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Les nouveaux habits du racisme

posté le 19/11/16 Mots-clés  répression / contrôle social  antifa 

Non, il ne s’agit pas d’une gravure antisémite publiée dans la presse d’extrême droite des années 1930. L’homme au nez crochu, au regard torve, n’a pas la Torah dans la main, mais le Coran. Il est musulman et tourne le dos à la République. Qu’une revue puisse mettre une telle illustration en « une », que des libraires l’affichent, en dit long sur le climat actuel en France.

Pourtant, cette couverture de la revue Cités (1), publiée sous la direction d’Yves Charles Zarka, est à l’image de l’éditorial et de la présentation des contributions, qui relèvent de la « propagande », comme l’écrivent Olivier Roy, Jocelyne Cesari, Farhad Khosrokhavar, Franck Frégosi, Nacira Guénif-Souilamas, Youssef Seddik, Stéphane de Tappia. Ces neuf spécialistes de l’islam, dans une lettre commune, affirment avoir été « piégés par les références universitaires des organisateurs et de la maison d’édition ». « La présentation prétend inscrire l’ensemble des articles dans une vision simpliste d’affrontement qui n’est pas nôtre », poursuivent-ils.

Zarka ne s’en cache pas : « Pour le dire sans détour, écrit-il dans son introduction, il se joue actuellement en France une phase centrale de la rencontre conflictuelle plus générale, entre l’Occident et l’islam, dont il faudrait être d’un aveuglement total, d’une mauvaise foi radicale, à moins que ce ne soit d’une naïveté déconcertante, pour ne pas le reconnaître. » « Face à l’esprit de conquête, il faut développer l’esprit de résistance », conclut-il. Cette thèse, on la retrouve aussi chez Emmanuel Brenner, le coordinateur des Territoires perdus de la République (2) : « Evoquer un conflit de valeurs, c’est aujourd’hui prendre le risque de se voir cataloguer partisan des thèses de Samuel Huntington et de son “choc des civilisations”. Refuser de voir et de nommer un péril ne l’a jamais fait reculer. Il l’a seulement exacerbé. »

Serions-nous menacés, comme l’affirme Zarka, par la « constitution d’une minorité tyrannique » ? Il suffit de se plonger quelques heures dans les méandres du « paysage islamique français », avec ses multiples nationalités, ses courants innombrables, ses organisations qui se concurrencent, pour mesurer l’inanité d’une telle affirmation, d’autant que l’on compte, selon deux des articles de la revue, seulement 3,7 millions de « musulmans sociologiques », moins de 5 % de la population. Mais, nous prévient Pierre-Patrick Kaltenbach, compte tenu de la pyramide des âges, « l’enjeu électoral est de 6 à 10 fois plus important que l’enjeu religieux ». Ce collaborateur du Club de l’Horloge, ce défenseur ardent de Charles Millon et de son alliance avec le Front national au conseil régional de Rhône-Alpes, sait-il que la grande majorité des jeunes issus de l’immigration ne votent pas ? Et comment peut-il laisser entendre qu’un petit-enfant ou un arrière-petit-enfant de « musulman » vote comme un « musulman » ? A cause de ses gènes ?

Nous n’échapperons, dans cette livraison de Cités, à aucune des habituelles signatures de pseudo-spécialistes de l’islam, de Barbara Lefebvre à Jacques Tarnero (deux témoins à charge dans l’incroyable procès en antisémitisme fait à Edgar Morin ). Il ne manque qu’Alexandre del Valle, passé en une nuit de l’extrême droite antiaméricaine et antisioniste à la défense inconditionnelle de la politique de MM. Sharon et Bush. Mais qu’on se rassure, sa contribution, nous annonce-t-on, sera publiée dans un prochain numéro de Cités.

L’image de l’Arabe – pardon : du musulman – s’articule désormais autour de quelques images fortes : délinquance, fanatisme, antisémitisme, « tournantes ». Les auteurs des Territoires perdus de la République, convaincus que l’école est un sanctuaire, n’y ont détecté pratiquement aucune forme de discrimination contre les Arabes, mais relèvent tous leurs défauts, liés à une culture « arabo-musulmane » jamais définie.

Par exemple, le machisme trouve son point culminant dans les « tournantes », associées désormais à l’islam. Ainsi, dans Cités, Lucienne Bui-Trong, qui a dirigé pendant dix ans la section « violences urbaines » des renseignements généraux, écrit que « les viols collectifs se sont multipliés plus vite que les violences visant les symboles de l’autorité ». Pour une telle « spécialiste », on ne peut plaider l’ignorance, mais seulement le mensonge délibéré : les chiffres officiels, disponibles depuis 1984, indiquent que, contrairement à ce que n’arrêtent de répéter les médias, le nombre de « tournantes » – pratique particulièrement ignoble – est stable.

La lepénisation des esprits est en marche. Coordinatrices, avec Zarka, de Cités, Sylvie Taussig et Cynthia Fleury nous mettent en garde : « La décision à forte charge symbolique de faire construire une des plus grandes mosquées de France à Poitiers est à interroger dans le cadre d’une stratégie d’islamisation. » Longtemps, seule l’extrême droite faisait de la bataille de Poitiers (732) un symbole de la résistance aux Sarrasins. Désormais, ce n’est plus au nom de la défense de la « race », mais au nom de l’incompatibilité des cultures que l’on nous enrôle dans de nouvelles croisades.

Alain Gresh


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