Nationalisme chez soi, impérialisme chez les autres. L’atmosphère pue la guerre. On croyait que Trump ne s’occupait plus que de ses compatriotes, America first, nous a t-on dit. On croyait que Macron était très occupé par le grand débat national qu’il avait lui-même lancé, eh bien non. Ces deux otanistes sont très préoccupés par la situation au Venezuela.

L’opposant Juan Guaido, renvoyé le 22 janvier du poste de président de l’Assemblée nationale vénézuélienne sur décision de la Cour suprême, s’est autoproclamé mercredi «Président en exercice» du pays. Donald Trump l’a immédiatement reconnu comme «Président par intérim». Il a été moutonnement suivi par le Canada et plusieurs pays d’Amérique latine.

Quant à la France, son représentant Emmanuel Macron a tweeté " Le peuple vénézuélien doit pouvoir décider librement de son avenir. Sans élections annoncées d’ici 8 jours, nous serons prêts à reconnaître Guaido comme +Président en charge+ du Venezuela pour enclencher un processus politique. Nous y travaillons entre partenaires européens".

Aucun gilet jaune n’a bondi sur ce tweet d’une ironie sans pareille. Aucun commentateur politique n’a osé soulever cet insoutenable paradoxe. Des intellectuels nous avaient plutôt expliqué qu’il ne fallait pas tout confondre : les "gilets jaunes" ne sont pas le peuple...Ils sont une partie du peuple. Macron lui-même a fait savoir que ce Grand Débat National n’est pas le Grand Débat National entre lui et les "gilets jaunes" mais avec l’ensemble des Français. Une astucieuse manière de tuer le concept de "peuple français"...du moins, de rendre illégitimes ces actifs citoyens qui demandaient sa démission, sa tête. Mais enfin, au Venezuela, les manifestants ne sont pas tous les Vénézuéliens...ce qui n’a pas empêché Emmanuel Macron de parler du "peuple vénézuélien" .

L’Union européenne travaille sur le cas Venezuela, nous dit Jupiter. Mais qui travaille sur l’Union Européenne hormis les USA? L’UE ne devrait-elle pas déjà travailler pour elle, puisqu’elle semble fortement menacée de l’intérieur?

Huit jours pour organiser les élections. Sacré Macron! Et lui, quand va t-il remettre son mandat en jeu? Quand va t-il oser dissoudre l’Assemblée Nationale? Quand va t-il reconnaître que la représentation nationale ne représente personne d’autre que lui et ses ordonnateurs? Si le pauvre Venezuela n’organise pas des élections (démocratiques) d’ici huit jours , Macron promet de s’aligner derrière les Etats-Unis. Il n’y aura pas d’élections d’ici huit jours au Venezuela. Macron le sait très bien. Mais il le dit, pourquoi? Pour exhiber des muscles qu’il n’a pas, pour donner le sentiment à quelques naïfs que la France n’est pas soumise aux Etats-Unis. Eh bien, la France est clairement le pays du moment le plus soumis aux Etats-Unis. C’est pourquoi il y a un Macron à la tête de ce pays....Le pays voulait son Obama sans la peau noire. Pari gagné. Houellebecq, disons-le au passage, n’est pas un écrivain très authentique. Son Soumission, nullement prédictif et politiquement surréaliste, était le véritable témoignage d’un écrivain soumis aux pulsions américano-civilisationnelles, soumis aux intérêts du complexe militaro-industriel américain, soumis à l’air du temps, soumis à la catéchèse du capitalisme. Soumission de Houellebecq n’est que le versant littéraire, très tardif et très approximatif, du Choc des civilisations d’un Samuel Huntington. La France est moins soumise à l’Islam que Houellebecq à l’idéologie capitalo-impérialiste des USA.
Revenons au Venezuela. On a vu venir le scénario de loin. On isole, oppresse et opprime un pays, on le soumet à des sanctions américaines ou internationales qui impactent durablement sa population, on manipule sa monnaie, on joue sur les cours du pétrole ou des matières premières dont il dépend. On le vide de ses élites et de ses cadres qui ne peuvent plus supporter la misère rampante et on les corrompt à jamais...On laisse la plaie s’infecter sur la jambe, et dès qu’elle est déjà bien puante, on demande à la couper. A couper Maduro.

Le grand Débat National

Jean Yves Le Drian peut s’ingérer calmement dans les affaires du Congo Kinsasha, Benalla dans les sous-affaires du Tchad, Macron peut éternellement faire le garde chiourme des intérêts américains......les "Français", ceux qu’on a nommés les "invisibles", ne voient aucun mal à cela. Ils se sont interdits de savoir, de penser ce que font les dirigeants à l’extérieur des frontières. L’ignorance, quel confort! Cioran l’a si bien dit: "L’ignorance est un état parfait. Et on comprend que celui qui en jouit ne veuille pas en sortir." Ils ne sont plus que sensibles à leurs propres petits malheurs, leurs propres taxes, leurs évadés fiscaux...

Le grand débat national est un concept oxymorique ou contradictoire. Il n’est pas possible dans le monde d’aujourd’hui, dans un pays comme la France, d’avoir un grand "débat national". Un "grand débat", s’il est vraiment grand, dans le sens de hauteur de vue, de grandeur d’esprit, est nécessairement internationaliste. D’autant plus qu’on nous a encore appris que 26 individus possèdent à eux seuls ce que n’ont pas et n’auront "jamais" plus de la moitié de l’humanité. Oui, l’International doit être le genre humain. Pas l’internationalisme de BHL, on est bien d’accord. Pourquoi n’y a t-il donc de "débat" entre Français et immigrés portant non pas sur les quotas mais sur le monde qu’il faut bouleverser? Le grand débat national instauré par l’Etat n’est qu’un ultime soupir.

Discutons du Venezuela donc. Puisque le président de la République, notre représentant, a lancé un ultimatum....huit jours pas plus. Et la France apportera son soutien aux putschistes.