dit, comme d’habitude on parle d’immigrés pour ne pas parler de soi-même, on construit l’« ennemi du moment » pour occulter que l’ennemi est au pouvoir, on alimente le plus ignoble racisme pour cacher qu’entretemps les pouvoirs publics et privés provoquent de plus en plus de crimes contre l’humanité parmi lesquels les migrations désespérées, les presque dix millions de morts pour cancer chaque année, le néo-esclavagisme même à côté de notre appartement. Quel est la signification, l’utilité et l’intelligence de dispositifs militaro-policiers qui par exemple à la frontière de Vintimille ne cessent la « chasse à l’immigré » et entretemps n’hésitent pas à harceler et humilier les passants français et italiens (surtout s’ils ont une allure « solidaire avec les migrants »). Comme le signale l’Anafe, le Conseil d’État a refusé de condamner les pratiques illégales de la police aux frontières à Menton. Ce sont ça l’intelligence de la justice et la modalité opérationnelle de la France et de l’Europe démocratique ?
L’Europe qui prétend toujours se montrer démocratique, écologiste, absolument bien meilleure que les USA de Trump, la Russie de Poutine, la Chine du totalitarisme libéral, se permet donc d’être aussi raciste : la coexistence de démocratie et fascisme et racisme est institué. Non, on n’est pas face à des exceptions, on est face à la pseudo-démocratie qui révèle définitivement sa duplicité, voire sa possibilité de passer des apparences démocratiques aux pratiques fascistes et racistes ; et s’il vous plait les académiciens : arrêtons d’édulcorer les faits : ce que l’Europe est en train de faire contre les êtres humains qui cherchent à y arriver est fascisme et racisme. Essayez de penser si cela arriverait à des citoyens européens qui partent en vacances où ils veulent. Voilà pourquoi la mobilisation antifasciste et antiraciste doit être soutenue avec le maximum d’efforts de la part de tous ceux qui ont encore du respect pour les droits fondamentaux des tous les êtres humains et contre les crimes qui frappent l’humanité et le futur même de la planète.
C’est en ce sens que l’exemple des cheminots de la CGT en Paca ainsi que des solidaires français et italiens qui essayent d’aider les migrants mérite le plus grand soutien. Il faudra relancer un internationalisme comme ce fut celui de la Résistance contre le fascisme et le nazisme en Espagne, en Italie, en France et ailleurs en Europe et maintenant à l’échelle mondiale.