« La forme-église, la transmutation du moyen en but, et le fonctionnement idéologique s’accompagnent généralement d’un puissant appel à la tradition. Pour beaucoup de compagnons, récupérer la mémoire historique des luttes, et tout particulièrement celle de l’organisation anarcho-syndicaliste, représente un travail positif pour affronter le présent. Ce dont ils ne se rendent pas compte c’est de l’effet castrateur que produit cette mémoire. En effet, lorsque récupérer la mémoire historique signifie récupérer les sigles, les symboles, les congrès, etc., c’est une véritable régression que l’on effectue. Récupérer la mémoire avec ses tonalités d’époque comme si le temps s’était figé, c’est se transporter à ce moment-là et c’est aussi concevoir le futur comme une manière de revivre le passé, comme une renaissance qui reproduira l’âge d’or. Le passé de la CNT, qui pour tout authentique mouvement d’émancipation constituerait un trésor inappréciable, tout comme la Makhnovchtchina ou Cronstadt, représente pour la CNT actuelle, et parce qu’il s’agit précisément de la CNT, un stigmate de mort. N’est-il pas vrai, en effet, qu’aujourd’hui la CNT est, avant tout, son passé ? Que sa plus grande aspiration est de parvenir à être ce qu’elle fut ? » (Tomás)
« De tous les militants et autres weirdos politiques, les anarchistes sont ceux qui vivent le plus résolument dans le passé. L’anarchiste est trop souvent adepte d’hagiographie et collectionneur de saintes reliques. Il ne cesse de vénérer l’immense panthéon des martyrs de la cause : les morts de la commune, les martyrs de Haymarket, les propagandistes par le fait guillotinés, les mutins de Kronstadt, les cosaques d’Ukraine, Sacco et Vanzetti, les héros bafoués de la Révolution espagnole et tous les autres qui chaque année s’ajoutent à ce long martyrologue et dont le culte semble s’accorder avec l’opinion toute policière que le seul bon anarchiste est un anarchiste mort. » (Anne Archet)